Ruines

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Jana

Cinq jours se sont écoulés depuis mon affrontement avec David Lorence ; tout est redevenu normal comme s'il n'avait jamais existé.
Avec les copains nous sommes assis en face du lac devant notre bahut comme à notre habitude. Un décor de carte postale. Une vie de hippies libres. De la drogue, de l'alcool et des rêves.

Je fume un Black rose en regardant la vue qui s'offre à nous. À coté de moi Snake termine un joint en chantonnant du Bob Marley puis d'un coup, se met à crier en pointant du doigt Iouy.

- Aaaaahhhh ! Il y a un dragon sur ton épaule droite !

- Qu'est-ce que tu racontes sale junkie ! Répond Iouy en regardant son épaule avant de voir sur son tee-shirt un lézard vert.

Elle commence à courir dans tous les sens en hurlant à Dep de retirer la petite bête.

- Dep ! Je t'en prie ! enlève le ! enlève le ! enlève le !

- D'abord supplies-moi , Alicia... lui sourit-il avec arrogance.

- Vas te faire foutre!

Nous rigolons tous en même temps. Mon corps est léger comme une plume. Le genre de légèreté qui permet de rejoindre les nuages. Je ne vis que pour cette sensation. Mes potes sont là et tout ne peut qu'aller mieux.

- Eh Tom et Jerry ! s'écrit Kia, ça suffit!

Le ciel est couvert de nuage gris rosit par les rayons dorés du soleil qui s'y égarent et rendent l'atmosphère plus chaleureuse. On voit les oiseaux au loin qui volent en toute liberté au dessus du lac. Le monde est d'un calme imperturbable, presque inquiétant.
Je respire en enregistrant cet instant dans ma mémoire, qui sait ce qui peut arriver ?

Comme si l'univers m'avait répondu, nous entendons soudainement une énorme explosion qui vient du lycée. La tête tournée vers l'établissement, je sens mon cœur battre comme si je m'attendais déjà à une catastrophe.

Je cours, suivie par les autres et suis paralysée devant deux tracteurs qui démolissent l'immeuble des terminales. Les jeunes crient autour de moi, alors que ma main s'écrase sur ma bouche.

C'est le chaos. C'est ma faute !

J'ai été assez stupide pour croire qu'il n'oserait pas ! David est entrain de détruire ma vie sous mes yeux. Les murs de béton s'échouent sur le sol et étouffent les élèves avec un voile de poussière aveuglant : Ils ne comprennent rien, ils ne savent pas pourquoi des machines dévastent leur paradis.

- Arrêtez putain !!!! s'écrient les jeunes, impuissants.

Ils supplient, ils implorent les conducteurs des tracteurs mais l'immeuble se dégrade comme un château de sable. Je me souviens de chaque moment qu'on a passé entre ses murs, de chaque rire qui résonnait dans les couloirs.

Pendant une fraction de seconde, tout ce qui m'entoure semble être silencieux.

Soudain la dégradation des débris, le moteur des monstres mecaniques et les injures de mes amis reviennent brutalement à mes tympans.

- Snake... chuchoté-je d'une voix lointaine, est-ce que tu peux me passer ton phone, s'il te plait ?

Il hésite en se doutant de ce que je vais faire et me le passe finalement. Mes doigts composent le numéro.

:... David , j'écoute .

Mon corps se raidit de haine. La voix du diable, de mon connard de père que j'ai du mal à entendre à cause du vacarme.

:... arrêtez ça ...demandé-je ,Je vous en prie, dites leur d'arrêter !

: Est-ce que tu viendras vivre avec moi ?

Bien-sur ! tout ce qu'il voudra !

:... Oui. Les larmes coulent le long de mes joues ,

: Je suis content de l'entendre ! se réjouit-il , On part pour l'Amérique dés la fin de la semaine .

Le plus tôt possible, histoire de m'empêcher de trouver une contre attaque.

Il raccroche. Quelques instants plus tard, les tracteurs arrêtent leur massacre et partent aussi vite qu'ils sont arrivés. Il ne reste plus rien de l'immeuble des terminals, on dirait qu'une bombe nous est tombée dessus.

J'approche doucement les morceaux du bâtiment et lache un premier sanglot.

Le silence règne sur les attroupements de jeunes autour de moi, leurs regards remplis de chagrin sont rivés sur mon corps courbé.

Incapable de rester là plus longtemps, Je marche vers le portail, satisfaite de voir que les immeubles des secondaires et des premières sont intactes.

Soralie et les autres essayent de me retenir mais Crist les en empêche.

Je marche dans les rues, les yeux posés dans le néant. Je connais tout par cœur, chaque quartier, chaque lieu me rappelle combien je suis bien ici. Amsterdam est magnifique. Les vélos sont partout, les canaux voguent sur l'eau. Cette ville d'art et de classique est un tableau à elle seule. Les plus grand peintres de l'histoire de l'Europe n'arriveront jamais à la cheville des architectes.

Mes pas me mènent devant les sinistres portes du cimetière. Le dernier endroit où je pensais me retrouver .
J'entre.
D'abord la brume pour qu'on s'imprègne du décor. Ça sent la mort. Les grands arbres de cinq mètres se plantent à gauche et à droite. Les oiseaux tournent en rond au dessus de moi comme s'ils attendaient que je meurs pour me dévorer. Les feuilles chantent une chanson mélancolique au rythme du vent.

Je me retrouve devant une pierre tombale.

- Salut... Dis je en sentant le chagrin m'innonder.

Xavier Louis LORD

18 ans

" On va faire comme si de rien été, chère roi, on va faire comme si le monde tournait encore pour ne pas montrer que tu nous manques chaque seconde "

Repose en paix

Ainsi, l'éternité se résume à quelques mots gravés sur une pierre.

Il me manque. Il aurait trouvé une solution à ce problème qui me tombe dessus.

Je m'assoie sur l'herbe et m'adosse à la pierre. Une goutte de pluie me trempe le visage, puis une averse se forme. Le ciel commence à pleurer au dessus de ma tête.
Je somnole, j'imagine et ferme les yeux.

Une main me caresse subitement le visage.

- je t'ai menti, tu n'as jamais été laide. Au contraire, tu es tout ce que j'ai vu de plus beau dans ma vie.

Je frissonne, sa voix me fait du bien. Xavier...

Il est présent, je l'imagine me câliner.

- Je t'aime tant... dit-il

Il m'approche pour me prendre dans ses bras alors que je suis assise contre la pierre .

Il me dit des mots doux, me tient au chaud sous cette pluie glaçante. Chaque goutte est un supplice, chaque mot une délivrance.

Dans ses bras, je fond. Tout ira bien, tout se portera au mieux puisqu'il est là, près de moi, il m'emporte avec lui ! il me sourit, m'embrasse et ...

...Et j'ouvre les yeux en arrêtant d'imaginer.

Xavier n'existe plus dans ce monde , et moi je commence à disparaître.

🌧

 Le Dieu et La Reine TOME I : Riche Malgré Elle Où les histoires vivent. Découvrez maintenant