Louisa

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3 avril 2007

Maman pleure depuis des heures, parfois, elle se met à crier et à jeter des objets par terre. Autant que moi, Wayne ne semble pas comprendre ce qu'il se trame. Nous sommes en haut des escaliers à écouter les émotions de notre génitrice exploser.

« Où est papa ? demandai-je en chuchotant. »

Mon frère ne me calcula pas, il reste focalisé sur la valse énergique de ma mère qui se reflète en ombre par terre. Agacée, je réitère ma question, un peu plus fort. Cette fois-ci, il daigna à orienter son regard dans ma direction.

« T'es vraiment stupide, ricana-t-il. Maman ne t'a pas dit ?

-Dit quoi ? m'offusquai-je.

-Bien sur qu'elle ne t'a rien dit... »

Wayne se leva pour rejoindre sa chambre, m'abandonnant dans mon incompréhension croissante. La colère se mit à circuler en moi, je ne supporte pas d'être tenue à l'écart et, c'est toujours le cas : les disputes, les rires, les sorties, je ne suis au courant de rien. Ça suffit ! Déterminée à m'imposer, je dévale les escaliers en trombe pour me poster devant ma mère, mes bras croisés contre mon torse.

« Pourquoi tu pleures ?

-Va-t-en, Winter.

-POURQUOI TU PLEURES ? »

Mon hurlement aigu la fit sursauter. Oh, une réaction. Puis, elle s'approcha dans ma direction de ce pas qui m'inspire la menace, celui qui me pousserait à reculer à mon tour ; celui qui dégage une impression malsaine. Ma mère s'accroupit pour être à ma hauteur et encadra mon visage de ses mains dénudées d'instinct maternel. Ses longs doigts me frigorifient les joues.

« Va me chercher un verre, ma petite. »

Habituellement, c'est mon papa qui me demande cela. Alors, je dois aller piocher dans sa réserve, là où il fait noir et humide, et si je choisis mal, il me qualifie d'incapable. Je sais qu'il refuse catégoriquement que quelqu'un se serve dans sa caverne.

« C'est à papa.

-Va ! répéta-t-elle.

-Mais...

-Papa n'est plus là ! vociféra ma mère. Est-ce qu'un jour tu serviras à quelque chose et tu feras ce que l'on te demande ? »

Tête baissée, je me précipite dans le réduit. Mon cœur bat fort, je déteste cet endroit et l'odeur qui y est enfermée. En vitesse éclair, je saisis une bouteille et verse son contenu dans un verre épais. Je respire un bon coup avant de le lui donner. D'une traite, ma mère absorbe le liquide sous mon regard étonné.

« Les hommes, Winter, ne leur fait jamais confiance. »

Son attitude incompréhensible me perturbe.

« De toute manière, je ne m'inquiète pas pour toi, dit-elle en me lançant un regard oblique méprisant.

-Il est parti ? »

Elle éclata de rire et me félicita ironiquement. Étrangement, je ressentis un certain soulagement à l'idée de son absence.

« Pourquoi ?

-Parce-que sa pute est en cloque et qu'il veut assumer sa gamine, cracha-t-elle en se réservant un verre. »

En cloque ? Mes sourcils se froncèrent d'incompréhension. Que cela signifie ? Avant même que je ne prenne le temps de considérer cette information, mon aîné débarqua et me bouscula pour s'approcher de notre mère.

« Maman, elle n'a pas à savoir.

-Elle a déjà un prénom, sanglota-t-elle. Louisa. Et il me laisse avec vous...et Darla... »

Décomposée, je quitte le salon. Le poids du questionnement est sur le point de briser mes épaules. Je cours jusqu'à ma chambre pour me jeter dans mon lit et éclater en larmes. Le pire c'est que je ne sais pas pourquoi. Je ne comprends pas. Personne ne veut de moi. À voir, cette Louisa suscite plus d'intérêt.

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