XXXII.

2K 193 32
                                    


- Ah !
- Allez Majesté, vous pouvez le faire !
- J-Je...ne peux pas !

À bout de souffle, Muglerina tenta de répondre clairement à cette bonne femme.

Bordel, si un jour dans ma vie de souverain on m'avait dit que j'assisterai à un accouchement, je n'y aurai jamais cru.

Muglerina était entre les mains de sa sage-femme attitrée, et l'heure d'accueillir notre fille arriva enfin. Mais ce n'était pas aussi facile que je l'eus cru.

Bien des choses s'étaient passées depuis la chasse. Nous avions en avions profité pour voyager à Tarra'Eldra pour aller au jardin des plaisirs. Nous n'avions jamais été plus heureux que depuis ce moment-là, et si notre fille était sur le point de découvrir ses parents, ainsi que sa famille, le mariage de notre fils et de son compagnon était fin prêt et les tenues presque prêtes à être portées.

Aujourd'hui, nous vivions dans une nouvelle ère. Et Muglerina se battait désespérément pour faire en sorte d'arriver à terme. Cependant, je n'imaginais pas que c'était aussi pénible et douloureux, je n'avais jamais vu mon compagnon souffrir autant le martyr. Il hurlait, comme si on poignardait son être entier de coups de lame, dans le cœur. Et si j'étais un sang pur, une nature parfaitement insensible, cette situation me rendait complètement malade. J'avais terriblement mal au ventre. Les cris de Muglerina étaient terribles et remplirent ma tête bruyamment. Tout comme sa voix, les bruits de son corps aussi et la manipulation de la sage femme ressemblaient à une véritable scène de torture. Muglerina dut être attaché par des sangles en cuir aux poignets, aux chevilles et sur le haut du corps pour ne pas se débattre et se blesser avec notre fille. Sa double personnalité avait pris le dessus sur sa naturelle calme car il était plus fort physiquement et psychologiquement.

Son visage était crispé, ses traits tirés par la souffrance et la fatigue. Il transpirait de grosses gouttes et pleurer comme un enfant. Son visage était pâle et ses yeux cernés. Aussi improbable que cela puisse paraître, j'étais sur le point de faire un malaise. J'étais habitué à la douleur physique de la guerre, mais ici, mes souffrances étaient morales. Jamais de toute mon existence, je n'eus à vivre pareille situation et réalisais à quel j'avais été maladroit envers mon compagnon.
La première fois, je n'avais pas pu assister à la naissance d'Aerin. Muglerina n'avait jamais abordé le sujet alors je n'avais pas deviné qu'il était passé par une épreuve aussi délicate.

Ritsuki et Aerin étaient présents dans notre chambre. L'Oméga aux cheveux roses tenait l'une des mains de mon compagnon dans les siennes et serra fort sa prise pour l'encourager à sa manière. Si ce garçon avait perdu son propre enfant quand Aerin avait cédé aux ténèbres, il comprenait dans un sens la souffrance par laquelle son ami passait.

Muglerina tenta de nous sourire mais la douleur était bien trop forte pour qu'il y parvienne. Et si je ne dis rien, intérieurement, mes prières allaient pour mon compagnon. Si la venue de notre fille était très attendue par tout le royaume, la vie de Muglerina était plus importante. Et même si sa santé était terriblement fragile, il avait tenu à la mettre au monde. Il m'avait fait comprendre à quel point les Omégas étaient forts et courageux. À aucun moment, il n'avait pensé à l'idéede se débarrasser de notre enfant pour sa propre vie.

- Majesté, ça y est ! S'exclama la sage-femme. Elle est sortie !

J'entendis les pleurs de l'enfant.

La bonne femme prit notre fille dans ses bras pour l'enrouler dans une couverture afin de la garder au chaud. Rapidement, mon fils et son compagnon se prirent mutuellement dans les bras et l'Oméga insoumis fondit en larmes. La sage-femme se dirigea ensuite vers moi pour me remettre ma fille.

Si dans un premier temps je fus paralysé par la peur de la blesser juste en la touchant, Ritsuki m'encouragea du regard pour la prendre dans les bras.

- C'est votre fille, Arthur. N'ayez pas peur de la prendre dans vos bras.

Après avoir respiré un bon coup, je la pris enfin contre moi. Les paroles de l'Oméga me rassurèrent. Il était capable de dire des mots aussi fort, hein ?

