Faudrait pas que ça devienne une habitude... Ces mots résonnent dans ma tête. Perdue, je compose le numéro de mon père. Il va s'inquiéter, c'est sûr. Je lui raconte ce qui s'est passé, il a l'air agité mais je sais que même s'il s'en fait beaucoup, il sait que sa fille sait se défendre.
— Comment tu vas ?
— Ça va. Un peu secouée, mais ça va.
— Et où étaient Zara et Lino?
— Aux toilettes. La séance était assez tard, et les pubs ont duré des heures. Alors on a fini au bar.
— Et tu me dis qu'un mec t'a aidé ?
— Oui. Je le connais, il est dans ma promo. Kelan, il s'appelle.
— Et son nom ?
— Ward.
— Comment ?
— Ward, W, A, R, D.
— ...
— Tu le connais ?
— Non, non, j'étais dans la lune.
Menteur.
— Je vais envoyer une unité jeter un oeil aux vidéos de surveillance. Bon, je passe te chercher au bar ?
— Non, on va rentrer. Pas la peine pour les caméras, le serveur m'a dit qu'elles étaient cassées à l'arrière. Un technicien doit passer demain, je crois.
— Bon... T'as bien fait de m'appeler.
— Je sais. Bonne nuit, Papa.
— Bonne nuit, trésor."
Mon père est vraiment un piètre menteur. Il a définitivement réagi lorsque j'ai prononcé ce nom. Par contre, je ne peux pas le laisser envoyer une unité ici. Les caméras sont fonctionnelles, simplement je ne veux pas que mon père découvre que je travaille ici. Pas de cette manière et pas maintenant, en tout cas. Je vais voir avec James s'il s'occupe d'envoyer les vidéos dans un autre commissariat, pas question que ce soit mon père qui s'en occupe. Je rajuste quelques mèches rebelles et, alors que je m'apprêtais à rentrer dans le bar, je vois une moto grise faire une roue arrière aux côtés d'une voiture de police, gyrophares allumés. Prise en chasse, la moto accélère et disparaît rapidement de ma vue. Les flics sont à cran, ce soir. En rentrant sur mon lieu de travail, je raconte à James ma mésaventure, et il hoche la tête, navré.
— Tu veux rentrer chez toi ? Je peux dire à Jim que tu ne te sentais pas bien, si tu veux.
— Pour te laisser terminer le service tout seul, avec tout ce monde ? Pas question !Une fois le service terminé, James me ramène chez moi. Tous les soirs, à la fermeture du bar, il fait le trajet pour me déposer à la maison. Ce trentenaire roux est vraiment un amour. C'est un peu comme si j'avais un grand frère, en fait. Il y a un arrêt de bus juste en face du Defint, mais ces derniers ne passent plus après deux heures du matin. Faisant un signe à James, j'entreprends de grimper sur une rangée de tuiles, empilées à l'arrière de la maison, afin de regagner ma chambre. Mon père les garde, au cas où on en aurait besoin. Et ça ne me dérange pas, ça m'aide à passer par la fenêtre la nuit, quand je rentre du bar. Déposant mon sac dans un coin, je soupire et commence à retirer lentement mes vêtements. Comme par hasard, c'est sûr moi qu'ont jeté leur dévolu ces raclures. Les risques du métier, on croise souvent des gens à l'alcool mauvais dans ce milieu. Mais je ne vois pas ce qui les a attiré chez moi ; j'étais contrariée de l'attitude glaciale de Kelan, alors je devais être loin de faire une tête un minimum attirante. Remarque, sans lui, je ne sais pas si je serais venue à bout de cinq hommes, dans la force de l'âge. Je me glisse sous la couette et observe quelques instants le plafond. Je me demande ce que dirait Papa s'il savait que je bosse la nuit. D'ailleurs, remarque pour moi-même : ne jamais dire ça en sa présence. Il pourrait l'interpréter différemment, et ça serait très gênant. Mais bon, on n'en est pas encore là, je n'ai pas besoin de lui en parler. Je ferme les yeux, décidée à m'endormir. Je me lève dans cinq heures, la journée promet d'être longue...
Le lendemain, mes yeux s'ouvrent en entendant mon père fermer la porte d'entrée. Ce qui veut dire que... je suis sacrément à la bourre ! Je bondis du lit et me glisse sous la douche. Le mitigeur positionné sur froid m'offre un réveil des plus... rapide et désagréable. Je ne déjeune même pas et prends le premier bus que je vois passer. Ça va être sport, je vais devoir courir. Et huit minutes après le début du cours, je rentre dans la salle. La prof m'adresse un regard oblique mais ne dit rien. Il faut croire qu'elle est satisfaite de mes résultats. Derrière Kelan, une table est libre. Je décide donc de m'y asseoir, après m'être excusée silencieusement de mon retard. Je sors mes affaires et mon ordinateur, et griffonne un mot sur un bout de papier.
