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Je ne sais dire si le marquis croit mon histoire. Ce que je sais c'est que ces derniers jours nous nous retrouvons chaque soir et que nous faisons l'amour comme si c'était la dernière fois.

Je sais que mes jours voire mes heures sont comptés. À deux ou trois reprises j'ai sorti mon appareil photo et je l'ai photographié. J'ai même pris un selfie de nous deux hier soir après l'amour. Ça me rassure de me dire qu'au moins j'aurai ces souvenirs de nous.

Nous sommes à deux jours du mariage et il va être difficile de nous retrouver discrètement avec l'arrivée des invités qui vont séjourner sur place. Mais il y a tellement à faire que je n'ai pas le temps de me morfondre.

Avec la marquise nous passons en revue tous les détails. Tout se passe comme prévu et nous pouvons nous détendre une grande partie de l'après-midi.

Au dîner nous sommes une dizaine à table et demain le nombre de convives doublera. Tous séjourneront sur place jusqu'au lendemain du mariage.

J'essaie d'oublier que dans deux jours je serai partie. Je disparaîtrai de leurs vies et ils m'oublieront sûrement. Peut-être que moi-même je ne garderai aucun souvenir de mon séjour ici. D'où ce besoin de prendre des photos de celui dont je suis tombée amoureuse.

Cette nuit je l'attends mais il est déjà très tard. Nous savions qu'il serait pratiquement impossible de ce voir ces jours ci. Cependant j'espérais quand même qu'il viendrait. Je finis par m'endormir.

Je suis réveillée juste avant l'aube par une présence à mes côtés. Il est venu. Nous nous aimons dans l'urgence. Nous savons que nous avons peu de temps avant le réveil de la maisonnée.

Une fois que nous sommes rassasiés l'un de l'autre, le marquis se racle la gorge :

- Il faut que je vous avoue quelque chose. J'ai demandé la main de la fille des Wakefield. Son père a accepté.

Je déglutis avec peine. Je ressens une douleur comme si une lame venait de transpercer mon coeur.

- Je suppose que je dois vous féliciter dans ce cas.

- Non, je ne le pense pas. Ce n'est pas un mariage d'amour. C'est ce que ma position et mon titre exigent de moi.

Je quitte le lit et me rhabille à la hâte. Il en fait de même. J'ai les mains qui tremblent et je me sens glacée tout d'un coup.

Il vient vers moi et prends mes mains entre les siennes.

- Vous n'êtes pas obligée de partir. Enfin, si, mais je pourrais vous offrir une petite propriété dans les environs. Nous pourrions continuer à nous voir après mon mariage.

Je lui arrache mes mains qu'il serrait entre les siennes. Je m'éloigne de lui et reste un instant le dos tourné. Quand je me tourne enfin vers lui je veux qu'il lise dans mes yeux combien sa proposition me blesse.

- Nous savions tous les deux depuis le début que ce que nous vivons ensemble n'est qu'une parenthèse dans nos vies. Encore plus maintenant que vous connaissez la vérité sur moi. Avec cette proposition vous faites preuve d'égoïsme. Vous ne pouvez pas me demander d'abandonner définitivement ma vie d'avant afin de rester ici et partager avec une autre l'homme que j'aime.

Je regrette aussitôt les derniers mots que j'ai prononcés. Notre situation est déjà bien assez complexe pour que j'y ajoute en plus mes sentiments.

- Vous avez raison. Je n'ai pas le droit de vous demander ce sacrifice. Je me suis laissé emporter. Pardonnez moi mon indélicatesse.

- Je n'ai rien à vous pardonner. N'en parlons plus et profitons des dernières heures qu'il nous reste.

Présent et passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant