Chapitre 21 | Partie 3: 430. Arbacoochee

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ARLETTE

Arlette marchait au pas derrière Kenneth. Elle n'avait rien trouvé pour se changer et suivait donc du mieux qu'elle pouvait en courant avec sa jupe et son grand manteau noir. 

L'Irlandais lui avait prêté un béret pour qu'elle le tienne baissé contre son visage lorsqu'ils passaient dans les rues bondées, mais les foules avaient progressivement disparues. Ils approchaient de la zone de conflit où les gangs étaient en train de s'affronter.

Ils avaient vu l'incendie et les grandes flammes qui s'élevaient en contournant le quartier du port. Les Richter étaient vraiment prêts à brûler la ville, avait pensé la jeune femme horrifiée. Ils avaient probablement déjà fait beaucoup de blessés parmi les habitants de la ville, sinon des morts. 

Pourquoi n'avaient-ils pas pu organiser quelque chose de discret et d'efficace, sans tumultes et sans remous, pour faire disparaître Lloyd ? Elle s'en voulait de ne pas avoir réussi à en parler à Henry. 

Elle aurait dû lui faire changer d'avis plus tôt. Pour lui, la question avait été réglée bien des mois auparavant. C'était la liberté ou la misère la plus totale. Lloyd voulait les empêcher d'exercer la seule profession qui leur permettait de survivre, alors ils devaient l'arrêter. 

N'importe quel fermier de la région aurait cherché à survivre en continuant son commerce autrement, en vendant à prix plus bas à Lloyd, ou aurait tout simplement abandonné et serait partit en Californie chercher du travail. Mais pas les Richter. 

Ceux qu'elle avait pris pour des voisins qui vivaient de la contrebande comme les autres fermiers de la région étaient en réalité bien plus que cela. Si Henry avait réussi à unir les bootleggers, s'il avait repris au chef de la mafia Bangor et les comtés du Nord, c'était parce qu'il n'était pas qu'un simple contrebandier, mais plutôt un véritable gangster, un chef de bande comme on en voyait dans les films de cowboys. 

Alors peut-être avaient-ils, lui et ses frères, une chance de s'en sortir. Parce qu'ils étaient capable d'aller jusqu'au bout.

Alors qu'ils montaient par-dessus une barrière pour entrer dans un jardin, elle vit un camion dans une rue perpendiculaire qui fonçait vers l'est. Là-bas, Devin et les gangs de Portland menaient l'assaut. Elle s'assit sur la barrière et se laissa tomber en avant, là où Kenneth l'attendait, les mains tendus pour amortir sa chute. 

Elle tomba dans ses bras et ils s'accroupirent immédiatement dans un buisson en entendant une voiture qui démarrait à proximité. Les mollets lacérés par les branches, Arlette maudit une fois de plus la stupide idée qu'elle avait eue dans la matinée en mettant une jupe. 

Ses bas étaient déjà déchirés. La voiture passa et des hommes sortirent d'une maison. Ils se dirigèrent vers le port. Profitant de leur abri, Kenneth lui tendit un revolver.

—On va arriver près de l'endroit où Henry et Danny doivent se rendre. C'est un hôtel, il risque d'y avoir beaucoup de gardes.

—Quand est-ce que tes amis doivent arriver ?

—Il nous reste trente minutes. Mais les Richter doivent déjà y être...

—Comment est-ce qu'on peut gagner du temps... On devrait commencer par bloquer les lignes téléphoniques, pour éviter que Lloyd n'envoi des renforts. Couper toute l'électricité serait utile aussi.

—Ça pourrait désordonner ses troupes, admit l'homme en vérifiant son chargeur.

—Très bien, allons-y.

—Attends, dit-il en l'attrapant soudainement par la main.

Elle se retourna vers lui en hésitant. Elle avait seulement hâte de sortir de ce buisson et de la promiscuité dans laquelle ils s'étaient retrouvés.

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