Ça fait des heures que je tourne et retourne dans mon lit, sans pouvoir dormir. Et le temps commence à devenir sacrément long. Fais chier, putain. Je crois que je connais chaque détail du plafond, à force de le scruter de la sorte. A côté de moi, Zara dors profondément. Sa respiration se fait entendre à un rythme régulier, je parie qu'elle est plongée dans le monde des rêves. Heureusement qu'elle ne ronfle pas. Bon, je commence à en avoir un peu marre de me tourner les pouces depuis la nuit des temps. Ça y est, maintenant j'ai soif. Et les verres que j'ai bu m'ont donné une sacrée envie de pisser. Super. Chaque chose en son temps. D'abord, aller vider cette vessie qui menace d'exploser à tout moment. Je me lève doucement pour ne pas réveiller la marmotte qui me sert de meilleure amie et me rend aux toilettes dans le plus simple appareil, à savoir en T-shirt et culotte. Vu l'heure, je ne risque pas de croiser quelqu'un. Après m'être trompée de porte deux fois et être tombée sur des gens faisant des choses pas très... catholiques ?, je tombe enfin sur la pièce que je cherche depuis cinq minutes. Ah, je me sens tellement mieux ! Et maintenant, venir à bout de cette soif incontrôlable. Je pourrais avaler des litres et des litres d'eau froide. Descendant les escaliers sur la pointe des pieds, je traverse le salon et me dirige vers la cuisine, évitant de tomber sur les trois personnes affalées sur le canapé. Tiens, il y a de la lumière. En fait, c'est juste le lampadaire dans la rue, placé pile en face de la fenêtre. En entrant, je remarque une silhouette de dos, appuyée contre l'évier. Je la détaille rapidement : un homme, torse nu, vêtu d'un jean noir. Celle-ci se retourne, avant de s'immobiliser.
— Hendo ?
Il n'y a qu'une seule personne pour m'appeler comme ça... J'allume le plafonnier et découvre Kelan, les yeux plissés, aveuglé par la lumière du spot.
— Bon sang, je te croise jamais au bon moment ! Éteins ça !
— Oups, désolée.
J'actionne à nouveau l'interrupteur, et regarde mon interlocuteur se masser les tempes, mortifiée. Putain, il est foutu comme un dieu. La lumière orangée du lampadaire est projetée sur son buste, faisant ressortir ses abdominaux parfaitement dessinés et... Oh, mieux vaut que je m'arrête là, ou je vais partir en live. Il aurait pu être mannequin, s'il n'avait pas été si désagréable. Ou froid. Les deux, remarque.
— Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu fais là ?
— Gueule de bois en avance.
— T'avais qu'à moins boire.
— Ahah, très drôle. Au fait... Merci de m'avoir pris mes clés, tout à l'heure.
Le ton de sa voix a changé ? Ah, j'ai compris, il a un trouble dissociatif de l'identité. C'est obligé, deux personnes différentes vivent dans sa tête ; l'un odieux, l'autre plus agréable. Pour une fois, il paraît enclin à la conversation. Voyons ce que ça donne, alors. Il poursuit.
— Même si j'ai mal réagi, c'était la chose la plus raisonnable. Si j'avais pris la route, qui sait ce qui aurait pu m'arriver. Enfin, je dis ça, mais je sais me gérer quand je conduis, même ivre mort.
— Tu parles...
— Et toi, qu'est-ce que tu fais là ?
— J'avais envie de pisser, et j'ai très soif.
Il ouvre le frigo et en sort une bouteille en plastique. Ouvrant le bouchon, il avale une bonne gorgée avant de me la tendre.
— C'est bon, c'est bien de l'eau.
— Si ça avait été de la vodka, quelque chose me dit que tu n'aurais pas décuvé tout de suite.
— Pas faux. Au passage, merci pour la vue.
— Quelle vue ?
— On voit pas mal de choses, t'es au courant ?
— Non, mon T-shirt est assez long pour te cacher ça.
