Chapitre 8 | Partie 1 : In the Pines

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ARLETTE

Ronald avait sellé ses deux juments. Il s'était levé plus tôt pour nettoyer l'étable et brosser les bêtes, réveillant de bonne heure les hommes qui dormaient encore deux mètres au-dessus dans leurs lits de fortune. 

Ils avaient fait de l'étable un dortoir qui aurait pu être agréable à vivre s'il n'avait pas été peuplé uniquement par des créatures aussi goguenardes. Il ne valait mieux pas laisser traîner ses bottes dans le passage ou oublier sa ceinture sur le lit d'un autre. 

On risquait de les sentir voler au-dessus de sa tête en pleine nuit. Et si ce n'étaient pas les hommes qui jouaient aux diables farceurs, c'était les chevaux qui décidaient de taper du pied sur les planches de leurs enclos du matin ou qui mangeaient les chapeaux oubliés trop près d'eux. 

Les quatre travailleurs qui habitaient les lieux avaient l'habitude de vivre ensemble, sous la même tente, dans le même refuge de montagne, dans la même chambre et dans les mêmes tranchées. Tant qu'il y avait un toit ou un morceau de tissu entre eux et le ciel, ils étaient satisfaits. Après la Somme, tout lit fait de paille ou d'un tapis leur convenait. 

Partout où ils allaient, ils vivaient de la même façon, comme si leur vie n'était qu'une succession d'improvisations sur une seule et même mélodie. Quoi qu'il leur arrive, ils en revenaient toujours au thème de base. Ce thème, c'était eux, tous les quatre, ensemble.

L'immense palefrenier vérifia les sabots des chevaux et resserra leurs sangles. Joshua et la patronne devaient être en route pour la ferme, comme tous les dimanches. Kenneth descendit à l'échelle et s'accroupit devant une caisse pour y poser un morceau de miroir et se raser avec son couteau.

Arlette arriva seule depuis la route de Pinewood, portant à bout de bras les pièges à castor et son fusil. Elle ouvrit la porte de l'étable d'un pied et s'y engouffra rapidement. La voyant approcher sans Joshua, Ronald commença à desseller la jument noire, lui laissant l'alezane aux pattes blanches. Kenneth lâcha immédiatement son couteau, le visage à moitié rasé. Il salua la patronne et l'aida à porter une partie de son chargement jusqu'à Ronnie.

—Tu pars seule aujourd'hui ?

—Joshua est occupé à Bangor, répondit-elle haletante.

Kenneth fit une moue contrariée. Cela signifiait qu'il essayait encore de récupérer sa femme. Quand comprendrait-il enfin ? Tout le monde s'inquiétait pour lui. Il parlait peu de son épouse, mais elle semblait lui en vouloir pour une raison obscure. Elle occupait ses pensées, elle rendait le brave Acadien aigri et triste.

—Votre ami Louis est passé quand vous étiez à l'étang, dit-il, il a dit qu'il faudrait éviter la frontière encore quelques temps.

—Toujours ces règlements de comptes ?

—Ça n'en finit plus. Il paraît qu'une étable comme celle-là a brûlé à Princeton avec trois personnes à l'intérieur...

Ronald approcha avec le cheval mais hésita à prendre la parole.

—Quand est-ce qu'on va passer à l'action ? demanda-t-il, vous savez si on attend trop ça va se passer ici...

—Ça se passera ici quoi qu'il arrive, déclara Kenneth en fixant Arlette. Mais Ronnie n'a pas tort, si on prend l'initiative, on a plus de chances de s'en sortir. Il faudrait choisir. Discuter avec les Richter. Ou bien avec ce Lloyd.

Arlette vérifia les sangles de la jument et se retourna vers eux. Elle vit Paddy et Mickey à l'étage qui s'étaient accoudés à la rampe pour les écouter. Ils sortaient à peine du lit et portaient encore leurs maillots sales de la veille.

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