'Merci pour hier soir'.
Je l'envoie à mon voisin de devant, et quelques secondes plus tard, une réponse me parvient.
'Ok'
C'est sobre, il n'y a pas à dire. Je poursuis, décidée à parler. J'ai un peu honte de la façon dont j'ai démarré au quart de tour au bar, hier soir, alors je vais essayer de rattraper ça.
'Qu'est-ce que t'as fait comme connerie, hier soir?'
'Refus d'obtempérer'
'Le motif, imbécile'
'Doucement, Hendo. La plaque'
'Je t'avais prévenu.'
J'attends le papier, avide de savoir la suite. Il faut dire que c'est la plus longue conversation que j'ai eu avec lui depuis le début. Impatiente, je parcours la salle de cours des yeux, lorsque je me rends compte que la prof fixe Kelan, le regard noir.
— Monsieur Ward, une fois que vous aurez cessé de faire part de vos sentiments à Mlle Henderson, vous pourrez peut-être vous concentrer sur le cours ?
Oups, ma faute. Je lève la main avec un air gêné.
— C'est moi qui lui ait envoyé le papier, madame.
— Mademoiselle Henderson ? Mais...
— Je demandais à Kelan s'il avait un autre stylo bleu, et j'ai dû bagarrer pour qu'il accepte. Me tournant vers Kelan, je poursuis, bon, je peux l'avoir ?
Les sourcils froncés et n'ayant rien compris à ce qui vient de se passer, Kelan me donne son stylo. La prof se reprend et continue le cours, jetant néanmoins quelques coups d'œil par moment. Elle ne devait pas s'y attendre, et je devais bien ça à Kelan, puisque c'est moi qui ai envoyer ce papier la première. En parlant de celui-ci, Kelan le roule en boule le lance dans la poubelle, près du bureau de la prof. Geste très symbolique, dans le genre 'fous moi la paix'. Mais je ne peux pas ignorer le panier, un 3 points parfait. Déçue, je m'avachis sur ma chaise. Zara croise mon regard et montre discrètement son téléphone. Au moment où j'attrape le mien, ce dernier vibre doucement.Zara
Vous parliez de quoi ?Hier soir, au bar.
C'est lui qui m'a aidéZara
Ça avance entre vous, dis donc 😏Y'a rien entre lui et moi, et je préfère qu'il n'y ait rien du tout
Zara lève vers moi des yeux ahuris, et continue à voix basse. Profondément choquée par ma réponse, elle hurle presque, tout en continuant de chuchotter.
— Mais pourquoi ?
— Parce que c'est comme ça.
Changeant de salle pour le prochain cours, je marche dans le couloir pendant que Zara essaie une fois de plus de me soutirer des informations.
— Je comprends toujours pas pourquoi !
— Parce que c'est un connard, et je n'ai pas envie de lui parler.
— Mais il est hyper hot, ce mec !
— Oui, mais...
Exultant, Zara lève le doigt avec une expression victorieuse.
— Ha ! Cette fois, c'est pas moi qui l'ai dit !
— Tu devrais en parler avec Kalista, elle a le même avis. Ok, il est beau gosse, mais ça ne supprime pas le reste. Il ne se passera rien.
En physique, il est assis près de la fenêtre, à mon extrême opposé. Le regard perdu dehors, il n'écoute absolument rien du cours, comme d'habitude. Je me demande comment il maintient des notes aussi hautes en ne prêtant aucune attention aux cours. Peut-être que c'est un petit génie ? Remarque, non. Il n'en a pas l'air. Mais génie ou pas, ses mèches brunes le rendent décidément, comment disait Kalista, déjà ? Canon, oui. Au même moment, mon voisin fait tomber son stylo et Kelan tourne la tête en direction du bruit. Croisant son regard, je détourne immédiatement les yeux, paniquée. Ma température corporelle augmente d'un cran, et je suis persuadée que je suis en train de me transformer en tomate. Qu'est-ce qu'il va penser s'il voit que je le mate, putain...
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One More Hope
Teen FictionOriginaire de Chicago, Kelan a déménagé l'année suivant la mort de son père. Depuis, il reconstruit progressivement sa vie à New York, où il vit seul avec sa mère tout en essayant d'éviter les problèmes. Mais chassez les ennuis, ils reviennent au ga...