Edward

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27 décembre 2017

Il me prend dans ses bras. Cet étreinte dont j'avais tellement besoin ; ce réconfort qui panserait durant un infime laps de temps ma douleur. Son odeur masculine m'enivre, je le serre un peu plus fort par peur qu'il s'en aille, qu'il fuit, qu'il m'abandonne. Je ne vois pas son visage et je n'en ai pas besoin. Le seul rythme de son cœur qui résonne dans mes oreilles m'importent. Mes défenses se dégringolent à force que son souffle chaud caresse mon crâne. Je suis apaisée. Cette émotion si particulière nommée la quiétude m'ensorcèle ; pourvu que cela soit éternel.

« Winter. »

Un murmure lointain qui m'appelle, une supplication intérieur qui, je le sens, va me déchirer. Mes mains s'agrippent désespérément à son dos. Ce contact physique est mon seul espoir de rédemptions. L'appel réitère et, il disparaît lentement. Bien vite, je me retrouve enlacée au vide, à câliner un souvenir. Tout est noir, je suis seule à chérir l'inexistant. Tout au tour de moi, le néant s'est incrusté. Son absence me blesse et c'est étrange : comme une éraflure qui me remémore continuellement son parfum. Est-ce qu'il me manque ? Pour moi, cette idée n'a pas de visage, aussi inconnue que lui.

« Bordel, Winter ! »

J'ouvre les yeux, la lumière m'agresse la rétine. Totalement désorientée, je grogne en me protégeant le visage. J'attends de recevoir un coup ou de me faire injurier. Sauf que cela n'arrive pas, je me fais juste secouer.

« Réveille toi putain ! »

Cette voix n'est pas masculine. Donc, je ne crains rien ? Je ne suis pas allongée sur un sol gelé qui frigorifie mon corps jusqu'à mon âme, ni en train de décuver sous un banc ou dans une baignoire. Serais-je dans un lit ? Mercy Jackson.

« T'es sérieuse ? Tu pues la mort et tu t'es couchée dans mon lit !

-Va te faire foutre, marmonnai-je en me retournant. »

La jeune fille semble en avoir décidé autrement vu qu'elle me pousse et que je chute sur le sol, en plein sur mes côtes. Un râle douloureux s'échappe de ma bouche. J'ai la sensation de revivre ma dégringolade dans les escaliers, de ressentir à nouveau la porte rencontrer mon front...Une douleur aiguë me transperce l'abdomen. J'ai de la peine à respirer.

« Oh putain, merde, ça va ? me mitrailla-t-elle de questions »

Incapable de prononcer une phrases, je me contente de la traiter de conne. J'adore avoir mal donc ouais, tout va bien. Avec peine, je me relève en gardant mes mains appuyés contre le sol.

« T'es sûr ?

-Oui, j'ai jamais été autant bien de ma vie, ironisai-je, gravement. »

Voilà, cela me revient ! Elle est descendue pour manger et moi, je me suis endormie avec Alaska sur son lit. Ma fatigue était si intense au point que cela devrait illégal qu'un unique corps en supporte autant.

« Putain, vous avez mangé toute la Chine ou quoi ? »

Mercy ria légèrement avant de me tendre la main. Je refuse son aide et me redresse seule en grimaçant. Ses yeux se posèrent sur mon ventre, intrigués. Si elle savait la fureur qui hantait le regard de mon père lorsqu'il se posait sur moi, son dégoût envers ma personne qui ne faisait que croître lorsqu'il buvait et me croisait. Rip Tom et Louisa.

« Repasse ton tel, je vais ressayer d'appeler Ed. »

Elle le déverrouilla puis me le tendit. Encore embrouillée par ma sieste, j'hésite avant de l'appeler. Au bout de quelques sonneries, à ma grande surprise, il a décroché. Méfiant, de sa voix rauque, il me demande directement de qui il s'agit.

« C'est Winter, détends toi.

-La sœur a Wayne ? »

Ma main se crispa sur le cellulaire de la noiraude. Je déteste être assimilée à lui, je suis une individu à part entière avant tout. Putain.

