Mme.Logan

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31 décembre 2017

Un sentiment paradoxal. Face à deux personnes que je connais depuis longtemps, j'ai l'impression de regarder deux inconnus. On ne se reconnaît pas au milieu de ce silence intense. Ce dernier communique à notre place ; nous tous sommes conscients que ceci est la preuve que rien ne reviendra jamais comme auparavant. Je pensais le savoir, pourtant, je me sens vide. La prépondérance de l'absence dans mon esprit m'effraie. Est-ce que je croyais rechercher la solitude alors que, en réalité, je subissais l'isolement ? Tu ne seras plus seule, me disait Hope. Alors, putain, où es tu ? Tout espoir est déchu.

Les yeux de Dylan se dirigèrent vers la porte d'entrée. Il envisage ma fuite et il a raison car en temps normal, cela aurait été mon premier réflexe de me lancer dans une course effrénée jusqu'à être hors d'haleine. Cependant, je suis fatiguée; fatiguée d'être moi-même, fatiguée d'être prévisible...tout simplement fatiguée. Mon âme de résistante invétérée s'est volatilisée. Pour la première fois de ma vie, je songe à me plier, à abdiquer, à abandonner parce-que je n'aperçois plus la lumière au bout du tunnel. Tout est sombre. À vrai dire, je me raccrochais à une étincelle, une instance de luminosité ou peut-être, une illusion d'une rédemptions utopique. C'est triste mais cette fin là ne coïncide pas avec mon identité ou simplement avec ma destinée. Alors, je me rends.

« Appelez là. »

C'est difficile à croire que ces paroles sortent de ma propre bouche ; que ce soient mes cordes vocales qui provoquent ces sons. Eux aussi sont déconcertés par ma réaction. Mon calme les déroute. Dylan est à l'affût, pensant très certainement que tout cela est une feinte mais pour une fois, rien n'est calculé, je m'agenouille. Hilary me dévisage alors que Lydia ne daigne pas à exprimer une once d'émotion.

« Fais-le, Hilary. »

Mes iris rencontrèrent les siennes. Est-ce qu'elle pense à tout ces moments où je lui ai conté ma douleur : ces soirs où j'arrivais en pleurs parce-que mon père était ivre et ma mère déprimée. Elle m'aimait par défaut, comme beaucoup de gens. Son affection pour moi ne dépassait pas le simple fait qu'elle m'ait donné la vie. Je décelais parfaitement la déception sur son visage lorsque je la surprenais à m'observer. Ma naissance n'a pas comblé son abysse affectif, ni transformé mon père : j'ai amorcé le commencement d'une fin. Wayne m'a détesté parce-qu'un nourrisson quémande beaucoup d'attention, j'ai aigri mon géniteur car j'étais une responsabilité en plus et ma chère mère m'a tenu rigueur de ne pas être la solution miracle. Dylan tendit son téléphone à la blonde qui ne parvient pas à me quitter des yeux. Est-ce que le souvenir de mes larmes engendrent son incertitude ? Après un reniflement, Hilary composa un numéro. Je m'asseye par terre, perdue. Alaska me lécha la main avant de se blottir contre moi. Je sais ce qu'il va se produire et bizarrement, peut-être qu'elle aussi.

« Madame Logan ? »

Je me revois assise sur une des tables du terrain de football. A cette époque, je ne connaissais pas encore Hope. À la maison, l'ambiance était devenue insoutenable. Lors d'un repas, mon père et mon frère avaient partagé l'un de ses rares moments de complicités et ils l'ont usé à faire des blagues douteuses sur mon apparence squelettique. Les mots de mon père, en plus d'être dégradants, étaient malsains et inappropriés ; il suggérait que, même s'il en avait l'occasion, il ne poserait pas une main sur moi par peur de me casser. C'est ainsi qu'il s'était lancé dans un délire d'humour pervers avec un discours machiste et terriblement déplacé envers moi. Wayne riait, il ne disait rien mais il était heureux que je sois la cible. Ma mère restait silencieuse. Au fond, ils avaient raison : rien de mon corps n'était particulièrement désirable. Une idée bancale avait émergé dans son esprit, c'est ce soir là qu'elle a décidé de me forcer à suivre a régime, non pas pour perdre du poids mais pour en gagner.  Hilary m'avait rejointe ce soir d'été là et m'avait serré dans ses bras. Elle n'a pas trouvé les mots juste, elle n'a jamais su ou cherché à me réconforter mais ou moins, elle était là. Sa présence m'apaisait. Le mois qui a suivi, après chaque repas, je vomissais dans les toilettes car mon estomac ne supportait pas tant de nourriture et que je me dégoûtais d'être contrainte de subir cela. À genoux, à me tenir les cheveux, des larmes d'incompréhensions dévalaient mes joues et le lendemain en cours, Hilary me faisait remarquer que j'avais encore maigri. C'est fou comme l'esprit est puissant, la somatisation n'est pas une légende. Je ne lui ai avoué la vérité seulement après avoir fait un malaise en cours de sport.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 18, 2019 ⏰

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