Chapitre 10

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Les aiguilles du cadran avaient parcouru un chemin complet, et la fatigue m'envahissait. 

Pourtant, malgré l'épuisement qui m'assaillait, l'anticipation de la rencontre avec mon père biologique, Christophe, me plongeait dans un tourbillon d'émotions. 

Même si je n'avais pas autant dormi que je l'aurais souhaité, l'idée de le retrouver était à la fois excitante et effrayante. 

Si ce n'était de ma somnolence, j'aurais volontiers rebroussé chemin pour le rejoindre sans hésitation.

Mais il fallait que je me surpasse, que je rassemble tout mon courage pour faire face à cet homme bienveillant, qui n'avait eu de cesse de rechercher ma mère et moi depuis le jour où elle avait fui. 

Assise sous la pergola, je laissai mon regard se perdre dans le lointain, mon cœur palpitant d'appréhension. 

Les minutes s'étiraient, interminables, jusqu'à ce qu'une voiture s'arrête devant la maison, faisant accélérer les battements de mon cœur.

Ma grand-mère m'invita silencieusement à la rejoindre. 

Elle se dirigea d'un pas assuré vers la porte et l'ouvrit avant même que la sonnette ne résonne. 

Et là, se dressait devant moi un homme remarquablement beau, d'une stature imposante et une carrure musclée. 

Ses cheveux arboraient fièrement un mélange de poivre et sel, et ses yeux d'un bleu profond étaient aussi envoûtants que l'océan lui-même.

Il fixa son regard sur moi quelques instants, puis avança à grandes enjambées. 

Sans que je m'y attende, il m'entoura de ses bras dans une étreinte chaleureuse, laissant ses larmes couler librement. 

Je restais figée, témoin d'une vulnérabilité que je n'avais jamais vu chez un homme. 

Ses larmes m'étaient étrangères, une vision inédite qui suscitait un mélange d'émotions en moi.

Doucement, il posa ses mains de chaque côté de mon visage, et son regard pénétrant rencontra le mien.

Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, mon esprit empli d'intimidation, mais une part de moi, mon instinct féminin peut-être, me poussait à lui accorder ma confiance. 

Mon passé m'avait rendue méfiante envers les hommes, mais cet homme, Christophe, dégageait une aura de sincérité et d'authenticité qui me touchait.

Il parla d'une voix tremblante, émue, "Je n'arrive pas à croire que tu sois là, devant moi, ma jolie petite fille." 

Je lui répondis d'une voix timide, presque chuchotante, "Je... Je suis contente aussi."

"Quand je pense à tout le mal que ce salopard t'a fait subir, ça me remplit de colère, tu ne peux pas imaginer," confessa-t-il. 

Mes lèvres se pincèrent légèrement alors que je hochais la tête. 

"Il est la personne que je hais le plus au monde, mais en ce moment, tout ce que je veux, c'est essayer d'oublier et de vivre une nouvelle vie."

"Tu es très courageuse pour ton jeune âge, et d'une maturité exceptionnelle," me complimenta-t-il avec sincérité.

"Courageuse, je ne sais pas. J'ai souvent eu envie de mourir," dis-je, les larmes me montant aux yeux.

"Non, tu es une battante, et je te promets que ça ira." 

Un torrent de souvenirs douloureux m'envahit soudainement, et je ne pus retenir mes larmes.

Nous nous installâmes tous les trois sur la terrasse pour siroter une limonade, nos regards plongeant dans l'immensité de la mer devant nous. 

Au fil de la journée, nous partageâmes nos histoires, il me raconta avec minutie sa vie avec ma mère avant et après ma naissance, et comment elle avait pris ses distances, nous écartant de sa vie, lui et ma grand-mère. 

Il évoqua ses multiples démarches pour nous retrouver, en vain.J'absorbais chaque détail de ses récits, chaque anecdote, chaque émotion.

En leur compagnie, je redevenais la petite fille de douze ans, oubliant pour un instant les horreurs que j'avais subies. 

Christophe, un homme que j'apprenais à connaître, et ma grand-mère, une source inestimable de réconfort, m'entouraient d'un cocon protecteur.

À l'heure du dîner, Christophe resta avec nous. 

Ma grand-mère avait préparé une salade composée suivie d'une purée de patates douces accompagnée de tendres tranches de bœuf. 

Le dessert, une charlotte au chocolat drapée d'un coulis de fruits rouges, fut un véritable délice pour mes papilles.

Après avoir savouré notre repas, nous nous installâmes devant la télévision pour regarder un film. 

Nichée entre ma grand-mère et Christophe, je me sentais étrangement comblée, l'excitation mêlée à une émotion profonde. 

Le film "Autant en emporte le vent" nous captiva, le son de la télévision remplissant l'air, suspendant le temps dans une bulle d'intimité partagée.

À mesure que la fin du film approchait, la fatigue me gagna progressivement. 

Christophe, conscient de sa longue journée de travail qui l'attendait, se leva pour partir. 

Avant de s'éclipser, il me promit de revenir dès le lendemain après son travail. 

Son sourire bienveillant et sa gentillesse m'avaient touchée, et passer cette journée en leur compagnie avait été une expérience unique.

Je réalisai avec un élan d'émotion que, pour la première fois depuis longtemps, des personnes se souciaient réellement de moi. 

Dans cette atmosphère paisible, entourée d'amour.

Enfance briséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant