Winter

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26 décembre 2017

Maintenant, je sais. Au fond, j'ai toujours su. Parfois, il est tellement plus simple de fermer les yeux sur la vérité : il n'est même pas question de la nier, juste l'ignorer. Qui sommes-nous ? Fondamentalement, des êtres humains mais je ne me prononcerai pas plus loin sur cette question. Ce serait prétentieux de ma part de tenter de poser des mots sur l'existence alors que je me contente de la subir, victime de ma vie mais pourtant partiellement maître de mon sort. Qui sont-ils ? Mes faiblesses, mes amis, les ennemis de mon envie de haïr la population entière. Qui suis-je ?

« Tu as tué personne, me dit-elle tout bas. »

Vais-je apercevoir une lueur de pitié dans son regard. Moi, Winter Logan, j'appréhende de croiser ses yeux par peur d'y lire de la charité. Je ne veux pas incarner un acte de bienfaisance comme je l'ai été avec Dylan. Durant ma vie, j'ai souvent été considérée comme une chose fragile et inutile qu'il faut tenir à l'écart. Puis, je suis devenue la reine des glaces, j'ai incarné une personnification de la froideur. Le comportement de mon entourage a évolué en conséquence : au lieu de m'écarter, ils m'ont tout balancé à la gueule. C'est bon, c'est Winter. Je n'ai jamais vraiment été moi-même, ou très rarement. Au point que je me suis perdue et que le rôle que je jouais a pris le dessus. Hope disait souvent en riant que j'étais ma propre meurtrière. J'ai tué Winter Logan. Elle, elle n'aurait pas ignoré le mal-être de sa meilleure amie ; elle aurait réussi à concilier son amour, à aider ses proches et se permettre d'accepter le bonheur. Sauf que cette personne est morte, par ma faute. Il y a des circonstances atténuantes, certes, mais ce ne sont pas des excuses.

« Est-ce que tu as déjà aimé quelqu'un tellement fort que ça te fait mal ? »

Moi, oui. C'était si puissant, si sincère. J'étais tellement effrayée que je ne lui suffise pas, qu'il se lasse de moi et qu'il réalise que je ne suis pas vraiment un personnage complexe : que, au fond, je suis simplement une adolescente en colère.

« Limite, poursuivis-je, tu préférais t'ouvrir les veines que d'accepter de l'admettre. »

Comment Brendan aurait-il pu m'aimer alors que mon propre frère m'a renié dès mon plus jeune âge ? C'est triste que les seuls moments où j'ai vraiment reçu de l'affection pure venant de ma famille soit une époque où ma mémoire n'était même pas encore capable d'emmagasiner des souvenirs. Les vices de papa ont repris le dessus, Wayne s'est senti délaissé, maman en voulait encore plus comme si ça allait combler son trou-noir qui avalerait n'importe quoi qui ressemblerait à de l'amour, moi, j'ai été l'élément déclencheur de ce massacre. La goutte d'eau qui a fait débordé le vase. Le double v de trop.

« Si je déteste tout le monde, c'est parce-que j'ai peur de trop les aimer, avouai-je. »

Mercy est pendue à mes lèvres. Je crois qu'elle essaie de me comprendre. Nous partagions tant de préjugés l'une envers l'autre qu'entretenir de telles discussions est presque hallucinant.

« J'ai peur d'être moi-même parce-que j'ai peur qu'on ne m'aime pas. Alors je joue un rôle où je suis sure d'être détestée, comme ça, il n'y a pas de surprises. »

À ce moment précis, je ne me confie pas à elle, mais à ce petit flocon de neige, dont j'ai l'espoir qui survive encore, au fond de mon être, à côté de mon cœur en feu. Cet étoile d'eau cristallisée qui représente ma douceur d'autrefois, celle que j'ai gelé, pour devenir un être frigorifié au caractère flamboyant et destructeur.

« Je m'engage dans des relations où je suis sure d'être niquée, comme ça, je vais avoir bien mal, j'aurais quelqu'un à blâmer autre que moi et surtout... »

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