On a eu chaud, ce soir. J'ai eu Adrian, et il m'attend au Defiant. Quelques temps plus tard, je décélère, et repère Adrian à l'intérieur du bar, assis sur une banquette près d'une fenêtre. Ma moto garée, je rentre dans le bâtiment et salue Wayne par la même occasion. Mmmh, on fait un remake de la bière d'hier soir, j'ai l'impression.
— Messieurs.
— Quel bordel, ce soir !
— Tu peux le dire, ouais. Tu t'es pas fait coincer par les voitures ?
— Tu rigoles ? Ça risque pas !
— Je vous prends une bière ?
— Volontiers.
Wayne se rend au comptoir, et demande au barman, un certain James, plusieurs boissons. Celui-ci revient accompagné de James, les bras chargés de boissons. Déposant une pinte devant moi, je constate qu'un verre à shooter l'a rejoint. Tiens, une consommation gratuite ?
— Wayne, je mets les pintes sur ton compte ? Ça marche. Les shooters sont offerts, ça fait plaisir de voir de nouvelles têtes.
— Merci, James. C'est cool.
— Bonne soirée, les gars.
Je m'empare du shooter, rempli d'un liquide vert à la douce odeur de menthe, et trinque avec les deux individus près de moi. Descendant le contenu du verre aisément, je soupire. Très agréable. L'astuce, c'est de refroidir la bouteille au maximum. De cette manière, l'alcool se fait moins sentir et le verre devient plus agréable. Par contre, comme on ne sent plus rien en raison du froid, on a tendance à les sentir moins passé et à en boire davantage, et c'est généralement là que le corps se rebelle. Le nombre de gars que j'ai vu rendre tripes et boyaux à cause de ça, en soirée... Avalant une gorgée de bière, je détaille le bar. Il a un côté relativement classique et ancien, avec un comptoir en bois vernis et l'étagère impressionnante de bouteilles juste derrière. La superficie totale du local doit avoisiner les 100m2, ce qui représente déjà de quoi entasser un paquet de monde. Sans compter la terrasse, tout autour du bar. Wayne s'empare de sa bière et se lève.
— On va dehors ? Il fait une chaleur pas possible, ici.
Arrivant sur le parking, Wayne s'arrête près de nos motos. Dos au bar, je m'appuie sur ma Daytona, et Adrian s'assied sur un plot de parking.
— Alors Adrian, avec un pote comme Kelan, ça ne t'a pas donné envie de passer ton permis moto ?
— J'y ai pensé, mais... Mes parents ne sont pas de cet avis. Je crois qu'ils ont trop peur que j'ai un accident. Même, ils ne m'ont jamais vu monter sur la Triumph et heureusement, sinon ils auraient crisé.
— Je vois. Je ne peux pas trop te donner de conseils, je ne suis pas en très bon termes avec les miens. Ça n'a pas posé de problème, puisque je ne leur ai juste pas demandé l'autorisation. Et toi, Kelan ?
— Mon père est... au cimetière, et je n'entretiens pas les meilleures relations du monde avec ma mère.
— Tu veux en parler ?
— Oh, pas besoin. Simplement, elle me laisse faire ma vie mais n'hésite pas à me hurler dessus dès qu'elle en a l'occasion. Elle ne fait plus que ça, de toute façon. Je peux à peine la considérer comme ma mère, maintenant. Donc je ne lui ai pas non plus demandé l'autorisation. J'ai acheté la Triumph il y a deux ans, lorsque j'habitais encore à Chicago, à un ancien motard qui l'avait bien utilisé.
— Tu l'as eu à combien ? J'ai regardé par curiosité, et ça coûte dans les dix mille dollars en bon état.
— Eh bien, elle était loin d'être en parfait état lorsque je l'ai acheté, alors je n'en ai eu que pour six mille. Et... C'est mon père qui l'a retapé. Je l'ai aidé à ouvrir le bloc et à tout refaire, elle est comme neuf. Et même plus, parce qu'il a posé un kit de réalésage Meyer, qui fait passer la Daytona à 750cm3 au lieu de 675.
