Wayne

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19 décembre 2017

Depuis une bonne dizaine de minutes, je scrute mon reflet : j'observe le soulèvement chronique de ma poitrine, ainsi que le clignement de mes yeux. Ce que je vois dans cette glace ne suscite aucune réaction en moi. À vrai dire, mes complexes ressortent particulièrement mais je reste consciente que mon corps est tel qu'il est. Depuis toujours, les gens m'ont traité d'anorexique ou, certaines filles focalisées sur les chiffres de la balance, ont clamé que mon poids soit parfait. Ma taille rentre dans les standards, par contre, ma morphologie particulièrement fine peut paraître soucieuse. Tout mes os ressortent, principalement ceux de mes épaules. Je ressemble à un squelette d'après certains. Ma poitrine est présente sans non plus être exceptionnelle, contrairement à mes fesses qui sont inexistantes à l'heure actuelle. Moi, cela m'est égale, cependant, certaines personnes m'ont recommandé une torture qui porte le nom de « squatte ». Bien évidemment, j'ai ri au nez des spécimens qui m'ont conseillé ces absurdités avant de leur apprendre que « fermer sa gueule » était un exercice qui leur serait favorable.

Après tout ce que j'ai vécu, j'ai fini par comprendre que mon corps m'appartient. J'en suis l'unique maîtresse et cela, la société ne pourra jamais me le retirer. C'est une valeur qui m'a permis de passer outre les remarques des gens. Au fur et à mesure, plus personne n'osait me dire quoique ce soit car c'est eux qui terminaient humiliés. J'ai un teint pâle qui couvre mon visage fatigué. Mes iris grises tournent souvent aux rouges pour des raisons multiples. Mes lèvres sont fines. Je n'incarne en aucun cas toutes ces effigies dont raffolent notre génération. Pourquoi voudrais-je changer si c'est mon entourage qui m'encourage et non une volonté intérieure ? Je les enmerde.

Aujourd'hui, mon géniteur m'a complimenté sur ma chevelure blonde qui atteint mes hanches. Ses paroles m'ont perturbées au plus haut point. L'atmosphère qui régnait lorsqu'il a prononcé cela respirait l'hypocrisie : ma mère souriait, mon frère se tenait bien. Sauf que moi, j'ai refusé de me réduire à leur attitude plus que fausse alors j'ai saisi le briquet qui se situait devant moi sur la table et j'ai ancré mon regard dans celui de mon père. Puis, j'ai actionné le gaz pour laisser apparaître cette petite flamme inoffensive que j'aie dirigée vers mes longueurs pour brûler une de mes mèches. Ma mère a hurlé et personnellement, j'ai éclaté de rire. Ça sentait le brulé dans toute la pièce. Ils étaient éberlués par mon geste irrationnel. Mon père, assis en face de moi, a renversé ce qui se trouvait sur la table et je me suis levée calmement, renversant ma chaise par terre, pour rejoindre ma chambre. Ensuite, j'ai enlevé mes habits et je me suis détaillée dans le miroir.

Je touche ma mèche brûlée. Une satisfaction malsaine envahit ma poitrine. Alors, je me dirige vers mon bureau et extirpe un ciseau de mon tiroirs du milieu. Je me place comme avant pour attacher mes cheveux en une queue de chevale. Changer. Doucement, je place ma chevelure entre les lames puis, active une légère pression. Dans un calme légendaire, je termine mon action fatidique. L'élastique saute et je me retrouve avec des mèches qui frôlent de justesse mes épaules. Je n'eus pas le temps de jouir de ma nouvelles apparence que des cris retentirent en bas. Un fracas de verre retentit entre les murs. Je compris que mon père et mon aîné se batte. C'est la MMA ici. Les disputes qui tournent mal, c'est fréquent dans ma maison. Je colle mon oreille contre ma porte pour entendre ma mère s'égosiller. Si elle continue, c'est elle qui va se faire massacrer. Je ricane : elle ne possède pas l'allure d'une catcheuse. Profitant de cet élan chaotique, je sors de ma chambre pour gagner celle de mon frère. Discrètement, je pénètre la pièce pour contempler son désordre monumental : des vêtements jonchent le sol, il y a des affaires partout. Prenant garde de ne rien déplacer, je vais au niveau de son lit, autrement dit le seul meuble encore en bonne état, pour saisir le coussin jaune. J'ouvre la housse et tombe sur ce que j'espérais : du cannabis. Et pas qu'un peu. Alléluia. Tout sourire, j'emprunte de quoi passer une bonne soirée, remet tout en place et retourne dans mon antre. La porte d'entrée claqua violemment et je devine que mon frère s'est cassé. Cela signifie que je suis tranquille. Une fois dans ma chambre, je m'assure d'avoir bien fermer à clé pour m'installer à mon bureau. Dans un compartiment de ce dernier, je prends mon tabac, mes longues feuilles, un billet de train et ce que j'appelle « mon moulin à herbe ». Winter, horticultrice à sa manière. Avec hardiesse, je m'attelle à cette tâche. En moins de cinq minutes, un joint trône devant moi. Impatiente, je l'allume à l'aide de mon briquet fidèle. Je tire longuement sur le filtre pour inhaler au mieux cette fumée qui m'est bénéfique. Instantanément, mes muscles se relâchent. C'est purement thérapeutique. C'est ce qu'ils disent tous. Tout en fumant, je regarde les stories Snapchat de mes contacts en commençant par Aaron Graham, le meilleur ami de mon frère : il se trouve au terrain de football et il se filme en train d'exhaler une bouffée de son bed. La musique ainsi que les bruits m'indiquent qu'il n'est clairement pas seul. Je suis quasiment certaine que mon frère les a rejoint. Après lui, il y a la storie de Mercy Jackson. Suceuse. Elle s'affiche avec une bouteille de Vodka en compagnie d'Hilary Clark. Elles aussi sont avec Aaron. Il y a quelque mois, j'aurais été avec eux. Peu importe. C'est mieux ainsi. Dans ma solitude, je commence à danser. Je gesticule lentement et jette mon joint par la fenêtre. Bien vite, je suis interrompue par la sonnerie de mon téléphone. Il s'agit de Declan Tucer.

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