21. Essayons quand même - K

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      Est-ce... Est-ce qu'on allait vraiment faire ça là, sur le balcon ? Putain, c'était dingue. Descendant les escaliers, je repense à ses mains dans mes cheveux, à ses lèvres contre les miennes. En bas, les invités se déchaînent, un verre à la main. Certains s'enfilent des lignes de shots, d'autres s'allument un joint, en discutant posément entre eux. Des bruits de pas derrière moi m'indiquent que Hope est dans les escaliers. Reportant mon regard sur tout ce monde contenu dans le salon d'Adrian, je perçois un reflet. Un reflet de lumière sur une surface métallique, métallique et cylindrique. Une aiguille. Un violent frisson parcourt l'entièreté de mon corps. L'aiguille s'apprête à rentrer dans sa peau, et... Non ! Me précipitant vers la sortie, je bouscule par mégarde plusieurs personnes. Mes jambes s'arrêtent devant ma Honda, et je plonge une main tremblante dans ma poche, à la recherche de mes clés. Vite, vite ! J'ai l'impression de devenir fou, je ne contrôle plus rien. Mon cerveau part en live, mes mains démarrent la moto et la lance sur la route. Sur le compteur, la vitesse grandit à chaque seconde, sans s'arrêter. Soudain, je m'arrête. Haletant, je tente de reprendre mes esprits. Merde, j'ai vraiment un problème. Descendant de la moto, je jette mon casque dans l'herbe, hurlant de rage. Ça devient invivable. Dans ma poche, mon téléphone s'en donne à cœur joie.
Où est-ce que t'es parti, encore ?
Faire un tour.
Rappelle-toi que je te connais un minimum, Kelan. Qu'est-ce qu'il y a ?
J'ai vu... Une aiguille. J'ai paniqué.
—  Une aiguille ? Mmmh... Oh, je vois. Un de mes potes est diabétique. Rassure-toi, il n'y a aucun camé ici. Dis-moi, tu comptes revenir quand ? Il y a des gens qui s'inquiètent pour toi...
Hendo ?
Elle m'a dit qu'elle t'avait vu partir rapidement, alors je me suis douté que tu étais parti 'faire un tour', comme tu dis. Bon, fais gaffe en rentrant.
Je raccroche et expire lentement, embrouillé. J'en ai marre. Je vais vraiment finir par tuer cet enfoiré d'Adino. Mes pensées se mélangent les unes aux autres, je ne supporte pas ça. Ma mâchoire se serre mais je remonte en selle, déterminé à passer outre. Je ne peux plus laisser ça arriver. Faisant demi-tour, je mets le cap sur le domicile de mon ami blond. La Honda roule, mais je n'ai plus aucun contrôle sur mon esprit.

      Arrêté devant la maison depuis une dizaine de minute, j'en profite pour m'encrasser un peu les poumons. Plongé sur mon téléphone, je jette le mégot par terre, avant de sortir une autre clope du paquet.
Hey, je peux te piquer une cigarette ?
Je relève la tête, découvrant devant moi une jolie rousse. Elle attend ma réponse, on dirait. J'ouvre le paquet et le lui tends, la regardant en tirer une cigarette de ses longs doigts fins. La coinçant entre ses lèvres, elle tourne vers moi un regard interrogateur, mimant un briquet avec ses mains. Lui envoyant le mien, je la regarde l'utiliser puis le range une fois sa cigarette allumée. Appuyé sur ma moto, je ne lui porte aucune attention. Mes yeux se concentrent sur le ciel noir au dessus de nous, parsemé d'étoiles et dépourvu de nuages. Seul nos respirations brisent le silence ambiant. Du coin de l'œil, je constate qu'elle me fixe, curieuse.
Il t'est arrivé des trucs, toi.
Je lui adresse un regard perplexe, et, éloignant sa cigarette, elle s'explique. Elle parle doucement, c'est agréable.
T'as le regard de quelqu'un qui a vécu. Un regard fatigué.
Qu'est-ce que t'en sais ?
—  Je connais bien ces yeux. Je peux te demander ton numéro ?
Pourquoi ?
Pour avoir l'occasion de te recroiser.
Une fois mon numéro rentré dans son téléphone, elle tourne les talons, un sourire aux lèvres. A peine quelques mètres plus loin, les bruits de pas s'interrompent.
Au fait, je ne t'ai même pas demandé ton nom.
Kelan.
Sympa. Moi, c'est Ivy. Passe une bonne soirée, Kelan. Ou du moins, essaie.
Avec un sourire sincère, elle s'en va finalement pour de bon et disparaît au coin de la rue. Quel drôle de personnage, elle est sortie de nul part avant de se volatiliser aussi vite qu'elle est arrivée. Une fois ma cigarette terminée, je ramasse le mégot précédent et ouvre la poubelle la plus proche. Adrian n'aimerait pas que je salisse son allée. Ses parents non plus, je parie. Appuyé contre la poubelle, je lève la tête, pensif. Regarder les étoiles me fait une drôle de sensation. Je me sens si minuscule, si insignifiant, comparé à cette étendue infinie. C'est ce genre de moment qui me fait prendre conscience que je ne suis rien. Que le monde sans moi continuerait de vivre, sans prêter une seule attention aux gens manquants. Alors, quand je pense à ça, je n'ai plus peur de rien.

One More HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant