My dear enemy ~ narry ~

4. Niall

Je m'arrête et lui souris. J'ai réussi à le faire craquer. Je sais à quel point les personnes de Tenzy ont de l'orgueil et de la fierté. Ils détestent montrer leurs faiblesses et veulent toujours paraître plus fort, plus intelligent et plus puissant qu'autrui. C'est papa qui me l'a dit.

-"Je m'appelle Niall." Je lui tends ma main.

-"Harry." Il la sert. 

Il a une sacré poigne malgré son piteux état. Une goutte d'eau tombe sur mon front, accompagnée d'une deuxième. Une pluie torrentielle s'abat sur la forêt entière, nous laissant trempés jusqu'aux os.

-"Je vais te trouver un endroit au sec." Je m'approche de lui pour lui prendre le bras mais il me repousse.

-"J'ai pas besoin de ton aide." 

Il se lève comme il peut, fait quelques pas avant de s'effondrer.

-"Harry, ne fais pas l'idiot. Laisse-moi t'aider, tu sais à peine marcher."

Il se laisse faire. Tant mieux. Il se sert de moi comme contrepoids et nous avançons dans les bois. Après de nombreuses minutes, nous trouvons un renfoncement au bas d'une petite montagne. J'installe Harry dans la grotte et m'assieds à ses côtés. Faire un feu est impensable vu que les branchages sont humides. Donc nous attendons la fin du déluge.

Harry lutte contre le sommeil et le froid. Je vois qu'il tremble mais il ne dit rien. Je passe mes bras autour de lui et frotte son dos de sorte qu'il ait un peu plus chaud. Au début, il me lançait un regard noir, mais peu à peu, il comprit que je ne faisais que le réchauffer. Il se blottit contre moi et je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire.

-"Qu'est-ce qui est si drôle?"

-"Rien, dors Harry."

-"Tu ne me tueras pas dans mon sommeil?" demande-t-il d'une petite voix.

-"Non, tu peux me faire confiance."

Confiance. Est-ce que moi je peux lui accorder ma confiance? Il m'a tout de même menacé et il était prêt à me trancher la gorge. Je ne sais même pas pourquoi je continue à l'aider. C'est vrai, j'aurais pu le soigner et partir directement après. Et non attendre qu'il se réveille. Mais papa m'a toujours dit qu'un patient était hors de danger à partir du moment où il était éveillé et tant que ses signes vitaux étaient stables. Harry est hors de danger depuis longtemps. C'est un guerrier robuste, je suis sûr qu'il a survécu à bien pire sans avoir pris d'antiseptiques. Mais je préfère m'assurer qu'il aille bien à 100%. Il est encore trop fragile pour retourner chez lui, surtout qu'il pleut maintenant, les chemins sont glissants et il tient à peine sur ses jambes. 

L'idée que, moi, je puisse retourner dans mon village me mit du baume au cœur. J'avais hâte de me réfugier auprès du feu que papa a sûrement déjà allumé, hâte de déguster sa délicieuse soupe aux orties et hâte de lui expliquer que j'avais soigné un blessé grave, tout seul, sans son aide. Il serait si fier. Mais en regardant Harry endormi, je me souvins d'où il venait et qui il était. Si je le dis à papa, je suis expulsé de Kasba. Aider, soigner, héberger, nourrir ou marchander avec un ennemi sont des crimes capitaux. Ces crimes ne sont pas punis par la torture ou la mort, car ce sont des actes immoraux pour mon peuple, mais par le bannissement. Rien que cette idée me donne le vertige. Jamais je n'ai enfreint une loi. Et je viens de gagner mon ticket vers la sortie de Kasba. 

Mais cela n'arrivera pas. Je ne dirai rien à personne. Cette journée doit rester secrète. Un secret entre moi et Harry. Mais va-t-il tenir sa langue? Oui. Il ne crierait pas sur tous les toits qu'un rival lui a sauvé la vie, ça serait la honte. Je suis presque persuadé qu'il se taira. 

La pluie a cessé. Mon ventre vide m'incite à rentrer. Sachant qu'Harry ne risque plus rien, je l'allonge correctement, dépose ma gourde après avoir bu deux gorgées, lui laisse quelques baies et framboises que j'ai cueillies en fin d'après-midi et remplis mon petit bol du reste de l'infusion.

Je prends mon sac, mon panier et me mets en marche vers Kasba, impatient d'être en sécurité.