Le Dieu et La Reine TOME I : Riche Malgré Elle

L'horizon

Jana

J'observe l'horizon du haut du toit de chez les Engoranas. C'est le seul endroit dans lequel je me sens tranquille, personne ne risque de me trouver.
Ici, j'échappe à la pagaille qui s'est installée dans la résidence depuis que les préparatifs pour le mariage ont débuté.

Bouteille de Jack Daniel à la main, je m'abandonne complètement à l'alcool. À ce stade, le coma éthylique n'est pas loin.

Je passe souvent mes journées sur ce toit. J'observe les oiseaux qui survolent la baie de San Francisco en ignorant ce que les gens font en bas comme si je volais avec eux.

Je ne me bas plus, mon seul projet sera de me soûler jusqu'à mourir. On retrouvera forcément mon corps tôt ou tard.
Un sourire se dessine à mes lèvres. Après quelques gorgées de plus, je divague déjà.

Le moment de paix ne dure pas longtemps. Je vois une chevelure noire dépasser le toit. Le jeune homme aux allures de corbeau vient vers moi.

Une grimace apparaît sur mon visage.

Adriane Engorana est bien là entrain de s'assoir à mes côtés. Il prend place comme si de rien n'était sans dire un mot. Il regarde l'horizon pendant que je le dévisage.

- Tu es une malédiction, en réalité. Dis-je.

- Bourrée sur un toit, c'est plutôt dans ton style

- Je veux même pas savoir comment tu m'as trouvée, connard.

- C'est un ange qui m'a dit ou tu étais...

- Qui? William?

- Non.

- Casse-toi.

Il me prend la bouteille et entame quelques gorgées. Ma grimace me crispe la peau pourtant je ne peux m'arrêter de le juger.

- C'est à moi ça ! M'énervè-je.

- Viens la récupérer.

Telle une fauve, je lui saute dessus en perdant le peu d'équilibre qu'il me reste. Il est sous moi, sous mon cœur en palpitation, sous mon regard pétrifié.
Je reste collée à sa chemise noire, incapable de me défaire de ses bras autour de mon corps.

Mes habits s'imprègnent de son odeur, ses cheveux noirs caressent mon front... il me réchauffe.

- Et si je te faisais l'amour? Dit-il en souriant.

- Je suis bourrée là, encore une fois tu triche.

- J'ai un faible pour les ivrognes.

- Charmant. Murmuré-je.

Son cœur danse avec le mien. Je n'ai aucun mot pour décrire la relation toxique dans laquelle nous sommes entrain de nous noyer. Et ce malade veut la concrétiser avec un mariage. Il est soit suicidaire, soit déséquilibré et dans les deux cas je sombrerai avec lui.
Encastrée dans ses bras musclés, je sens les derniers rayons du soleil s'abattre sur nos corps avant de disparaître derrière l'horizon californien.

- Eh Engorana, pourquoi tu veux m'épouser ? Demandé-je en reposant ma tête dépitée sur son torse.

Il ne répond pas immédiatement. Les premiers vents frais de la nuit puis sa réponse :

- Parce que je suis tombé amoureux de toi.

La manière dont-il le le révèle ressemble à une résignation, comme pour me dire qu'il a combattu de toutes ses forces, il a quand même perdu. Le silence semble durer une éternité avant qu'il ne continue.

- Je vois ça comme une maladie qui me ramène constamment à toi. Ma vie est un chaos jusqu'à ce que tu sois là. Et tu diras ce que tu voudras, je sais que c'est bel et bien de l'amour... parce que, certes, c'est insupportable mais c'est aussi merveilleux, c'est magique, ça rend vivant.