J'agite nerveusement mon Bic sur mon bloc-notes. C'est à croire que ma vie est vraiment faite pour être un tas de merde. Malgré le fait que mon week-end ait été celui chargé par des premières, c'est le bordel dans ma tête.
Kayla ne peut pas sortir avec un type comme moi, j'en suis certain. En même temps être avec moi, c'est vraiment la honte. Et même si je le savais, je l'ai envoyé bouler. Méritait-elle d'être traitée ainsi ? Je la connais depuis cinq jours et elle me manque déjà.
Je retire mes lunettes avant de les essuyer avec un coin de mon pull trois fois trop grand pour moi. Je sais bien qu'il ne me va pas mais il me permet aisément de planquer mon corps trop fluet pour un mec de bientôt 18 ans. Je repose mes binocles sur mon pupitre lorsque le souvenir de la soirée de vendredi me ramène tout de suite à Elle.
« Tu es tellement beau sans... »
Est-ce donc une question de physique ? Ces lunettes, je ne peux pas blairer mais je ne peux malgré tout pas m'en passer mais je crois que je serais assez faible pour les retirer et avancer à tâtons dans la vie si j'avais encore la joie de serrer Kayla dans mes bras et de me perdre dans les effluves de son parfum monoï. En soupirant, je finis par remettre en place ces lunettes immondes en me disant que l'opération reste à ce jour ma seule solution. Il est 9h15. Le prof n'est toujours pas arrivé. J'observe les alentours de l'amphithéâtre : Kayla va être en retard.
Et c'est reparti...
Je dois être le roi des cons finalement pour penser encore à cette fille tellement belle et si différente de moi. Je me contente de secouer la tête dans le vide en observant avec justesse qu'elle ne m'a même pas contacté du week-end ce qui prouve bien qu'elle n'en a rien à foutre de moi. A cette idée, j'éprouve un tel coup au cœur que je dois cligner plusieurs fois des yeux pour éviter à mes larmes de sortir devant tout le monde.
« J'ai adoré t'embrasser... »
Mon esprit s'embrouille encore : a-t-elle dit ça ou l'ai-je inventé ? Finalement, quand je me repasse le film de notre rendez-vous, chose que je fais depuis vendredi, c'est bien moi qui me suis énervé et qui l'ai empêchée de me suivre. Etait-ce la bonne solution d'agir ainsi ?
Et si elle éprouvait quand même un petit quelque chose pour moi ? Ne serait-ce qu'une toute petite attirance ?
« Tu es tellement beau sans... »
Je ne suis pas beau mais elle aime m'embrasser.
Je ne la dégoûte pas, donc...
Je me tape la paume de la main contre le front : quel con ! Kayla voulait rester avec moi et je l'ai envoyé balader. Comme un connard ! Je prends la subite résolution de la reconquérir. Elle m'a tellement manquée durant ces deux jours que je n'en dors plus. J'étais totalement déprimé. Heureusement, il y a Ricardo.
Il est passé me voir pour récupérer les cours de vendredi qu'il avait séchés. On s'est fait une séance de frappe pour finir, contre mon sac, dans ma chambre. J'ai pu ainsi soulager la rage que j'avais accumulé, non pas contre Kayla. Je n'ai parlé à personne de ce qui s'était passé entre nous. La colère était tournée contre une seule et unique personne...
-Salut « Rocky » !
Ricardo vient s'assoir lourdement à mes côtés, faisant rouler mon Bic qui part s'écraser sur le sol.
-Salut, mec ! dis-je en le shakant comme il me l'a appris depuis peu.
Ricardo est un peu le mec que je rêve un jour d'incarner : beau gosse, sûr de lui, n'ayant pas peur d'assumer ses cheveux roux autant que sa fausse arrogance. Il est bien dans sa peau, lui. Au départ, on a sympathisé parce que son studio est situé au bord du campus, c'est-à-dire à une rue de chez ma grand-mère. A force de se croiser, on a fini par faire la route ensemble et c'est ainsi que notre amitié a débuté. Très souvent, je l'aide dans ses devoirs et à rattraper les cours qu'il manque régulièrement à cause des soirées hebdomadaires qu'il s'octroie. C'est un mec drôle et sympa. Il est à ce jour, mon seul réel confident.
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Jelly boy (trop mou...)
RomanceC'était certain. Lui et moi, ça ne pouvait pas coller. Je suis la fanfaronne de la bande, celle qui enchaine les mijotos tout comme les conquêtes, celle qui s'amuse, quoi ! Lui, c'est tout le contraire. Et c'est là le problème. Moi, j'ai besoin d'un...