ARLETTE
Henry tenta de continuer en reprenant la route mais entre la buée qu'ils faisaient sur les vitres et la pluie qui avait fait de la route une véritable rivière, il fut forcé de s'arrêter après une dizaine de kilomètres chaotiques. Il devait faire moins de cinq degrés dehors.
Frigorifiés, bloqués, ils restèrent dans le silence le plus total pendant près de vingt minutes, écoutant la pluie tomber sur le toit de la Ford dont l'étanchéité laissait à désirer. Arlette avait le dos mouillé.
Elle regarda en l'air et découvrit un trou dans le toit correspondant à l'impact d'une balle et des marques de pieds qui s'étaient enfoncés dans l'acier de mauvaise qualité. Mais comment est-ce que quelqu'un s'était retrouvé sur le toit de la voiture pour tirer ?
Elle referma son manteau et croisa les bras. A côté d'elle, Henry jouait nerveusement avec son briquet. Il semblait en colère, comme toujours. La jeune femme n'allait pas supporter cette situation très longtemps. Elle décida de commencer la conversation.
—Henry, je suis désolée de ne pas avoir parlé de mon plan avant, dit-elle d'une voix qui lui sembla trop faible.
Il ne réagit pas. Peut-être n'avait-elle pas parlé assez fort. Continuant de jouer avec son briquet, il releva seulement sa tête pour regarder le tronc en face duquel ils s'étaient garés. En réalité, il était simplement surpris qu'elle ait commencé en l'appelant par son prénom. Est-ce que c'était la première fois qu'elle le faisait ? La première fois en s'excusant en tout cas.
Tout en regardant l'écorce du pin en face d'eux, il pensait à ce qu'il pouvait bien répondre à cela. Que c'était un sale coup dans le dos, mais aussi une bénédiction qui avait sauvé tout le monde ? Il se tourna vers elle et regarda le manteau qui avait encore des taches de sang et repensa à l'état dans lequel il l'avait retrouvé à l'hôtel.
Comment est-ce qu'il pouvait en vouloir à ces yeux perdus et cet air terrorisé ? C'était lui qui devait être désolé, il avait encore à lui annoncer qu'un de ses amis était mort et qu'un autre était gravement blessé... Il serra les dents.
—Vous avez fait ce qu'il fallait faire... Pas ce que vous deviez faire, mais ce qui devait être fait.
Il réalisa l'étrangeté de sa formulation et se reprit :
« De toute façon... Si vous m'aviez prévenu avant j'aurais refusé, admit-il finalement.
—Je sais que Fitzgerald n'était pas la meilleure solution...
—C'était la plus efficace. Vous avez cloué le bec à Louis. Rien que pour ça, ça valait le coup, essaya-t-il de plaisanter.
Elle ne sourit pas. Son regard se perdit dans le vague, dans une expression triste.
—J'ai été vraiment stupide avec Louis...
—C'est un manipulateur. Et un enfoiré d'Anglais, j'aurais dû le savoir...
—Vous connaissez des Anglais ?
—Non, mais c'est sûrement pas des gens bien.
Elle rit franchement cette fois-ci, révélant ses petites dents blanches. Il aurait certainement eu la même réponse si elle lui avait dit qu'il venait d'Atlanta ou de Boston.
—Et qui sont les gens bien alors ? demanda-t-elle en plaisantant.
—Bah... Les Français, de ce que j'en ai vu... se lança-t-il, entrainé par les rires de la jeune femme.
—Et vous en connaissez beaucoup des Français ?
—Une seule, dit-il plus sérieusement.
Elle cessa de rire et baissa la tête, soudainement gênée.
VOUS LISEZ
PINEWOOD
Historical FictionMai 1930. Une jeune Française touche pour la première fois le sol américain. Elle vient recevoir l'héritage d'un oncle oublié, qui lui lègue des milliers d'hectares de terrain et une maison perdue au cœur des forêts du Maine, Pinewood. De ce lieu r...