Lydia

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20 décembre 2017

Une distraction. Il faut impérativement que je me dégote une occupation qui parvienne à me faire oublier. J'ai marché jusqu'à deux heures du matin, parfois, il me semble avoir couru espérant échapper à mes pensées ou à ce monde qui m'étouffe. Dans ma solitude, je n'ai personne à qui me confier excepté un fantôme qui a réapparu pour une raison qui m'est étrangère. J'ai l'impression qu'elle me suit et qu'elle tente de communiquer avec moi mais sa présence me provoque une douleur dantesque dans la poitrine : mon souffle se rompt, ma cage thoracique se referme sur mes poumons et mes cordes vocales cessent de fonctionner. Je suis tétanisée malgré le besoin imminent de me plier en quatre à cause de la souffrance. Alors c'est certain, j'ai couru. Perdue, je me suis retrouvée devant la porte de chez moi sans avoir la sensation de me trouver en sécurité. Au contraire, je craignais de franchir le seuil de la porte. Heureusement, la voiture de mon géniteur ne stationnait pas devant le garage donc c'est plus sereinement que je suis entrée. Actuellement, je suis confrontée à ma mère qui pleure à chaude larmes. Cela ne me percute en aucun point. Je reste neutre face à ses sanglots.

« Ton frère..., commença-t-elle.

-Je sais, la coupai-je. C'était prévisible, surtout avec des parents comme vous. »

Elle me dévisagea ahurie par mes propos. Pourtant, ce n'est que la simple vérité, aussi rude soit-elle.

« Comment oses-tu ? Après tout ce que j'ai fait pour vous ?

-Comme baisser les yeux quand ton mari se comportait comme un connard d'alcoolique ? Ne jurer que par ta petite personne ? »

Pour la première fois, je me libère de ce poids qui pesait si lourd dans ma poitrine. Ils ne sont plus là, il n'y a plus qu'elle et, elle ne m'effraie plus depuis longtemps.

« Tu n'as rien fait pour nous. Wayne et moi avions beau nous détester, nous étions d'accord sur le fait que vous étiez la pire chose qui puisse arriver à un enfant, crachai-je. »

Sans que je ne m'y prépare, ma mère me gifla. Le claquement de sa main contre ma joue m'arracha un grognement sourd. J'effleure ma peau meurtrie du bout des doigts en fixant le sol. Extrêmement concentrée, je me retiens de lui rendre sa baffe. Elle ne mérite pas que je m'abaisse à son niveau. Ne la touche pas. Ma mère paraît déroutée de son propre geste. Je déglutis difficilement puis relève la tête avec fierté. C'est à ce moment précis que je remarque que ma lèvre inférieure saigne légèrement.

« Tu t'y mets aussi ? la provoquai-je fébrilement.

-Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Je ne te reconnais plus. »

En une soirée, j'eus la sensation d'encaisser plus de coup de poignard que Jules César. Sauf que je suis bien en vie, que mon cœur bat malgré tout.

« Ce qu'il s'est passé ? C'est simple : ma meilleure amie est morte, lâchai-je froidement, et maintenant je dois annoncer à sa petite sœur que son fils de pute de copain va dépérir en prison. De toute manière, tu n'as jamais su qui j'étais. »

La mine outrée de ma génitrice me sortit de mes gonds. Une fois ma colère amorcée, ce n'est plus qu'une question de temps avant que mes paroles dépassent ma volonté. Tout d'un coup, un objectif m'obnubile : blesser.

« Oh et, maman, dis-je d'un ton moqueur. Nous, nous sommes ton sang. Navré que les deux prodiges ne le soient pas. »

En aucun cas, je ne me sens soulagée. Décidant de mettre un terme à cette mascarade, je quitte le salon pour rejoindre ma chambre. Suivre cet itinéraire heurta ma dignité parce-que je n'ai nul part d'autre où aller et que je me résigne à m'enfermer dans cet endroit qui a failli m'achever. Il est trois heure et quart du matin. Je termine mon joint tout en détaillant la bouteille de Whisky qui siège sur mon bureau. Sans remord, je dévisse son bouchon pour déverser ce liquide meurtrier dans ma gorge. Ma trachée s'enflamme et je réalise que je ne vaux pas mieux que mon père. Lydia m'a appelé trois fois mais je n'ai pas eu le courage de décrocher. Détruire les autres est parfois un divertissement pour moi mais je le fais uniquement lorsque j'estime que la personne le mérite mais elle, ce n'est absolument pas le cas. Donc, j'enchaîne les gorgées vertigineuses poussant de long râle après chacune. Si je n'arrête pas, mon estomac risque de se retourner. Ça serait pas la première fois. Il faut que j'avoue que je ne supporte pas toujours bien le mélange de l'alcool et de la marihuana.  La sonnerie de mon téléphone résonna dans ma chambre. Mes réflexions embrumées, je saisis l'appareil pour répondre. Je bafouille du mieux que je puisse croyant m'adresser à Lydia. Mes mots se bousculent de même que mes idées et, telle une faible, je laisse ma voix se briser. Des larmes timides dévalent mes joues alors que la culpabilité me ronge de l'intérieur. Je me sens si désolée que je le répète. Assaillie par la peine, je bégaie encore plus.

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