Chapitre 18

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Allongée dans mon lit, je fixe l'écran noir de mon téléphone, éclairé par la lumière de la lune. J'ai préféré ouvrir les rideaux, afin d'admirer le ciel nocturne, bien que je ne fasse qu'attendre l'éclairage de l'écran. J'attends son message, sa réponse. Son "oui" ou son "non". Et si elle refuse d'en parler ? Si elle refuse de me parler ? Je ferme les yeux, exténuée. Il doit être aux alentours de quatre heures du matin. Je refuse de dormir, par peur de recevoir un message durant mon sommeil. Pourtant, mes paupières ne tiennent plus ouvertes et malgré mes efforts, la fatigue a peu à peu raison de moi. Quelques instants plus tard, je m'endors, bercée par le silence de la nuit.

Lorsque je me réveille, le soleil est déjà haut dans le ciel. Je sursaute, comprenant seulement que j'ai trop dormi. Je regarde autour de moi. Tout va bien. Je suis toujours dans mon lit, mes parents ont dû partir travailler et le lycée est fermé aujourd'hui. Je souffle, afin d'extérioriser cet excès de stress. Puis, en tournant la tête vers mon téléphone et en remarquant son voyant lumineux, mon angoisse repart de plus belle.

Je m'en empare rapidement, comprenant que j'ai bel et bien reçu un message de Laure. Elle me répond simplement qu'elle est du même avis et qu'elle m'attendra au saule pleureur, vers le début de l'après-midi. Je relis plusieurs fois le message, tantôt déçue qu'il soit aussi froid et distant, tantôt soulagée qu'elle ne paraisse pas réellement fâchée. L'écran indique onze heures. Je me dépêche donc de me préparer, afin de ne pas rater cet important rendez-vous.

Une fois l'après-midi commencée, je sors de la maison, laissant un mot à mes parents au cas où ils rentreraient plus tôt du travail. L'idée d'aller voir Laure m'effraie plus qu'elle ne me réjouit, et cette sensation m'horripile. Au fur et à mesure que j'approche du parc à l'abandon, mon anxiété augmente et je me demande si notre relation ne risque pas d'empirer par la suite. J'aperçois enfin le saule pleureur dont les branches, encore sujettes à l'hiver, sont dépourvues de feuilles. Laure est déjà arrivée et, comme à son habitude, est penchée au-dessus du petit canal. Lorsque je suis assez proche d'elle, je constate qu'il n'est plus gelé et que l'eau a recommencé à s'en écouler, pour ensuite rejoindre le lac immobile. Laure, une brindille à la main, trace des petits mouvements dans l'onde. Je la sens nerveuse et pourtant, je n'ose pas souligner ma présence. Elle lâche soudainement la tige de bois qui, emportée par le filet d'eau, atterrit dans l'étang. Je décide finalement de m'asseoir à ses côtés, tandis qu'elle pioche un nouveau bâton.

En me remarquant, elle se renferme sur elle-même et fait frénétiquement tourner le bout de bois entre ses doigts. Un long silence s'installe entre nous deux. Pour la première fois, cette absence de bruit me gêne. Le son fébrile de l'eau n'a plus rien d'apaisant. Les caresses du vent entre les branches nues me donnent des sueurs froides. Et la passivité de Laure me glace le sang.

Quelques minutes s'écoulent, sans que l'une de nous n'ose dire un mot. Finalement, je rassemble mon courage, me rappelant que c'était mon idée de mettre les choses au clair. Mais maintenant que je suis à côté de Laure, les souvenirs d'hier refont surface. Sa douleur apparente et ses larmes sont devenues une vision cauchemardesque qui me hante inlassablement. Je ne veux plus jamais la revoir ainsi. Il va falloir que je prête une grande attention à mes propos. Je tourne le visage vers elle, espérant qu'elle soit d'accord pour m'écouter, avant de commencer :

— Laure... Je voudrais parler de ce qu'il s'est passé hier.

Elle hoche lentement la tête, ses doigts crispés autour du bâton.

— Je voulais te dire que... Je suis sincèrement désolée pour ce que j'ai dit. J'ai conscience que je me suis mal exprimée et que je t'ai profondément blessée... Si tu veux bien me donner une seconde chance, j'aimerais expliquer à nouveau le fond de ma pensée. C'est important pour moi.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant