Chapitre 15

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Cela faisait environ une semaine et demi, depuis que j'avais faillis retomber en enfance dans les vestiaires du lycée. Des lors, je n'avais plus mis le nez dehors si ce n'était pour aller aux toilettes - je ne me lavais même plus, croyant ainsi faire fuir les autres. Je ne mangeais presque rien, et mes journées consistaient à déambuler dans ma chambre comme un zombi ou à rester allongée sur mon lit, sans penser a rien.

Parfois, cette situation dans laquelle je vivais ne me plaisait guère, et une envie de suicide me prenait. Je voulais mettre terme à cette vie qui m'avait été jetée sur les épaules et qui commençait sérieusement à me peser. Mais la encore, ma lâcheté m'en empêchais. Je n'avais même pas le courage de faire la seule chose qui pourrait me libérer de cet enfer, et par la même occasion renvoyer Alicia et Kevin a leur vie d'avant qui, je le crois, devait être bien paisible.

         Après une nuit aussi agitée que d'habitude, je me réveillais en sueur. Oui! Les rêves sordides que je faisais a l'orphelinat avaient recommencé a me tourmenter. A ceux la s'était ajoutée une version plus perverse et plus effroyable de mon agression au lycée... Bref! Le cauchemar.

        Les oreilles collées a la porte, je m'assurais qu'il n'y ait personne dans le couloir avant d'ouvrir la porte de ma chambre et de marcher, sans un bruit, vers la salle de bain. La lumière m'éblouit légèrement, mais je m'y fis un peu vite. Une fois a l’intérieur, je m'assis sur la cuvette des WC et fis ce que j'avais à faire, puis je retournais de la même façon dans ma grotte. Je m'installais de nouveau sur le lit, le drap remonté jusqu'au front, et ferma les yeux.

       Je n'avais pas faim, je n'avais pas soif, je voulais juste oublier.

Les "toc-tocs" d'Alicia me tirèrent de mon sommeil. Je m'étirais comme un chat et regarda autour de moi. Qu'elle heure était-il? Je n'en avais aucune idée. Je ne savais même pas quel jour nous étions... Passer tant de temps seule dans ma chambre m'avait fait perdre toute notion du temps.

Alicia toqua une seconde fois et entra sans attendre une réponse. Fichu porte qui ne se ferme pas à clef.

- Bonsoir, me dit-elle depuis la porte.

- Qu'elle heure est-il, demandais-je.

- Seize heures. Kevin ne va pas tarder.

Pourquoi me disait-elle ça? Comme si j'avais l'habitude de me soucier de l'heure a laquelle son fils rentrait a la maison.

- Je ne veux pas le voir, dis-je d'un ton sec.

      Même si je le répétais à tout bout de champ, je ne pensais pas ce que je disais. C'était juste que je ne savais pas comment faire face a Kevin alors qu'il savait déjà tout de mon enfance. De plus, des lors ou j'avais commencé à rester cloîtrée dans ma chambre, il n'avait pas tenté une seule fois de venir me parler ou de me faire avaler quoique se soit. Ça prouvait bien que ces révélations l'avaient choqué. Peut-être même était-il dégoûté.

Alicia soupira et alla tirer les rideaux.

- Tu veux que je te prépare quelque chose à manger, me propos Alicia.

Mais je n'avais pas faim du tout alors je refusais, ce qui la fit soupirer de nouveau.

- Ça fait quand même deux jours que tu n'as rien avalé. Je m’inquiète pour toi, tu sais? Regarde comment tu es devenue, s'exclama-t-elle en me désignant de la main. Bientôt tu n'auras plus que la peau sur les os.

Je détournais le regard et fixa l’extérieur. Je n'en avais cure de ce que j'avais pu devenir. Dans touts les cas, ce n'était rien comparer a ce que j'étais il y'a quelques années.

- Tu es tellement bornée, railla-t-elle. Mais je te préviens, tu n'as pas intérêt a ce que je te retrouve morte.

Sur ce, elle sortit en claquant la porte.

Sa dernière remarque faillit me faire éclater de rire. Tu n'as pas intérêt à ce que je te retrouve morte... Dans un tel cas qu'aurait-elle bien pu me faire, puisque je n'aurais déjà plus été de ce monde.

           - Elle est ou Cassy, entendis-je crier Marie depuis les escaliers.

- Dans sa chambre.

A ces mots la petite se mit à gravir les marches de l'escalier à toute vitesse.

- Mais je ne crois pas que tu devrais y aller, voulu ajouter Alicia.

Trop tard, car la fillette avait déjà claqué la porte derrière elle.

-Bonjour Cassy, s’écria la petite fille en se ruant sur le lit.

Elle y grimpa et me fit un gros câlin.

- Bonjour Marie, fis-je en la serrant fort. Tu vas bien?

Pour toute réponse, elle se contenta de hocher la tête de haut en bas tout en souriant.

- Tu étais à l’hôpital la dernière fois, demanda Marie. Je t'ai cherché partout, et tata Alicia a dit que tu te sentais pas bien du tout. Maman dit que quand on ne se sent pas bien, c'est qu'on est malade et qu'on doit aller à l’hôpital.

- C'est vrai. Et ta maman va bien?

- Oui. Hier j'étais avec papa.

            "Papa". Cette seule évocation me fit frémir. J’espérais que cette pauvre enfant ne souffre pas comme moi.

- Il est gentil avec toi?

- Oui. Hier, il m'a même emmené au parc d'attraction et il m'a acheté plein de barbe-a-papa et de glaces. On a fait des tas de tour de manège et j'ai même gagné une peluche.

- Vraiment?

- Hmm hmm. William dit qu'elle ressemble a une mouche, mais c'est une abeille. Il est bizarre.

- C'est vrai, acquiesçais-je à demi amusée.

Marie m'avait apportée une vraie bouffée d'air pur. Elle me rappelait tellement ma petite Lison. J’espérais vraiment qu'elle avait atterrit dans une famille qui saurait l'aimer comme elle le méritait.

         Marie passa quelques heures avec moi avant d'avoir faim et de descendre rejoindre sa tante qui préparait le goûté. Je restais seule dans la chambre qui commençait à sentir le renfermé et réfléchit un peu plus sur ma situation. Voir Marie parler aussi passionnément de sa journée avec son père me fit comprendre quelque chose.

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