« Ouais, répondis-je, blasée.

-On m'a dit qu'il s'est fait peta ?

-Ça se peut. »

Les nouvelles tournent vite dans ce milieu. Edward m'interroge mais je ne lui dévoile aucun détails : cela ne le regarde pas. Aussi, comment expliquer que son incarcération est principalement dû à des querelles familiales ? Mon père a trouvé une manière rapide et efficace de se débarrasser de ses deux problèmes, de son double v infernal...Sous quel prétexte ? Repartir à zéro, très certainement. Dans son cortex noyé par l'alcool, cela doit sûrement être une décision saine et censée. Mais, pour cela, je ne perds pas espoir : il va en pâtir.

« Bon, mec, est-ce que je t'ai acheté du Xan ou un bail comme... »

Bip. Il a raccroché. Cet enfoiré m'a bouclé au nez. Il sait qui je suis ? En une fraction de seconde, je suis en train d'essayer de l'atteindre. Au bout de quelques sonneries, il décroche enfin en me reprochant de prononcer des termes bien trop incriminants et explicites par appel.

« Oh El Pablo, t'es pas sûr écoute, hein.

-Ferme ta gueule, doux petit pain d'épice. Si tu veux parler de ça, c'est face to face. »

Un rictus amusé relève le coin de mes lèvres même si l'idée de patienter ne me réjouit pas. Nous convenons de nous rencontrer demain après-midi au terrain malgré ma réticence. Je rends son cellulaire à la noiraude qui fixe le sol, exténuée. Elle m'annonce qu'elle va se doucher et que je devrais songer à le faire aussi. Salope.

« Tu veux qu'on s'douche ensemble donc ? »

Une fois de plus, un air outré et répugné déformé son joli visage. C'est vrai qu'elle est belle, entre les origines africaines et arabes. J'imagine que le mélange entre la peau métissée de son père et celle de sa mère est le résultat de son teint hâlé et frais. Puis, il y a moi : la froideur incarnée sur mes traits, forgées même dans mes sourires les plus sincères. La fatigue crispe chaque parcelle de mon visage.

« Fais pas ta bonne sœur, si j'avais eu la queue d'Aaron..., insinuai-je en baillant. »

Mercy fit petite moue timide que je ne parviens pas à déchiffrer puis se dirigea, seule, vers sa salle de bain. À nouveau seule, je lui vole une couverture et un coussin que j'installe par terre. Mon nid construit, je m'étale dessus en appelant mon chien pour qu'elle me rejoigne. Alaska se coucha à côté de moi, son flanc frôlant ma main. Le regard rivé sur le plafond dans cette pièce éclairée par une lumière tamisée, je pousse un profond soupire. Aaron Graham. L'acolyte de mon grand-frère et très certainement l'élu du cœur ou du vagin de mon hôte. Durant un minuscule instant, j'ose imaginer une dimension parallèle où Hope et Dylan, Lydia et Wayne et, Brendan et moi, serions des couples heureux. Si seulement. Il me prendrait la main, nouerait ses doigts aux miens et décongèlerait mon âme. Que des conneries. Malgré nos différents, je couverais mon frère et la petite sœur de ma meilleure amie avec tendresse. Je taquinerais Hope et Dylan qui ne cesseraient pas de s'embrasser. Peut-être que dans cet univers utopique siège une place pour Mercy et Aaron ?

Rude est la réalité, tout comme le sol sur lequel je couche. Quand je me permets de m'égarer dans le monde de l'imaginaire, elle me rattrape sans pitié pour m'étouffer avec ses vérités que j'adore à m'avouer. En baver donne un sens à ma vie ; ou plutôt, une raison d'exister. Sur cette terre qui m'accueille mais que je m'évertue à détruire comme la plupart de l'humanité, mon aîné est en prison, ma meilleure amie est morte, je suis désespérément attirée à quelqu'un qui est atteint du syndrome de l'infidélité, je sème du chaos pour récolter de la haine, je suis sans-domicile, potentiellement alcoolique et putain, je m'appelle toujours Winter Logan.

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