J'avais certainement la bouche grande ouverte en me connectant à elle. Elle était aussi petite qu'une fleur et légère que sa mère. Mais elle était toute aussi magnifique. Si elle était encore humide, je distinguais quelque cheveux argentés sur sa petite tête et compris qu'elle tenait de Muglerina.

- M-Muglerina ! Cria Ritsuki en allant vers lui.

En regardant mon compagnon allongé sur notre lit, je le retrouvais inconscient. La sage-femme tenta de le réveiller mais ce dernier ne répondit pas. Puis, je sentis une boule se former dans mon ventre et le temps s'arrêta autour de moi. Je sentais quelque chose monter en moi et me faire mal dans le cœur. C'était une sensation terrible. Pour la première fois, je comprenais ce que pleurer voulait dire. Une à une, mes larmes glissèrent sur mon visage en réalisant que j'étais en train de perdre Muglerina.

- Muglerina !

À mon tour, j'allais vers lui pour tenter de le réveiller. Je l'appelais désespérément en tenant la petite contre moi qui restait silencieuse. Aerin me passa devant et demanda à la sage-femme de s'éloigner avec Ritsuki. Ils obéirent sans rien répondre et j'en fis de même quand l'Oméga me prit par le bras pour que je recule.

J'étais sur le point de tout perdre. Mon monde n'avait de sens que si Muglerina se tenait à mes cotés. Je n'imaginais pas mes jours sans lui. Je m'effondrais intérieurement, mon être se brisa en milliers de morceaux. Je comprenais alors par quel sentiment Ritsuki et Aerin étaient passés à la mort de leur enfant. Si Muglerina mourrait, je n'avais plus de raison d'exister. Et si cette petite me lia à lui, j'avais besoin de le savoir à mes cotés pour exister.

- Aerin... prononçais-je d'une voix tremblante.

Mon fils me regarda et comprit que j'appelais à l'aide. J'étais prêt à me sacrifier pour sauver mon compagnon, mais Ritsuki m'en empêcha. Si d'une pichenette, je pouvais me débarrasser de lui, sa présence m'apaisa un tout petit peu.

- S-Sauve ta mère... je t'en prie.
- C'est ce que je compte faire !

Aerin se pencha alors au dessus de son corps inerte et unit ses lèvres aux siennes. Ce n'était pas un baiser, mais un moyen de sauver Muglerina en lui apportant de l'air. Il fit un massage cardiaque à sa mère en plaquant ses paumes sur sa poitrine. Il appuya à plusieurs reprises en continuant par moment à lui donner de l'air. Si je perdais espoir de le voir se réveiller un jour, Muglerina se mit à pousser un très long soupir pour chercher sa respiration. Il se redressa d'un coup et s'étouffa quand il sentit l'air passer dans ses poumons. Je confiais ma fille à Ritsuki et me précipita sur mon compagnon pour le prendre contre moi.

- Mon bien aimé...

Quand il avait les yeux rouges, Muglerina avait plus de caractère. Sa voix changea aussi de timbre pour paraître un peu plus masculine. Il avait un langage un peu plus grossier pour masquer sa timidité et m'injuria presque pour notre proximité. Mais j'aimais ses deux personnalités. Peu importait sa manière d'agir ou de me parler, Muglerina restait Muglerina.

- Muglerina, Muglerina... répétais-je inlassablement.

Par-dessus mon épaule, il remarqua la présence de notre fille qui dormait dans les bras de son ami. Ritsuki s'avança vers nous pour que Muglerina puisse la regarder de plus près. Il lui sourit tendrement sans rien dire. Rapidement, nous nous séparions afin qu'il puisse la prendre contre lui.

- E-Elle va bien ? Demanda-t-il.
- Plus que jamais, répondit-il Ritsuki. Tu as fait du bon travail.

Il regagna les côtés d'Aerin et appuya sa tête contre le bras de son compagnon, à défaut de ne pas être assez grand pour atteindre son épaule.

- E-Elle est magnifique, Arthur !

Muglerina me regarda, les yeux brillants. Il versa des larmes de bonheur en berçant la petite dans ses bras. Je prenais mon compagnon contre moi et posai ma tête sur la sienne grâce à mon menton avant que ce ne soit avec ma joue.

- Elle est merveilleuse.

Puis ensemble, nous nous regardions yeux dans les yeux pour dire dans l'unisson la plus parfaite.

- Bienvenue parmi nous, Thalÿs

L'OMÉGA INNOCENT ET L'ALPHA ROYAL Vol.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant