Chapitre 12

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Une légère brise vient effleurer mon visage, tandis que je peine à ouvrir les yeux. Je suis toujours dans le parc, au pied du saule pleureur. J'espère ne pas avoir dormi trop longtemps.

Je me relève, afin d'être assise, et aperçois Laure au bord du petit canal. Elle tient dans sa main un bout de bois et s'efforce de casser la glace qui empêche l'écoulement de l'eau. Je la rejoins, sans un mot, puis m'assois à ses côtés. Je pose ma joue contre son épaule, avant de fermer à nouveau les yeux. L'écoulement du mince filet d'eau émet un sifflement discret, lorsqu'il glisse sur le verglas. Laure vient entourer mes épaules de son bras droit, posant à son tour sa joue contre moi.

Être blottie contre elle est sans doute la meilleure sensation que je puisse connaître. Savoir qu'elle est à mes côtés me détend et m'apaise, si bien que je serais capable de m'assoupir à nouveau. Mais, étrangement, je ne veux pas m'abandonner au sommeil. Endormie, je ne serais plus capable de profiter de cet instant. J'ouvre à nouveau les yeux, levant la tête vers le ciel désormais d'un bleu complet. J'aimerais tant que ce soit déjà le printemps. Nous pourrions aller nous promener partout, sans nous soucier d'avoir froid. Nous pourrions admirer les bourgeons qui, les uns après les autres, éclosent. Et nous pourrions contempler le vol des hirondelles, qui reviennent après l'hiver. Je vois le printemps comme un renouvellement, où tout ce qui était mort revit et...

Une boule se forme dans ma gorge. Je me contiens, pour ne pas fondre en larmes, afin de ne pas inquiéter inutilement Laure. Ce n'est rien de purement physique, mais ma poitrine me fait tout de même souffrir. "Où tout ce qui était mort revit" ? Mais.. Moi ? Cela sera mon dernier printemps. Tout comme mon dernier automne, mon dernier hiver. Je ne suis pas une plante, je ne meurs pas pour réapparaître lors des beaux jours. Lorsque je mourrai, ce sera pour de bon. Moi, je ne revivrai pas.

— Jeanne, tout va bien ?

Laure s'est tournée vers moi, l'inquiétude noyant ses iris marron. Sans m'en rendre compte, ma respiration s'est accélérée et mes doigts se sont refermés sur l'herbe morte. J'expire calmement le surplus d'air que mes poumons retiennent, avant de répondre :

— Oui, tout va bien.

Peu convaincue, elle me regarde encore quelques instants, essayant d'analyser elle-même l'état dans lequel je me trouve. Je sens son regard attentif parcourir l'ensemble de mon visage, et je ne peux m'empêcher de rougir. Finalement, elle cesse son inspection, reconnaissant qu'il n'y a rien d'alarmant. Mes précédentes pensées ne m'ont pas quittée, mais je ne peux pas penser avec tant de pessimisme : elle le remarquerait tout de suite.

Mais est-ce réellement du pessimisme ? Après tout, je ne fais qu'énoncer la vérité : je suis malade et je vais bel et bien mourir, avant l'an prochain. Cela fait environ six mois désormais que j'en ai conscience et que je vis ainsi. Peut-être que ce n'est que du réalisme. Peut-être qu'il n'existe aucun état d'esprit valide, pour aborder cette fin imminente.

— Dis, Jeanne...

Je tourne la tête vers Laure, dont le regard est perdu dans la contemplation du paysage. Ne répondant pas tout de suite, je l'incite cependant à continuer, en posant ma main sur son épaule. Elle se retourne vers moi, prenant ma main dans la sienne.

— Je n'ai pas envie de retourner au lycée.

Il me faut quelques instants de réflexion avant d'assimiler sa demande.

— Tu ne veux pas aller en cours ?

Elle hoche doucement la tête, avant de rectifier :

— Mais seulement cet après-midi. Sinon, nous risquons d'avoir des problèmes.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant