Le cœur battant, je fixe le téléphone comme s'il allait me mordre. A-t-on idée de se mettre dans cet état pour un simple coup de fil ? Je tapote nerveusement les doigts sur le bout de papier chiffonné qu'elle m'a donné tout à l'heure.
06-70-80-20-87...
06-70-80-20-87...
Je le connais par cœur à force de l'avoir regardé.
-Tout va bien, mon chéri ?
La voix douce de ma grand-mère me fait sursauter. Je l'adore ma grand-mère mais parfois, je me surprends à imaginer un univers dans lequel j'évoluerais avec plus d'intimité. Je planque en vitesse mon précieux bout de papier et la laisse poser devant moi un plateau garni d'un verre de lait et de sablés bretons dont l'odeur beurrée m'indiquent qu'ils sortent tout juste du four.
-Ils sortent du four !
Qu'est-ce que je disais...
-Merci Mamie mais on sort de table, tu sais...
Je la regarde s'installer en face de moi. Ma grand-mère a vieilli d'un coup depuis la mort de mes parents il y a trois ans dans un accident de voiture et ses rides semblent se creuser un peu plus chaque jour. Il est vrai que se retrouver tutrice de deux enfants ne l'a pas aidé. Ma petite sœur n'a que 7 ans, heureusement. Et quant à moi...
Bin moi, malgré mes 18 ans, on ne peut pas dire que j'aie une vie hyper mouvementée. Là-dessus, Mamie peut dormir sur ses deux oreilles. Je n'ai fait qu'une seule pauvre soirée étudiante avec Ricardo, l'un de mes seuls potes, accompagné de sa bande et c'était décidément pas mon truc.
Mais c'est durant cette soirée que je l'ai rencontré elle. Je l'avais remarquée dès le départ : montée sur le bar, à moitié nue, complètement ivre. Et je l'ai fixé comme un vieux pervers. Jamais je n'avais vu une fille aussi belle même si dans son regard, je sentais qu'elle était totalement partie. Et tout de suite, je me suis inquiété pour elle. Et j'ai bien fait car c'est moi qui l'ai interceptée alors qu'elle sortait de la boite et s'engageait en titubant dans les rues désertes, simplement vêtue de son jean archi moulant et de son soutien-gorge rose.
-Tu ne me dis plus ce qui se passe dans ta vie en ce moment. Tout va bien ? reprend Mamie.
Son visage est penché sur le côté tandis que ses yeux bleu clair, ceux dont j'ai hérité, me fixent. Ok, j'ai compris ce qu'elle meurt d'envie de me demander et sa question est accompagnée par une seconde, tout aussi indiscrète :
-Tu es un beau jeune homme, maintenant. Tu devrais sortir plus. Avec ta petite amie ?
Je baisse instinctivement la tête, les tempes battantes. Ma grand-mère a décidément tout faux à mon sujet. Je n'ai pas de petite amie et je n'en ai même jamais eu. Je suis trop timide pour parler avec les filles. Trop introverti pour élaborer la moindre tentative de séduction. Je ne sais même pas ce qui m'a poussé à parler à Kayla. En même temps, notre première discussion était à sens unique. Il était plus facile pour moi de masquer mon manque d'assurance et ma gaucherie face à une fille soule.
-Mamie...arrête. Je n'ai pas de copine.
Ma grand-mère fronce les sourcils, incrédule. Je ne la comprends pas. Comment peut-elle penser que je puisse un jour sortir avec quelqu'un ? Je le sais que je n'ai rien à offrir et que je n'ai rien d'attrayant sauf peut-être mes yeux qui sont malheureusement planqués derrière une paire de lunettes que je déteste. Mamie vient poser doucement sa main ridée sur la mienne et me couve du regard. L'espace d'un instant, je crois revoir ma mère. C'est incroyable ce qu'elle me manque...
-Cela t'arrivera, mon chéri. Aie confiance en toi et tu pourras réussir n'importe quoi.
Je ne parviens pas à lui rendre le même sourire et me contente d'étirer faiblement les lèvres dans l'espoir de la convaincre que tout va bien. Elle finit par se lever pour m'embrasser les cheveux.
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Jelly boy (trop mou...)
RomanceC'était certain. Lui et moi, ça ne pouvait pas coller. Je suis la fanfaronne de la bande, celle qui enchaine les mijotos tout comme les conquêtes, celle qui s'amuse, quoi ! Lui, c'est tout le contraire. Et c'est là le problème. Moi, j'ai besoin d'un...