10. Plein d'air

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Les portes s'ouvrent, le froid s'engouffre dans la bâtisse, soufflant, dans sa course effrénée, sur June et moi. Elle ne bronche pas et tourne sa tête vers moi, un énorme sourire figé sur ses lèvres. Elle pose un pied dehors. Puis l'autre. Je l'imite, et suis sa lente cadence. Sur le sol enneigé, ses traces de pas apparaissent, formant une piste. Dehors je ne la perdrais jamais. Elle ne peux plus s'évaporer. Nous n'empruntons pas les chemins, nous passons outre ces vulgaires limitations d'espace.
- Merci d'être revenue ! Tu en as mis du temps...
Elle me regarde en s'arrêtant et m'interroge du regard.
- J'ai tout compris, au moment où tu m'as regardé, avec ton sourire emplit de malice. Ta blouse bleu ! Tu es stagiaire. Tu es venu faire un stage pour me voir ! Surnommée Julie pour ne pas éveiller les soupçons. Et puis ta blouse... sa couleur, c'était ton message. Tu es si différente, qu'il sera difficile de ne pas te démarquer... tu es hors cadre... tes cheveux roux, ta blouse bleu, ton visage si enfantin. C'est extraordinaire ! Nous qui rêvions de vivre une aventure palpitante, nous voilà dans un hôpital pour les fous. Les fous ! June ! Les fous ! Je ne suis qu'un fou à leurs yeux ! Ooh June que j'ai hâte de leur prouver le contraire, tu vas m'aider !
Ses yeux sont encrés dans les miens, elle sourit à pleines dents, la tête légèrement penchée et les sourcils subtilement froncés. Je lui attrape les mains et la fait tourner. Son rire résonne, comme pour approuver chacun de mes mots précédents.
- Oh June tu es extraordinaire ! Allons visiter cet immense jardin !
Ses petites mains s'agrippent tendrement aux miennes, et je l'entraîne à ma suite.
Les arbres sont nombreux, grands et robustes. L'herbe est si docile et tendre qu'elle porte de ses petits bras chaque flocon de neige, créant un tapis blanc, souillé par du Orange et du Violet.
De toutes parts il y a des bancs. June les trouve très beaux. Les oiseaux chantent, le soleil éblouit de par sa réflection dans la neige.
Le bruit d'un courant d'eau retentit.
- June ! Tu entends ?! Une rivière !
Elle tend l'oreille, je ne lui laisse pas le temps de répondre et je la tire en courant jusqu'à la source.
- Allons voir !
Nous sommes au fond de la propriété, nous n'apercevons plus l'hôpital. Devant nous se dresse des barrières, encadrant les bords du mini torrent, un banc observe ses mouvements.
- Quel hasard. Un court d'eau. Comme quand nous étions enfants ! Cet hôpital n'est pas si mal finalement. Mais qu'est ce que je fais ici ? Nos balades me manquent, nos escapades nocturnes aussi. Dis tu as vu le mot que je t'ai laissé sur l'Arbre de Morillon ?
Son regard s'embrase.
- Je te l'avais laissé, pour que tu saches où j'allais être transféré. C'est comme ça que tu m'as retrouvé ? Oh tu as apporté ce que je t'avais demandé ?
Le feu dans ses yeux prend une telle ampleur, sa bouche s'ouvre :
- Rentrons. Nous allons attraper froid.
Elle se tourne et avance en direction de ma prison. Je la suis.

Je brise l'absence de paroles :
- Pardon, j'ai beaucoup parlé. Mais je t'attends depuis si longtemps... je sais que tu préfères le silence, moi aussi d'ordinaire. Je te jure que c'était une exception.
- Ne t'en fais pas. Ce n'est rien. J'aime bien t'entendre parler.

Censure mon êtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant