Chapitre 7 : Une rencontre dans un bus

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Le vendredi 4 août

Deux jours plus tard, les yeux rivés sur ma montre, je patiente, une main fermement posée sur la barre du bus. Depuis que je l'ai à nouveau autour de mon poignet, je me sens mieux. C'est bête, mais ce bijou, c'est comme s'il faisait entièrement partie de ma personne.

Je crois qu'au fond de moi, je me sens un peu mal de ne pas avoir été aux chevets de grand-mère lorsqu'elle était malade. Je n'ai même pas pu la revoir avant qu'elle ne meurt. Mes parents non plus ne l'étaient pas puisque mémé habitait en France. Mais ils ne m'ont jamais parlé de leurs regrets. Du coup, j'ignore s'ils ont les mêmes remords que moi.

Quoi qu'il en soit, le jour où j'ai reçu par voie postale cette montre, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J'ai fait de nombreux jaloux dans la famille car ce bijou coûte très cher. Mais contrairement à certains de mes cousins et cousines, je n'ai jamais envisagé de le revendre. Ce serait comme devoir me débarrasser d'une main ou d'une jambe. Je ne peux pas. Ça m'est vital.

Moi, être une sentimentale ? Complètement oui. Et je n'ai pas honte de le dire. Après tout, il faut de tout pour faire un monde.

— Pardon...

Le volume de ma musique n'étant pas très fort, la voix de la vieille femme me parvient tandis que le bus redémarre.

Mes yeux se posent sur la dame puis sur l'homme qui feint ne pas avoir remarqué qu'une personne âgée lui demande gentiment de lui céder la place assise.

Soudainement agacée par le comportement de l'autre, je retire mes écouteurs.

Quelques secondes plus tard, le car s'engage dans un tournant et je suis obligée de raffermir ma prise sur la barre pour ne pas tomber. Après une violente secousse, la vieille dame perd l'équilibre et je parviens par grand miracle à la rattraper par le bras.

— Merci mon petit, souffle-t-elle en se redressant.

Je lui offre un léger sourire puis reporte mon attention sur l'homme qui n'a toujours pas bougé.

— Un peu de courtoisie et de respect, ça fait du bien parfois !

Toujours aussi insultant, le concerné fait comme s'il n'avait rien entendu. Pourtant, mon ton plus qu'indigné n'a pas dû passer inaperçu.

— Peut-être ne savez-vous pas lire, mais les places assises sont réservées aux personnes âgées, femmes enceintes et invalides.

J'entends quelques exclamations derrière moi tandis que je fais un pas vers la nouvelle sourde oreille du coin. J'ai des supporteurs. C'est certain.

— Madame a demandé à s'asseoir !

Cette fois-ci, des yeux marrons se plantent dans les miens.

— Elle n'a jamais demandé à s'asseoir. Elle a dit « pardon », rétorque-t-il.

Il y a vraiment des gens qui sont de mauvaise foi.

— Et elle n'aurait pas dû avoir à dire quoi que ce soit pour que vous lui cédiez la place ! répliqué-je à mon tour.

— Oh mais ta gueule à la fin ! Tu vois pas que tu fais chier les gens là ? Retourne dans ton pré, grosse vache.

Je crois que c'est l'insulte qui revient le plus. Depuis que je suis petite, j'ai eu le droit à plusieurs surnoms « boulette », « l'obèse », « la moche », « grosse vache », « le monstre », « la baleine », « l'empâtée »... Je pourrais continuer durant des heures. Mais la grosse vache, c'est l'insulte préférée des gens. Je ne sais pas pourquoi. C'est comme ça. Autrefois, ça m'atteignait. Plus maintenant.

Petit ami & Compagnie 2 - Partie 1 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant