Alaska

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20 décembre 2017

Appuyée contre cette vitre, mes pensées divaguent tandis que mes yeux se perdent stupéfaits par la rapidité à laquelle le décor se métamorphose. Les habitations et la nature qui cohabitent défilent à une vitesse affolante. Cela ressemble à un film monotone en option accélérée. Pourtant, je perçois ce spectacle comme une course fascinante. Je ne peux pas m'attarder sur les détails, ni contempler avec hardiesse la beauté d'une effigie et encore moins remarquer une erreur. Tout est fluide comme si ce déroulement avait été conçu pour qu'il paraisse harmonieux de loin. Si c'était ma vie qui cheminait, tout les éléments s'empiéteraient pour former un ramassis incompréhensible qui n'inspire que l'autodestruction. M'émerveiller face à ce paysage m'accorde un réconfort éphémère. Alors pour ce minuscule lapse de temps où mon esprit est empreint d'accalmie, je balaie mes inquiétudes pour me plonger entièrement dans l'observation de la beauté de la terre qui m'accueille depuis ma naissance. Je m'attarde aussi sur le ciel nuancé par les nuages qui m'offrent des myriades de possibilités d'exploiter mon imagination. Auparavant, je réfléchissais uniquement ainsi quand mon cerveau était stimulé par de l'alcool ou de la marihuana. À l'heure actuelle, j'ai atteint un tel point de dérision que je m'efforce de manier ce qu'il reste de mon âme juvénile et insouciante pour profiter d'instants de répits tels que celui-ci.

Face à l'immensité de l'univers illuminé par cet illustre astre céleste, je me sens insignifiante. Individuellement, je ne suis personne excepté une adolescente qui enchaîne les faux pas et qui n'aide en rien le monde. Mon existence s'avère inutile sous cet angle. Tant de solitude au milieu de tant d'êtres. Je me demande combien nous sommes à ce moment précis à fixer le ciel en doutant sur les raisons qui nous poussent à continuer ce périple nommé la vie. Si je ne m'avère pas être l'unique humaine à m'interroger à ce sujet, est-ce que les autres sont aussi rongés par un mal-être inconnu ? Sont-ils obsédés par l'idée de noyer leur conscience par de quelconques substances pour atteindre l'illusion du bien-être ? Se conforment-ils dans un bonheur imposteur ? Est-ce qu'ils réitèrent aussi les mêmes péchés qui blessent leurs entourages ? Est-ce que, tout comme moi, ils jouent un rôle qui ne leur correspond pas réellement ?

Je soupire longuement face à ce désastre : je suis dans un véhicule avec des personnes qui ne m'affectionnent pas en direction d'une personne qui, à la découverte de son identité, pourrait me donner l'envie de me jeter par la fenêtre. Rassurant. Une chose est sûre, vu mon état psychologique, je doute d'être capable d'affronter tant d'embûches. Encore, la présence de ces deux jeunes hommes qui me haïssent ne m'importent absolument pas mais le reste me perturbe. De plus, je ne peux pas cesser de me ressasser les mots de mon géniteur ainsi que ma conversation avec Lydia. Coupable. Fautive. Non-désirée. Responsable. Je m'agite à l'arrière ce qui attire l'attention de mon ancien ami qui me surveille par le rétroviseur. C'est étrange de réaliser qu'hier encore, je considérais Declan comme le seul rescapé de mes relations amicales. Je pensais qu'il me comprenait vaguement. À voir, j'avais tord. Quant à Khalan, c'est juste ironique que j'aie utilisé son prénom comme menace pour obtenir ma partie de jambe en l'air avec mon ex dans des toilettes publics. Je suis irrécupérable.

« Vous auriez pas des antidouleurs ? demandai-je, brisant le silence mortuaire. »

Effectivement, une douleur aiguë attaque mes côtes et ma tête. À mon avis, ma dégringolade dans les escaliers est l'auteur de mes maux. Tout ce que j'obtins fut des hochements de tête négatifs. Regardant à ma gauche, je remarque des bouteilles qui jonchent le sol de la voiture, juste derrière le siège du conducteur. Je me penche légèrement pour voir de quoi il s'agit et un sourire ravi naquit sur mes lèvres. Mon antidouleur. Empressée, je saisis mon médicament revisité : de la liqueur de pomme. Sans quémander la permission, je dévisse le bouchon pour ingurgiter ce liquide qui me démonte la trachée. J'avais oublié que cet alcool tapait dans les degrés.

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