Chapitre 8

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Dès mon plus jeune âge, ma mère et moi étions plongées dans la misère : la faim, le froid et l'entourage toxique de junkies. 

Les jours et les nuits étaient consacrés à se défoncer, suivi de près par le viol, les injures et les coups infligés par mon bourreau. 

Trouver quelqu'un dans ce monde qui pourrait m'aimer semblait une chimère, un rêve inaccessible.

Pourtant, lorsque la psychologue ouvrit la porte de son bureau, une vague de surprise me submergea. 

Devant moi se tenait une femme âgée, mais d'une beauté et d'une élégance frappantes. 

Il était difficile de croire qu'elle avait pu engendrer ma propre mère. 

Elles étaient diamétralement opposées.

Elle s'approcha avec des larmes aux yeux et posa sa main ridée sur ma joue, la caressant avec tendresse. 

L'émotion emplissait la pièce, et je n'eus plus la force de retenir mes larmes. 

C'était la première fois que je pleurais de joie, un soulagement libérateur après tant d'années à tout enfouir en moi.

Dans une étreinte chaleureuse, ma grand-mère, prénommée Chantal, me serra contre elle, comme si elle craignait que je m'échappe. 

Quand elle me relâcha enfin, je m'agrippai à sa main, craignant qu'elle ne disparaisse comme mon propre père l'avait fait.

Nous passâmes un moment avec la psychologue et le chef de brigade, remplissant des documents nécessaires pour mon départ avec ma grand-mère, conformément aux exigences du juge des enfants. 

Impatiente que tout se termine, je voulais commencer une nouvelle vie auprès de cette femme qui m'aimerait et me valoriserait.

Une demi-heure plus tard, nous sortîmes enfin. 

Je respirai profondément, sentant l'air de la ville dans mes poumons, même s'il était loin d'être pur. 

C'était la première fois depuis des années que je ressentais une telle liberté.

Sa voiture, une Peugeot 206 noire, était garée à deux rues de là. 

Une fois à l'intérieur, ma grand-mère me serra encore plus fort et me dit d'une voix tremblante : "Tu ne peux pas imaginer à quel point tu m'as manqué. 

Nous t'avons cherchée partout, en vain.

"La curiosité m'envahit. "Nous" ? De qui parlait-elle quand elle disait "nous vous avons cherchées" ?

Je ne pus m'empêcher de demander : "De qui parles-tu quand tu dis 'nous' ?

"Elle essuya ses larmes, toujours émue, et répondit : "Je parle de ton papa et moi."

Un mélange de colère et de confusion s'empara de moi. 

"Mon père ? Impossible. Il nous a abandonnées à ma naissance, ce salaud."

Cependant, son regard m'éclaira. 

Je compris alors que ma mère m'avait menti de manière flagrante. 

C'était typique d'elle, et je m'en voulais d'avoir éprouvé tant de haine envers mon père biologique, même des pensées meurtrières.

Dans la voiture, ma grand-mère et moi restâmes un long moment à parler de mon père. 

Plus j'en apprenais, plus ma colère envers ma mère grandissait. 

Une fois nos larmes séchées, la voiture démarra en direction de Carry-le-Rouet, où ma grand-mère avait son domicile.

Enfance briséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant