17. Harry

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J'enlace une dernière fois ma mère et Liam, mon meilleur ami, avant d'embarquer dans le bateau.

-"Jeunes gens, rendez-nous fiers ! Puissiez-vous réussir votre examen final et intégrer l'armée royale de Tenzy !" Dit Chris en nous saluant, alors que le navire s'éloignait.

Nous mettons les voiles en direction de l'île Orcade. Depuis que j'ai quitté Niall hier matin, j'ai le moral dans les chaussettes. Mais j'essaie de faire en sorte qu'on ne le remarque pas. Je m'en veux toujours de ne pas lui avoir dit où je me rendais vraiment. Si ça se trouve, je vais mourir et Niall m'attendra sans jamais le savoir...

-"Tu m'as l'air bien pensif, Harold." me dit Lucy.

-"Appelle-moi Harry. Je déteste mon vrai prénom."

-"Comme tu voudras Harold. Alors? Tu as pensé à comment on pourrait survivre sur cette île pourrie?" 

-"Honnêtement, non. Mais la meilleure des choses serait de trouver un endroit sûr pour la nuit et de déjà commencer à poser des pièges pour avoir de quoi manger. T'as d'autres idées, toi?"

-"Non."

Elle est très renfermée. Le silence entre nous s'installe et nous observons les autres soldats discutant entre eux. Nous sommes 148 en tout ; 74 hommes et 74 femmes. Certaines équipes de deux ont des plans et même des esquisses de constructions pour leurs futurs abris. Et moi, je n'ai rien préparé. Je me sens stupide.

-"Ça craint les équipes." dit-elle soudainement.

-"Je trouve pas. Justement, l'homme et la femme sont complémentaires, ils peuvent s'entraid..."

-"Je voulais dire : mon équipe craint." me coupe-t-elle.

-"P-pourquoi tu dis ça?"

-"Qui voudrait être coincé avec le futur roi de Tenzy sur une île paumée ?"

-"En quoi ça te dérange ?"

-"Je hais Tenzy. Et donc ses dirigeants. J'ai l'impression que je suis pas à ma place..." 

Ah, elle s'ouvre enfin un petit peu.

-"Lucy, je comprends ce que tu ressens... Tu sais, je ne veux pas être le roi de Tenzy mais je n'ai pas le choix."

-"On a toujours le choix."

-"Sauf pour la composition des équipes." Je plaisante.

Elle me fusilla du regard.

-"Hé, j'essaie de détendre l'atmosphère, c'est pas facile de parler avec toi."

-"Harold, quand tu seras roi, est-ce que tu régneras comme l'a fait ton enfoiré de père?" me demande-t-elle soudainement, après quelques secondes de silence.

  Je sentis la colère monter en moi.  

-"Ne parle pas de lui comme ça !" Je l'attrape par le col de sa veste.

-"Sinon quoi?" me défie-t-elle? "Tu vas me tuer? Tu seras tout seul alors sur ton île débile, et sans moi, t'as aucune chance."

-"Je peux très bien me débrouiller sans personne."

-"C'est pas toi qui disais que les hommes et les femmes étaient complémentaires?" Elle se libère de mon emprise.

Nous nous regardons avec mépris. Comment une belle fille comme elle peut être si insolente?

-"Tout se passe bien ici?" demande Matthew.

Super, voilà qu'il s'en mêle.

-"Dégage Daddario, on t'a pas causé." cracha Lucy.

-"Toujours aussi aimable à ce que je vois... Je vais vous laisser tranquille. Bonne chance à vous sur Orcade." Il s'en alla en nous offrant un faux sourire amical.

-"Quel enfoiré," Dit Lucy "j'ai envie de le buter avec sa tête d'hypocrite."

-"Cela nous fait un point en commun." Je ris.

Je vis qu'elle souriait. 

-"Je te préfère comme ça." Je dis doucement.

Elle détourna son visage, sans doute pour cacher ses joues rouges.

-"Je peux te poser une question?" je demande.

-"Le roi demande s'il peut me poser une question?" Dit-elle en se moquant.

-"Arrête, je ne suis pas le roi !" Je crie tout bas.

-"Qu'est-ce que tu veux savoir, Harold?"

-"Pourquoi tu es une guerrière? Ton père est ingénieur, non? Les enfants sont censés suivre une formation pour faire le même métier que leurs parents..." Je lui demande.

Elle resta silencieuse un instant, comme si elle avait peur de dévoiler un secret.

-"C'est vrai, James est ingénieur. Mais c'est pas mon père. Ma mère a été forcée de l'épouser. Cet homme a tout pour être détestable : irrespectueux, brutal, négligeant... Depuis que je suis toute petite, je suis très agressive envers lui. Alors, il a décidé de me mettre chez les guerriers pour que j'apprenne à canaliser ma violence. Ça répond à ta question?"

-"Oui et désolé, je ne savais pas."

-"Maintenant t'es au courant, si on doit vivre ensemble pendant un bon bout de temps, autant que tu saches que j'ai pas peur de me battre. Même avec des hommes."

J'acquiesce, ne sachant pas quoi répondre. Elle se cache derrière une carapace de violence pour se défendre de son beau-père. Je la trouve très courageuse.

-"À mon tour, je peux te poser une question?" Me dit-elle.

-"Bien sûr."

-"Quand tu seras roi, est-ce que tu régneras comme l'a fait ton enfoiré de père?" Elle répète.

-"Je ne sais pas comment je régnerai. Et qu'est-ce que t'as contre lui? Tu ne l'as même pas connu." Je réponds, irrité par sa haine.

-"Toi non plus, je te ferai remarquer !"

Touché.

-"J'avais deux ans quand il est mort, mais c'était un homme bon." Je lui explique.

-"Un homme bon? Laisse-moi rire. Ton père a ordonné de brûler des villages entiers, de massacrer des hommes et de capturer leurs femmes. Et tu trouves que c'est un homme bon? Si tu fais la même erreur que lui, je t'assure que je t'étripe !"

-"Mon père avait ses raisons. Quand je serai au pouvoir, je régnerai comme bon me semble !" Je crie.

Les regards des autres soldats étaient tournés vers nous. Toutes les conversations s'étaient tues. Je ne m'étais pas rendu compte que nous nous engueulions depuis deux minutes. Je regarde Lucy et la tension entre nous est palpable. Je la prends par le bras et l'emmène dans une des cabines du bateau, afin d'être plus tranquille.

-"Je suis désolé de t'avoir crié dessus. C'est juste qu'avec ce qui nous attend sur cette île... Je suis à cran."

-"Moi aussi je suis désolée de t'avoir menacé. Mais je suis comme ça. Impulsive... On fait la paix, partenaire de survie?" Elle me tend sa main.

-"Faisons la paix." Je la lui serre.

Nous nous sourions. Ça sera dur de lui accorder ma confiance, mais j'imagine qu'avec le temps, nous parviendrons à devenir amis. 

Sur le pont, l'agitation se fit entendre. Lucy et moi remontons afin de voir l'origine de ce mouvement de foule.

À l'horizon, nous apercevions une île... à glacer le sang.

My dear enemy ~ narry ~Où les histoires vivent. Découvrez maintenant