Chapitre 15 | Partie 3: Worried Man Blues

118 25 7
                                    

LOUIS

Lorsqu'il arriva, la rue était animée par toute l'effervescence matinale des petits commerces qui ouvraient. Epuisé, il décida de s'y arrêter pour manger quelque chose avant de repartir à Richmond. Ce périple allait prendre fin, il allait pouvoir retrouver son lit et son garage. Lorsqu'il sortit de la voiture, il réalisa seulement qu'il était encore trempé. On allait se poser des questions, surtout ici, en plein milieu de la rue, devant toutes les personnes qui le connaissaient. 

Mais c'était trop tard, il avait déjà coupé le moteur. Il jura et passa une main dans ses cheveux en soupirant. Il fallait qu'il redevienne Louis, le petit garagiste, jeune et gentil, serviable et bien intégré. Ce masque lui sembla soudainement impossible à porter. 

Plus que jamais, il avait envie d'être lui-même, de baisser sa garde et de laisser ses émotions prendre le dessus. Il avait sommeil, froid, faim, ses vêtements étaient toujours trempés et surtout, il n'avait pas eu la dose d'adrénaline escomptée, il restait insatisfait de sa rencontre avec Lloyd. Il avait laissé au chef de gang une main cassée et un visage tuméfié, assez pour éveiller en lui une envie de vengeance espérait-il. Même ce Tony l'avait terriblement déçu. Où étaient donc les gangsters sanguinaires dont il avait entendu parler ? Arrivait-il au crépuscule d'une époque ? Peut-être aurait-il mieux fait de demander à partir pour Chicago. Là-bas on massacrait des truands même à la Saint Valentin... 

Il sortit et enleva son blouson trempé qu'il garda sous le bras, gardant seulement dans sa chemise mouillée. Il se dirigea vers le restaurant où il avait laissé Arlette manger des pancakes, quelques mois auparavant, guidé par ses pensées pour elle.

—Louis ? C'est toi ?

Il se retourna, surpris. Elle était là. Elle sortait de la librairie, un paquet sous le bras. Elle portait une blouse bleue serrée à la taille par une ceinture de tissus blanc. Elle était ravissante, pensa-t-il. Elle s'approcha en souriant. Il hésita un instant.

—Tiens, Arlette, qu'est-ce que tu fais ici ?

—Je suis allée faire quelques courses pour l'auberge et me montrer en public pour rappeler à tout le monde que je suis bien de ce monde ! Et toi, que fais-tu ?

Il resta soufflé par sa gaieté. Est-ce qu'elle ne lui en voulait pas ? Il avait l'impression en l'entendant que leurs liens n'avaient jamais changé. C'était comme si pour elle, il faisait toujours parti du groupe, comme s'il appartenait toujours à Pinewood. 

Peut-être voulait-elle qu'il revienne parmi eux... Il eut envie de la serrer dans ses bras. De la sentir plus près de lui, de pouvoir toucher sa peau pâle et entourer sa taille de ses bras.

—Je voulais retourner à Richmond, mais ma voiture est tombée en panne... Et je dois aider un ami là-haut, je n'ai pas le temps de la réparer.

—Je peux te déposer, dit-elle immédiatement, mais qu'est-ce qui s'est passé ? Tes vêtements sont trempés.

—Je... Oui, mais ce n'est pas important. Quand est-ce que tu rentres ?

Elle se retourna pour saluer deux dames qui entraient dans une boutique et qui l'avaient reconnue. Elle commençait à être appréciée. Il était vrai que se montrer à Bangor était la meilleure façon de faire de la publicité pour son auberge. La fameuse Française qui tenait tête à tous les loups, humains ou animaux, avait à nouveau échappé à la mort. 

C'était bien assez pour attirer tous les curieux du comté. On allait commencer à lui demander si elle n'avait pas un porte-bonheur ou un talisman protecteur qu'elle gardait toujours sur elle.

Elle se tourna à nouveau vers lui et lui désigna sa voiture de l'autre côté de la rue.

—Allons-y, j'en ai fini pour mes courses.

PINEWOODOù les histoires vivent. Découvrez maintenant