12

88 9 2
                                    

Dès le départ du marquis, je demande à ce qu'un petit salon du rez-de-chaussée qui n'est jamais utilisé soit vidé de ses meubles et entièrement nettoyé. Les tapis et les rideaux sont lavés et séchés au soleil. Au bout de cinq jours, la pièce est entièrement aménagée en chambre pour la marquise. 

Je me suis également aventurée dans les écuries à la recherche d'un jeune homme qui est chargé des réparations et de l'entretien des différentes voitures du domaine. Munie d'e plusieurs croquis que j'ai préalablement préparés je lui ai demandé de fabriquer une espèce de chaise avec des roues afin de pouvoir pousser la marquise sur le seuil de sa nouvelle chambre afin qu'elle puisse prendre l'ai tous les jours au lieu de rester enfermée dans la pénombre. Pour cela j'ai dû puiser quelques pièces sur le petit revenu que m'a versé le marquis.

Je reviens des écuries satisfaite de l'avancée de la fabrication de la seule chaise roulante existant à cette époque. Ce jeune a su interpréter mes dessins à la perfection. Il ne me reste plus qu'à annoncer à la marquise qu'elle doit quitter sa chambre jusqu'à ce qu'elle fasse des progrès pour se déplacer et soit capable de monter à l'étage.

Je monte directement dans sa chambre et frappe à la porte. Sa femme de chambre m'ouvre et m'invite à entrer. Contrairement aux habitudes de ces derniers mois la pièce est baignée de lumière. Les rideaux sont ouverts et le soleil entre à flots dans la pièce. D'ailleurs, en raison de la douceur matinale, les fenêtres sont grandes ouvertes. La marquise a déjà repris des couleurs et semble plus énergique qu'habituellement.

- Bonjour votre grâce.

- Bonjour mon enfant. Aujourd'hui je me sens particulièrement en forme et ceci est grâce à vous. Rien que de pourvoir profiter du soleil m'a énergisée.

- Tant mieux car je voulais vous exposer mes idées afin d'essayer d'atténuer vos séquelles suite à votre attaque. Je ne sais pas si vous serez d'accord mais dans le cas où vous accepteriez tout est déjà prêt.

- Qu'est-ce donc que votre idée ?

- Bien que vous puissiez profiter de l'air printanier et du soleil vous n'avez pas la chance de pouvoir sortir. Alors j'ai eu l'idée de vous aménager une chambre dans le petit salon du rez-de-chaussée à côté de la bibliothèque. Il y a de grandes portes fenêtres qui vous permettront de sortir prendre l'air grâce à la chaise avec des roues que je vous ai faite construire. Nous pourrions alors reprendre les bases de la broderie et de la couture ce qui vous ferait exercer vos mains.

- Et vous pensez que ces changements pourraient m'aider à guérir ?

- Malheureusement je ne peux pas vous garantir que vous serez complètement guérie puisque plusieurs mois se sont écoulés depuis votre malaise mais je suis convaincue que bientôt vous serez capable de manger seule et de pouvoir vous déplacer à l'aide d'une canne pour vous joindre à nous dans la salle à manger.

- Alors je vous fais confiance. Je m'installerai dès aujourd'hui dans la chambre que vous avez faite préparer pour moi.

Je ne suis pas sûre que le marquis soit content des modifications que j'ai effectuées dans la maison et encore moins du déménagement de sa mère. Cependant sa colère ne me fait pas peur. Je dois tout faire pour aider cette femme et pour redonner le sourire à Cecily.

Deux jours plus tard la chaise est achevée. Elle est transportée dans la nouvelle chambre de la marquise qui est installée sur un fauteuil confortable posé juste à côté de son lit. Elle a pris l'habitude de s'y installer le matin pour manger son petit déjeuner. Le reste de la matinée est consacré à des travaux d'aiguille. Malheureusement elle ne parvient pas encore à tenir son aiguille et son tissu assez fermement pour obtenir un résultat satisfaisant mais elle reste plus que jamais motivée. Après le déjeuner elle fait une sieste et passe le reste de l'après-midi à regarder le jardin par la porte-fenêtre grande ouverte.

Aujourd'hui elle enfin pouvoir s'aventurer dehors. Nous l'installons tant bien que mal sur sa chaise roulante. Une fois confortablement installée je la pousse aidée par Lydia à l'extérieur. Nous avançons jusqu'au pied de le pelouse et restons un instant devant l'étendue verte avant de nous rendre compte que les épaules de la marquise sont secouées par des sanglots. Lydia s'agenouille aussitôt devant sa mère et prend ses mains dans les siennes les yeux pleins d'inquiétude :

- Mère, que vous arrive-t-il ?

- Rien mon enfant. Je suis juste tellement heureuse de pourvoir enfin sortir de cette maison. Je pensais que ce ne serait plus jamais possible. C'est grâce à vous chère Rose. C'est à vous que je le dois.

- Vous ne me devez rien. J'ai un toit et une famille grâce à vous et à votre défunt époux. Le moins que je puisse faire est de mettre tout œuvre pour vous rendre la vie agréable.

- Vous êtes un ange.

Je me sens gênée par son compliment. Je suis loin d'être un ange. Je ne suis qu'une usurpatrice qui ne devrait pas être là. Malheureusement je n'ai pas encore trouvé le moyen de rentrer chez moi. Peut-être ai-je été envoyée ici afin d'aider cette femme et sa fille ? Une fois ma mission accomplie je serai sûrement téléportée de retour à mon époque. Un peu comme dans cette vieille série, code quantum.

Je m'enferme le reste de la journée dans la bibliothèque pour faire le point sur l'avancée des travaux de nettoyage de la maison. Tout se déroule comme prévu et bientôt nous aurons fini de nettoyer de fond en comble la totalité de la maisonnée. Sauf les appartement du marquis. J'ai repoussé cette tache aussi longtemps que possible mais il est temps que je fasse la liste des travaux à prévoir dans la chambre du maître de maison.

Je monte les marches et me dirige d'un pas décidé vers l'antre du dragon. Je pousse la porte et mes yeux se posent sur une pièce totalement masculine. Partout du bois sombre du mobilier aux lambris. Des rideaux bleu roi et un dessus de lit assorti. Je distingue une porte sur le mur opposé et m'y dirige. Je l'ouvre et tombe sur une autre chambre. Celle-ci est totalement féminine avec son papier peint aux fins fleurs et ses rideaux rose poudré assortis eux aussi au dessus de lit. Je comprends qu'il doit s'agir de la chambre qu'occupera la future femme du marquis.

Tout d'un coup je me sens gênée d'être là.  J'ai l'impression de violer son intimité. Et surtout je prends conscience de sa proximité quand il sera de retour : seulement deux portes soit quelques mètres nous séparent toutes les nuits.


Présent et passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant