Jelly boy (trop mou...)

Chapitre 1 Kayla 2007

Comme d'habitude, je suis en retard à mon cours de linguistique. Je déambule d'une démarche chaloupée dans les couloirs déserts de la fac. En plus, Mr Dach est plutôt à cheval sur la ponctualité et il est bien du genre à te coller la honte devant tout le monde. Très peu pour moi. Je serre ma pile de manuels et de copies doubles contre ma poitrine. Bordel, c'est que je ne suis pas bien réveillée moi ! Je ne me rappelle même pas qui m'a ramenée dans ma chambre hier soir. Tout ce que je sais, c'est que je me suis levée ce matin en culotte et soutif avec en plus un mal de tête épouvantable. C'est que j'ai fait fort : j'ai commencé par enchainer les mojitos sans même avoir pris la peine de manger avant. Résultats des courses, c'est le trou noir absolu ponctué de quelques flashs où je m'aperçois debout sur le bar de la boite, occupée à envoyer dans le public mon chemisier. Bref, l'éclate totale. Il va falloir quand même que je demande à Dorine et Claire de me raconter ce que j'ai foutu. Je sais qu'elles adorent me repasser le film de mes strip-teases improvisés ou de mes embrassades à la chaine avec tous les mecs de la boite juste pour me faire chier.

C'est ce que je me dis quand je passe derrière les sièges de l'amphithéâtre, courbée en deux en espérant que le prof ne s'aperçoive pas de mon retard de 45 mn. Je reste un moment recroquevillée derrière un sac à dos à attendre façon sentinelle en embuscade que ce connard de Dach ne se retourne vers le tableau. Et c'est qu'il n'a pas l'air décidé à le faire vu la façon dont il a le derrière vissé sur sa chaise. Mais alors que je me surprends à envier les pouvoirs de Flash, une odeur douce de lavande fraiche vient titiller mes narines. D'où ça vient ce parfum de bébé ?

-Je te préviendrai.

Je lève la tête en direction de la voix mal assurée pour découvrir en contre-plongée la figure impeccable d'un mec à lunettes dont je n'arrive à percevoir dans cette position inconfortable que les longs cils bruns.

-Quoi ? chuchoté-je en posant un genou à terre.

-Quand le prof se retournera, je te préviendrai, répète-t-il.

Le cœur battant, j'opine du chef en attendant les instructions de l'inconnu qui rédige avec le plus grand sérieux ses notes. Je ne m'occupe plus vraiment de ce que fait le prof, mon attention se reporte sur mon protecteur. Je ne sais pas pourquoi, mais cette odeur de shampooing Mixa bébé me dit vaguement quelque chose, de même que ce badge en tête de chat qui orne son sac à dos.

-Vas-y.

Son ordre a l'effet d'un top départ. Tel un félin, je me faufile aux côtés de mon comparse que je remercie de manière à peine audible. Alors que notre prof se retourne à nouveau pour nous expliquer l'intérêt d'un schéma linguistique et que je devrais écouter, mes narines n'en font qu'à leur tête. Je reste immobile, incapable de faire quoi que ce soit d'autre que de me laisser bercer par cette odeur douce. Je fléchis légèrement la tête afin de contempler à la dérobée celui dont je n'aperçois que la manche de pull. Celle d'un pull bouloché. Il n'est pas mal du tout, du moins, ce que j'arrive à en voir : les cheveux noirs encre, les cils longs et recourbés et un nez...

Bordel, moi et ma fascination pour le profil des gens...

J'adore son nez. Je suis une experte en détail de profil. Depuis enfant, je me surprends à aimer une personne que par rapport à son nez et je dois dire que Mr Mixa bébé relève parfaitement le défi.

-Tu as bien dormi ?

Sa remarque me fait l'effet d'une aiguille piquant mon postérieur. Gênée, je reporte immédiatement mon attention sur le prof qui ne semble pas s'être aperçu de mon arrivée tardive.

-Euh...quoi ? babutié-je.

Mon voisin de table se tourne tout à fait vers moi et je peux enfin découvrir ce que cachait ces cils épais.