— C'est pour ça qu'elle envoie autant... Ca explique beaucoup de chose. Et vous avez fait quoi d'autre, dessus ?
— Tout. Arbres à cames, soupapes renforcées, ECU mapé, faisceau électrique sur mesure, des jantes plus légères et une ligne complète Arrow. Elle doit faire aux alentours des 150, peut-être 160 chevaux.
— Putainnnnn... Ce monstre que tu nous as fabriqué...
— Cette moto, telle qu'elle est aujourd'hui, c'est essentiellement à mon père que je la dois. Je ne me vois pas la vendre.
— Je comprends. Condoléances, pour ton père.
— Oh, je m'y suis fait. Sinon, j'ai cru comprendre que tu faisais de l'achat-revente ?
— Ouais, j'achète des bécanes, je les retape et je les revends. C'est pour ça que j'allais te proposer si ça t'intéresse, Adrian. Je pourrai t'avoir une moto sympa pour pas trop cher, quand tu en auras besoin.
— Oh, ça serait génial. Compte sur moi pour te le rappeler quand j'aurais le permis. Mais pour le moment, je crois que c'est quelques années de piéton qui m'attendent...
— Eh, te plains pas, t'as une voiture !
— Bon, je vous laisse vous crêper le chignon, je vais commander d'autres bières.
Lui tendant un billet, je lui dis qu'elles sont pour moi, celles-là. Il va se ruiner autrement, à ce rythme. Poursuivant ma discussion avec Adrian, je le charrie. Se déplacer en voiture et à pied, c'est pas vraiment comparable... Mais je comprends son point de vue, c'est sûr que ça a quelque chose en plus de rouler à moto. L'adrenaline, sûrement. Wayne nous rejoint les mains vides, nous indiquant qu'on nous apportait les bières. C'est cool, Adrian et ce dernier s'entendent vraiment bien. En même temps, je ne connais personne détestant Adrian. Il est beaucoup trop sociable et agréable pour qu'on ne l'apprécie pas.
— Hum... Trois bières, c'est ça ?
Une voix familière ?Je me retourne et découvre Henderson, un tablier autour de la taille et un plateau à la main, sur lequel sont posées trois bières.
— Hendo ?
— Mon nom, c'est Henderson.
— Tu bosses ici ?
— Non, je sers les gens au hasard en leur proposant des bouteilles gratuites. Bien sûr que je bosse ici, abruti.
— Doucement, tu ne sais pas à qui tu parles.
— Ouh, je tremble. C'est pas parce que tu m'as aidé tout à l'heure que je te dois quelque chose, Kelan. Bon, bouge-toi de prendre ta bouteille, ou tu vas la prendre dans la tronche. J'ai pas que ça à faire.
Je serre les dents, tandis qu'Adrian lève les mains en signe de reddition et me passe la bouteille, espérant désamorcer la situation. Je déteste qu'on me tienne tête. Probablement parce que je suis un peu "connard égocentrique" sur les bords. Mais on ne choisit pas ses défauts.
— Ciao, Hendo.
— Henderson.
Elle tourne les talons, et je la suis du regard en buvant une gorgée, contrarié. Je m'essuie la bouche et un sourire froid apparaît sur mes lèvres. Tu veux jouer ? On va jouer, Hendo, mais tu sais pas à qui tu te frottes... Surprenant le regard d'Adrian, je fronce les sourcils. Un sourire flotte sur ses lèvres, et son regard est sans équivoque. Ça y est, il pense que je veux me la faire. Je secoue lentement la tête de droite à gauche, dépité qu'il pense ça de moi. Wayne étouffe un petit sifflement de surprise.
— Eh bah ! Vous la connaissez ?
— Elle est dans notre promo.
— Malheur au mec qui lui balance un mot de travers !
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One More Hope
Ficção AdolescenteOriginaire de Chicago, Kelan a déménagé l'année suivant la mort de son père. Depuis, il reconstruit progressivement sa vie à New York, où il vit seul avec sa mère tout en essayant d'éviter les problèmes. Mais chassez les ennuis, ils reviennent au ga...