Chapitre 15

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Ses bras se desserrent lentement, me libérant de son étreinte. À la place, Laure se contente de poser sa main sur ma joue, plongeant son regard meurtri dans le mien. Elle me contemple quelques instants, avant de murmurer à son tour :

— Moi non plus, Jeanne...

Sa voix se coupe un bref instant. Laure prend sur elle et parvient à refouler ses larmes.

— Je ne veux pas que tu partes...

Affligée par ses propres propos, elle se contente de baisser la tête, laissant tomber sa main de mon visage. Puis, elle reprend la parole :

— Je suis égoïste, n'est-ce pas ?

— Non !

J'ai crié. Sans m'en rendre compte. J'ai simplement contesté ce qu'elle pense croire. Évidemment qu'elle ne l'est pas. Elle est si parfaite à mes yeux. Mais je lis dans les siens que ce "non" n'est pas suffisant pour la convaincre.

— Laure... Bien sûr que non, tu n'es pas égoïste. Tu as mal, et tu as toutes les raisons du monde d'avoir mal. Tu n'as pas à garder ça pour toi. Tu ne mérites pas tout ce que je t'inflige. Bien que tu saches pertinemment que tu vas souffrir... Tu restes à mes côtés. Tu n'es pas égoïste, Laure. Tu es très courageuse. Et je ne te remercierai jamais assez pour tout ce que tu fais pour moi.

Laure me fixe pendant quelques instants, sans vraiment réaliser la signification de mes propos. Puis, ses joues rougies s'étirent dans un grand et magnifique sourire, qui lui va si bien. Fuyant l'atmosphère morbide de notre précédente conversation, elle sort son téléphone et me le tend.

— Tu ne veux pas répéter ? Je voudrais enregistrer une si belle déclaration.

Je ris à sa proposition inutile, puisqu'elle sait que je n'accepterais jamais de redire cela.

— Sûrement pas.

Elle feint une déception extrême, ce qui me fait rire. Peu à peu, nous délaissons la nouvelle que je lui ai annoncée, préférant rire plutôt que se lamenter. Pourtant, je reste convaincue que ni elle, ni moi, ne pouvons réellement la mettre à part et l'oublier. Les battements de nos cœurs meurtris sont là pour nous le rappeler.

Environ une heure plus tard, nous sommes toutes les deux étendues sur le canapé, contemplant d'un regard vide l'émission qui se déroule sous nos yeux. Je crois que c'est un jeu télévisé, mais je n'en comprends pas le principe. J'ai beau questionner Laure à ce propos, je crois qu'elle est aussi perdue que moi. Lorsque je me tourne vers elle, elle essaie désespérément de trouver une position assise confortable. Je ne peux m'empêcher de sourire à chaque fois que son visage s'étire dans une grimace, signe que ce n'est pas encore gagné.

— Besoin d'aide ?

Suite à ma proposition, Laure se rend compte que je me moque ouvertement d'elle.

— Arrête de rire.

Sa remarque a l'effet inverse, puisque j'éclate de rire, sans pouvoir me contrôler.

— On dirait une novice en cours de yoga !

J'essaie de me calmer, mais c'est plus fort que moi : la regarder s'épuiser, seulement pour être confortablement assise, me procure un fou rire incontrôlable. Finalement, Laure abandonne et me lance un regard qui se veut méprisant.

— Je t'ai demandé d'arrêter de rire, il me semble.

Je reprends tant bien que mal mon souffle, articulant avec peine :

— Désolée, c'était juste... Hilarant.

Je succombe une seconde fois, éclatant de rire. Je crois que cette réaction ne satisfait pas vraiment Laure, qui se jette sur moi.

Memento MoriOù les histoires vivent. Découvrez maintenant