Chapitre 8

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De nombreux nuages, dont les teintes varient du gris inquiétant au blanc pâle, recouvrent le ciel. Ils semblent faire de gros efforts pour ne pas délaisser toute l'eau qu'ils contiennent. L'air est plutôt frais, bien que la température ne soit pas encore négative. Je frissonne, avant de m'emmitoufler un peu plus dans mon manteau. Assise sur le rebord d'un mur, je souffle sur mes doigts frigorifiés, dans l'unique but de les réchauffer.

Autour de moi, les feuilles délibérément mortes voltigent, emportées par les bourrasques que forment les pas des élèves. Ils discutent entre eux, le long du trottoir, avant de se séparer à l'intersection, pressés de rentrer à leur domicile. Je les regarde s'éloigner, me perdant dans des pensées neutres et inintéressantes, avant qu'une silhouette bien connue ne s'avance vers moi.

Laure, dans son éternelle précipitation, me rejoint rapidement, son sourire radieux déjà en place. Je me laisse glisser du muret, lui souriant en retour. Deux mois se sont écoulés depuis notre rencontre et je n'ai jamais été aussi proche de quelqu'un jusqu'à présent. Bien que je ne lui ai pas tout dit à mon propos, j'ai une entière confiance en elle et Laure semble, elle aussi, apprécier ma compagnie.

Exceptionnellement, elle m'a invitée chez elle, pour que l'on fasse nos devoirs ensemble. Même si nous ne sommes pas dans la même classe, notre programme scolaire reste identique. Cela m'a donc paru être une excellente idée, surtout si l'on prend en compte mon envie de rester avec elle le plus longtemps possible. Depuis notre escapade à la crêperie, nous sommes plus proches que jamais, et je ne peux m'en plaindre. L'impression de la connaître mieux que personne me rend heureuse et unique, comme si ce privilège n'appartenait qu'à moi seule.

Jusqu'à chez elle, nous échangeons les événements de la journée et nous discutons de tout, mais aussi de rien. Une fois devant sa porte, elle tourne la clé dans plusieurs sens, avant de réussir à déverrouiller la serrure. Elle me lance un regard gêné, semblant m'apprendre qu'elle n'a jamais réussi à retenir dans quel sens il faut la tourner. Je retiens un rire moqueur, puis entre à mon tour. Le petit hall de l'entrée donne sur l'ensemble de la salle à manger. Celle-ci est simple, traditionnelle. Une table en bois, assez grande pour six personnes, trône en son milieu, entourée par quatre chaises aux dossiers droits et sculptés. Dans un coin de la pièce se trouve un canapé, modeste, qui semble surveiller une télévision éteinte, surmontée d'une petite plante verte en pot.

Lorsque je tourne la tête, j'aperçois l'entrée de la cuisine, indiquée par une arche taillée dans le mur, offrant une atmosphère moderne, mais décontractée à l'ensemble de l'habitat. Je ne peux m'empêcher de faire plusieurs fois le tour de cette pièce, aux allures conviviales et esthétiques. Je remarque de discrètes plantes, cachées derrière des meubles ou des cadres, ceux-ci disposés de sorte à laisser beaucoup d'espace entre eux. Les fenêtres sont à peine ornées de simples rideaux gris, aux nuances bleutées qui rappellent le reflet du ciel dans la mer.

Une fois ma contemplation achevée, je me retourne vers Laure, qui me fixe depuis le début, amusée de me voir m'extasier devant ce simple mobilier. Après s'être toutes les deux débarrassées de nos manteaux, nous montons à l'étage, où se situe sa chambre. Le couloir est assez étroit, mais de nombreuses peintures impressionnistes recouvrent les murs et illuminent l'endroit. Laure m'indique à droite, la salle de bains, et à gauche, sa chambre. Lorsque nous y pénétrons, je retiens un hoquet de surprise. Le sol est un parquet en bois fin, mais simple, et les murs sont recouverts d'une peinture vert pâle, apaisante. La pièce, sans être grande, est assez spacieuse : un lit occupe un coin de la pièce, près de la fenêtre dont les rideaux grisés sont ouverts, un bureau est adossé à l'un des quatre murs et recouvert de feuilles quelconques. À côté de moi se trouve une commode, sur laquelle sont disposées plusieurs espèces de plantes, et au milieu, un cadre avec une photographie de sa famille. Mais ma fascination est principalement due aux petits détails, au travers desquels je reconnais la personnalité de Laure : une veste en jean dont l'une des manches est trouée, posée sur le bord de son lit, une bouteille d'eau à moitié vide au pied de celui-ci, la terre encore humide des plantes, l'étagère comportant des dossiers, lesquels sont rangés par ordre alphabétique. Je peux facilement comprendre quels sont les domaines qui lui semblent importants, et le reste qu'elle considère inutile ou sans valeur. Sans aucun doute, c'est bien sa chambre.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant