LOUIS
Il gara la voiture entre deux entrepôts sur le port et sortit en se dirigeant vers le chantier naval. La taupe devait le retrouver quelque part entre les caisses de bois et d'acier pour six heure et demi.
Il s'assit sur un tas de bois, les mains enfoncées dans les poches de son blouson en cuir. Il attendit vingt minutes avant de voir un petit homme au chapeau noir apparaître entre deux bateaux. Il portait des lunettes de soleil et marchait d'un pas vif.
Louis se leva, soudainement inquiet. Alerté par sa cadence rapide, il comprit soudainement que l'homme qui venait vers lui n'était pas celui qu'il attendait. Rapidement, il sortit son pistolet et le pointa sur lui.
—Arrêtez-vous ! cria-t-il, sans être encore certain s'il s'agissait oui ou non de son indicateur.
Ces péquenauds d'Américains n'étaient pas très doués pour les rendez-vous en général, mais peut-être que celui-ci était simplement trop ivre ou gonflé d'assurance pour prendre garde. L'homme en face s'approcha en écartant les bras comme s'il allait l'embrasser, alors qu'il ne pouvait pas encore voir son visage.
Ça, c'était un piège, se dit-il en se tournant rapidement vers les autres côtés. Deux hommes tenant des mitraillettes étaient apparus entre les bateaux. Deux autres arrivaient vers lui en le menaçant de fusils depuis l'entrepôt où il avait laissé sa voiture. Il était coincé...
Il lâcha son arme et leva les mains en l'air en jurant. L'homme aux bras ouverts s'approcha. Il sortit un sac de toile de sa poche et couvrir la tête de Louis tandis que les autres lui liaient les mains. Il se laissa faire sans discuter, rompu à ce genre de procédure. Ils allaient l'amener quelque part, lui poser des questions, et le tuer. Du moins ils essaieraient.
Il fut transporté dans une voiture pendant environ une dizaine de minutes. Il entendit qu'ils passaient par un pont en bois puis qu'on ouvrait des grilles de fer et qu'on pénétrait dans une zone pavée. Des mouettes criaient au-dessus de la voiture, par centaines. Il entendait plus loin la cloche claire d'un bateau qui annonçait son entrée dans un port, et le bruit de l'océan.
On le traîna ensuite sur du gravier puis dans un couloir bétonné, qui sentait fortement l'eau salée et la peinture pour bateau, avant de l'asseoir sur une chaise. L'air était glacial. Trois personnes entrèrent dans la pièce, dont l'une portait des chaussures à la semelle plus souple, certainement une paire en cuir de marque. Il s'assit juste en face de lui, raclant les pieds d'une chaise au sol.
Et soudain il fut ébloui. On venait de lui retirer le sac de sa tête. Il cligna des yeux, s'habituant peu à peu à la lumière. L'homme aux chaussures souples était en costume de ville, portant un chapeau rond à la mode anglaise. Lloyd. Il sourit à Louis et alluma un cigare. Les deux hommes autour de lui s'approchèrent du prisonnier et lui firent relever la tête.
—Vous cherchiez quelqu'un de chez moi, McCarthy ? Il faut croire qu'on ne peut plus faire confiance à ses indics, siffla Lloyd.
Louis le regarda sans répondre. Il vit les lèvres de l'homme se crisper sur le mot « indic ». Il essayait de garder une expression placide, mais il clignait des yeux trop souvent, et sa glotte bougeait trop, elle aussi. Il était en colère, et angoissé. Son costume à première vue si bien entretenu était en vérité froissé sur les bords et sa cravate sortait légèrement de son gilet. Il n'avait plus l'esprit assez calme pour se livrer à ses habitudes maniérées. Il était au bord du gouffre.
Louis déglutit et prit un air affecté. Il regarda à droite et à gauche.
—Où est-il ? Où est Martin ?
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PINEWOOD
Historical FictionMai 1930. Une jeune Française touche pour la première fois le sol américain. Elle vient recevoir l'héritage d'un oncle oublié, qui lui lègue des milliers d'hectares de terrain et une maison perdue au cœur des forêts du Maine, Pinewood. De ce lieu r...