Chapitre 24

182 27 0
                                    

Des hirondelles s'envolent au loin. Le soleil entame sa longue descente monotone. Les branches des arbres ondulent doucement sous le souffle du vent. Quelques nuages parsèment le ciel, éternellement bleu et clair.

Je souris : l'été approche. Le mois de mai a pris fin, il y a peu, sans nouvelles encombres. Alors que je pensais ne pas survivre jusque là, nous y sommes. Nous sommes en juin. Bien sûr, je me réjouis d'être encore en vie. Mais je sais, tout comme mes parents et Laure, que ce n'est que partie remise. Cette maigre victoire ne me fera pas gagner la guerre. Pourtant, je la vois comme une revanche personnelle, contre le médecin, la maladie et surtout, contre la fatalité. C'est stupide et vain, car je sais bien qu'ils auront tous raison de moi, dans quelques semaines, ou quelques jours.

Je quitte mes réflexions, un peu trop moroses à mon goût, afin de me reconcentrer sur la conversation, entre l'infirmier et mes parents. Heureusement, ils sont passés à un sujet un peu plus joyeux que mon état de santé. Mon père semble bien s'entendre avec l'auxiliaire. À vrai dire, il est souriant et semble aimer son travail. Comment ne pas l'apprécier ? Je plisse les yeux pour parvenir à lire son badge : il s'appelle Alain. C'est souvent lui qui est chargé de venir dans ma chambre, pour s'assurer que tout va bien. Il ne prend pas pitié de ma situation, mais n'y est pas moins sensible. Et c'est ce que j'admire chez lui. Le médecin devrait le prendre en exemple. Une main vient se poser sur le dossier du fauteuil roulant. En tournant la tête, j'aperçois mon père, un sourire navré sur les lèvres :

— Nous allons devoir y aller, Jeanne. Il se fait tard.

Je lui souris, répondant simplement :

— Je sais.

Ma mère se penche vers moi pour m'enlacer, tandis que mon père serre la main d'Alain, le remerciant pour son soutien et son aide. Puis, ils partent tous deux en direction de la sortie, me promettant de revenir me voir demain. Je leur fais un simple signe de la main, pour leur dire au revoir, avant qu'ils ne disparaissent de mon champ de vision.

— Tu veux regagner ta chambre maintenant, Jeanne ?

La question d'Alain me surprend et je ne peux retenir un sursaut. Je tourne le regard vers lui. Il sourit toujours, attendant patiemment ma réponse. Je lui fais un sourire timide en retour, avant de répondre :

— J'aimerais rester dehors encore un peu, si possible.

Bien que le "dehors" auquel je fais allusion n'est autre que le dédale de couloirs de l'hôpital. Alain hoche la tête, m'accordant cette promenade. Je le remercie, avant de prendre une impulsion, légère, mais suffisante, pour rouler jusqu'au prochain corridor. À vrai dire, mon but n'est pas de déambuler inutilement d'un étage à un autre.

Empruntant, tant bien que mal, l'ascenseur, je me retrouve au rez-de-chaussée et, quelques minutes plus tard, je suis dans le hall d'accueil, parmi les visiteurs, les infirmiers et les malades qui, comme moi, s'amusent de toute cette agitation.

Seulement une demi-heure plus tard, l'ennui m'assomme. Les infirmières avec lesquelles j'ai pris l'habitude de discuter sont trop occupées pour que je puisse engager la conversation, et les personnes âgées dont j'ai fait la connaissance il y a peu, se sont endormies dans leur siège, par mégarde. Je lance un regard vers l'horloge, accrochée fièrement sur le mur, juste en face de l'entrée. Il se fait tard. Je devrais peut-être retourner dans ma chambre. Il ne sert plus à rien de l'attendre maintenant. Mon cœur se serre à cette pensée, mais je prends sur moi. Elle devait avoir un empêchement, une bonne raison de ne pas me rendre visite. Après tout, les cours ne sont pas encore finis. Et bien qu'elle s'absente de plus en plus souvent au lycée, elle ne peut délaisser complètement ses études.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant