CROYANCE

CHAPITRE XIX

J - 4

Partir pour la chasse, c'est pas une mince affaire.
Pour les garçons perdus, c'est un véritable rituel. On va preparer son arme comme une veille amie, en prendre soin, la réparer si besoin. Ensuite, il faut se réunir en cohésion de groupe afin de s'accorder avec la nature. Respirer, être au plus calme, sentir chaque feuille d'herbe tel que sa propre respiration. Autre petit détail, la magie est formellement interdite. Il faut avouer que c'est une activité que l'on peut dire sacrée.

Réunis torses nus autour de Blondie, il prend la parole.

- Enfants perdus !

Je ris intérieurement.

- En ce jour béni par les dieux à Neverland, je déclare la chasse ouverte !

Les gamins hurlent de joie. Blondie tend ses bras pour marquer le départ. Ils courent entre les arbres. Personnellement je prends mon élan avec Félix et Peter à côté de moi, mes jambes me portent dans un élan de liberté incroyable. On se sourit avec Chaton. Après une bonne dizaine de minutes, nous nous arrêtons silencieusement. Essayant d'entendre, on peut percevoir des bruissements à quelques mètres de nous, nous nous approchons doucement de la source sonore. On peut voir une biche en train de boire à une rivière. Je la met en joue tandis que Peter et Félix font le tour dans le but de l'encercler. Ainsi, elle ne pourra s'échapper si je la loupe, ce qui m'étonnerait vu les entraînements intensifs de Félix au début de mon séjour ici.
Je jette un regard au Blondinet puis au minou pour savoir s'ils sont prêts, ils acquiescent.

Tirant au plus fort sur la corde, je suis prête à tirer. Cependant, une main se place brusquement sur ma bouche. Je me débat, mais en vain car on me tient trop fermement. J'entends des coups de feu et des hurlements. Putain on peut pas être tranquille sur cette île !?

- Coucou ma jolie, je t'avais manqué ? Me sursure une voix embuee d'une haleine pas très fraîche de rhum.

Cette fois-ci, on m'a vraiment mise furax avec leurs petits noms doux. C'est franchement pas si compliqué de m'appeler par mon prénom. Il n'est pas si moche, non ?! Rah.. oui je rage pour pas grand chose, ça m'énerve leurs ceremonials.
Crochet se place devant moi avec son pitoyable rictus de charmeur à deux sous. Deux pirates qui n'ont pas l'aire d'avoir pris une douche depuis des lustres me tiennent pour que je ne bouge pas.

- Tu m'as l'aire toujours aussi locace, chérie.

Bon les règles de misère à Blondie me fatiguent. Et puis on est plus en chasse. C'est vrai qu'une chasse aux pirates serai distrayante.
Je disparaîs pour apparaître et assommer les deux hommes corsaires sans qu'ils ne comprennent ce qu'il leur arrive. Puis je me téléporte derrière le capitaine mal rasé et lui place ma dague sous la gorge. Il émet un rire nerveux.

- Pas très locace mais à jamais sauvage, c'est exemplaire de la part d'une femme.

En plus il est misogyne celui-là. Je lui témoigne mon mécontentement en lui serrant davantage la prise.
On est pas avancé.

- Qu'est-ce que vous nous voulez !? Je jette.

Il deglutit difficilement.

- Pan perd ses pouvoirs, il ne reste que quelques jours avant que le Neverland ne disparaisse, je veux qu'il nous laisse partir moi et mon équipage.

Je soupire. En levant les yeux au ciel, je le lâche en le poussant, et il a failli en tomber. Pauvre ivrogne.

- Au lieu de nous attaquer comme des ignares, vous n'auriez pas pu plutôt demander. C'est premièrement plus simple et même plus poli.

Bon c'est vrai, c'est moi qui dit ça.
Il tortille sa bague autour de son doigt.

- Les bonnes veilles habitudes, petite.

Je detourne le regard, désespérée.

- Bon au lieu de traîner comme des gueux, allons au camps pour mieux discuter.

Je préviens par pensée Blondie afin qu'il me rejoigne, j'espère que cela fonctionnera, pas envie de le chercher dans toute la forêt cet idiot sournois.
C'est moi ou tous les adultes ont le même procédé : attaquer pour discuter. Il est vrai que je n'ai pas trop envie de me mettre à leur place pour ce qui est de leurs relations diplomatiques avec le Blondinet. Monsieur fait le beau temps si cela lui chante. D'un point de vu littéral comme figuré.
Arrivés au camp, Peter nous attend avec son chat collé au basques, tel un bon maître de cérémonie.

- Killian, quelle bonne surprise. Dit-il avec le sourire le plus hypocrite accroché à son visage faussement angélique.

Qu'est-ce que je l'adore. On dirait moi.

- Le plaisir n'est pas partagé, Pan. Réplique Crochet.

- Quel dommage ! Et aurais-tu l'obligeance de me dire l'honneur que me vaut de ta visite ? Roucoule l'autre.

- Cela fait des années, Pan, que moi et mes hommes sont emprisonnés ici. Nous savons tous deux que ton reigne prend fin au Pays Imaginaire, que tu vas tout entraîner dans ta chute, et j'ai pas envie d'être là pour le savoir.

Blondie joint ses mains et fais quelques pas vers son interlocuteur qui recule. Il m'a fait le même effet, je suis passée par là aussi, je compatis.

- Mon cher, très cher Killian, tu es si bête ou tu abuses trop de la bouteille !? Toutes magies ont un prix. De ce fait que m'offres-tu en échange ?

La bouche de Crochet ne forme plus qu'une ligne tellement il la serre.
Blondie arque son sourcil faceà ce silence.

- C'est bien ce qu'il me semblait, depuis des années tu me formules la même demande sans rien pouvoir me donner quelque chose en retour. C'est affligeant.

Il marque une pause pour appuyer l'échec du capitaine.

- Alors la réponse sera la même, je ne t'aiderai pas. Tu vas disparaitres avec l'île comme nous tous. Il n'y aura aucun traitement de faveur.

Il hausse les épaules comme si on venait de lui annoncer qu'il n'y avait plus d'autruche sur terre.
Pour ce qui est du pirate, visiblement il ne peut pas supporter Blondie. Bah en même temps j'aurai eu la même réaction. Mais comme mourir ne me fait rien, je m'en fiche au plus haut point. Ce qui m'inquiète c'est Peter.
Crochet repart avec la haine dans son regard. En même temps Peter a vraiment été cruel et vicieux. Néanmoins je ne peux pas épargner tout le monde, en plus je ne porte pas le pirate dans mon coeur, qu'il aille crever en enfer lui aussi.