— Ah, tu crois ça ?
Malgré la pénombre, je remarque le sourire en coin qui prend place sur son visage. Ma température grimpe rapidement, et j'ai soudainement les joues qui me brûlent. J'agrippe les bords de mon T-shirt et le tire vers le bas, victime de bouffées de chaleur. Super, vraiment super... Pourquoi n'ai-je pas mis un short ?
— Joli cul.
Reprenant contenance, je m'approche de lui et le frappe à l'épaule. Il s'écarte rapidement de moi et se masse frénétiquement l'épaule, une grimace sur le visage.
— Merde ! Vous voulez bien arrêter de viser cette épaule ? Et puis, c'est un compliment, putain !
— Non, c'est déplacé !
— Arrête de crier, tu me fais encore plus mal au crâne !
Portant une main à sa tempe, il serre les dents. Ah, la gueule de bois... Me rendant dans le salon, je cherche un tiroir bien précis dans la commode en bois. Ah, trouvé. Faisant machine arrière, je retourne dans la cuisine et tend à Kelan un cachet blanc, au creux de ma main. Surpris, il ouvre grand les yeux. Eh oui, j'ai plus d'un tour dans mon sac.
— Où... Où t'as trouvé ça ?
— Wayne m'avait prévenu, il a même pensé à l'aspirine.
Il l'avale d'un coup et bois longuement au robinet. A ce rythme-là, il va bientôt se noyer s'il continue. En même temps, s'hydrater est la meilleure chose à faire dans son cas. Coupant le robinet, Kelan se retourne et s'appuie contre l'évier. A nouveau, il se masse les temps et peste.
— J'ai la tête qui va exploser.
— Attends que ça fasse effet, crétin.
— On m'a parlé d'un truc pour faire passer la douleur, mais j'ai jamais essayé.
— Un remède de grand-mère ?
— On peut dire ça.
— Essaie, alors.
— Tu crois ?
— Tu veux continuer d'avoir mal ? Qu'est-ce que t'as à perdre ?
Je m'approche de lui pour l'encourager, lorsqu'il prend mon visage en coupe et colle doucement ses lèvres aux miennes. Incrédule, j'écarquille les yeux. Quoi ? Lui ? Je... Dépassée par l'ampleur du baiser et par les sensations qu'il me procure, je finis par me laisser entraîner. Je noue mes bras autour de son cou et me presse un peu plus contre lui. Ses mains se posent sur mes hanches, et il m'attire fermement vers lui. Ses lèvres sont d'une douceur incroyable. Après un moment à la fois interminable et on ne peut plus court, on se décolle, essoufflés. Kelan écarquille les yeux à son tour et ouvre la bouche. Il commence à bégayer, buttant probablement sur les mots sous l'effet de l'adrénaline.
— Je... je suis désolé, je sais pas ce qui m'a pris, je...
Il recule vers le salon, et disparaît rapidement dans la pénombre. J'essaie de le retenir, mais il n'est déjà plus là. Désorientée, je m'appuie contre le plan de travail, mon cerveau tentant toujours d'intégrer ce qui vient de se passer. J'embrasse si mal que ça ?
Puis je repense à ses lèvres, si douces, si chaudes... Il faut que je vois les choses clairement, j'ai aimé. J'ai adoré, même. Je pourrais tuer pour ressentir à nouveau cette sensation. Mais je ne me vois pas le chercher dans toute la maison pour parler de ce qui vient de se passer. Ne sachant pas quoi faire, le cerveau en ébullition, je décide de remonter dans ma chambre, pour tenter de dormir un peu. Je n'ai plus que ça à faire, de toute façon.
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One More Hope
أدب المراهقينOriginaire de Chicago, Kelan a déménagé l'année suivant la mort de son père. Depuis, il reconstruit progressivement sa vie à New York, où il vit seul avec sa mère tout en essayant d'éviter les problèmes. Mais chassez les ennuis, ils reviennent au ga...