ARLETTE
L'eau brûlante la débarrassa définitivement de tous les doutes et des regrets qu'elle avait pu éprouver après ce qu'elle avait fait à la mine, mais elle la purifia aussi de la pestilence de cette vallée des ombres dans laquelle elle avait dû se rendre.
Toutes les coupures, tous les hématomes qu'elle s'était faits dans la forêt devinrent plus douloureux et elle resta dans l'eau jusqu'à ce qu'elle ait totalement refroidit pour laisser la fatigue de ses muscles disparaître.
Elle peignait ses cheveux pour les débarrasser des parasites lorsqu'elle entendit quelqu'un entrer précipitamment.
—Elle est rentrée, elle est à la salle de bain, dit Betty d'une voix blanche qui trahissait de la méfiance.
C'était forcément Kenneth. La jeune fille était vexée qu'on ne lui ait pas expliqué le plan dont il faisait partie. Les bruits de pas se rapprochèrent et on frappa à la porte.
—Vous êtes de retour, Miss ? Vous avez trouvé une voie dans la montagne ?
Sa voix était pleine d'entrain, elle chantait comme un violon bien accordé. Il était impatient. La jeune femme posa son peigne et commença à se sécher.
—Non, la zone est trop fragile. Il faudra contourner. Comment s'est passé ton voyage ?
—Très bien, j'ai retrouvé ma famille, mes cousins, mes neveux et nièces.
—Et ta grand-mère ? Comment va-t-elle ?
—Elle se porte beaucoup mieux, cette vieille goutte qui ravageait sa jambe sera bientôt soignée. Elle a hâte de vous rencontrer, je lui ai beaucoup parlé de vous...
—Tu lui diras de se préparer au froid du Nord, je ne voudrais pas qu'elle tombe à nouveau malade en venant ici.
—Elle prendra toutes les précautions nécessaires.
Arlette sentit qu'il jubilait. Il devait retenir son sourire devant Betty, de l'autre côté de la porte. Elle savait le plaisir qu'elle lui faisait en lui donnant cette mission. Elle refaisait de lui un soldat, après toutes ces années pendant lesquelles il s'était persuadé qu'il pouvait faire autre chose de ses deux mains.
Betty toussa bruyamment. Elle ne devait plus rien y comprendre. Et c'était mieux ainsi. La jeune femme était heureuse d'entendre à nouveau la voix de Kenneth.
En cet instant, elle ne regrettait plus ce qu'elle avait fait dans la montagne. Plus que tout au monde, elle avait envie de préserver et de chérir ce qu'elle vivait avec ces gens à Pinewood. Elle attendit un instant avant de continuer.
—Est-ce que tout le monde sera là ce soir ? On pourrait sortir le violon et la guitare pour fêter notre retour...
—Bonne idée, dit-il plus doucement, je vais prévenir les autres.
—Merci Kenneth.
Il tourna des talons et ressortit. Arlette entendit Betty qui partait dans la cuisine en marchant plus lourdement. Elle finit de s'habiller avec une robe noire ample qu'elle serra à sa taille d'une petite ceinture et quitta la salle de bain.
Betty l'attendait dans la cuisine. On pouvait lire l'indignation sur son visage bien trop crispé alors qu'elle coupait des pommes en faisant claquer la lame du couteau contre la table.
—Tu connais la famille de Kenneth ? demanda-t-elle d'un ton presque méprisant.
—Non, je l'ai laissé prendre quelques jours de congé pour aller voir sa grand-mère malade, c'est tout.
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PINEWOOD
Narrativa StoricaMai 1930. Une jeune Française touche pour la première fois le sol américain. Elle vient recevoir l'héritage d'un oncle oublié, qui lui lègue des milliers d'hectares de terrain et une maison perdue au cœur des forêts du Maine, Pinewood. De ce lieu r...