Chapitre 27

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Je suis assise en tailleur à même le sol dans la tente qui sert de maison à la jeune femme qui soignait Chimako après mes dégâts. Face à moi, est assis le jeune homme avec l'accent, à ma droite la jeune femme et dans la continuité la fillette. Chimako a encore les sourcils froncés m'assurant que ce que j'ai fait est impardonnable même si personne ne sait ce qu'il s'est passé à part moi. J'ai entendu Chimako appeler la jeune femme Elise et la petite Lila. Avant de nous réunir dans cette tente, les deux filles sont parties changer la bouteille d'oxygène de la plus petite. Elle l'avait expliqué à Chimako lorsque j'étais dans mon coin à ruminer, je suis sûre que les personnes à proximité pouvaient entendre les rouages de mon cerveau.

A l'arrière de ma tête, le chatouillement ne fait qu'empirer. J'espère que je n'ai pas à m'inquiéter et que ce n'est qu'une douleur dont j'ai l'habitude mais je reste quand même sur la réserve. Lorsqu'une douleur est constante, mon cerveau s'acclimate et je ne la ressens que rarement. Le problème, c'est que celle-ci n'est ni constante ni assimilée par mon super cerveau.

On se regarde mutuellement, Lila a l'air mal à l'aise par ce silence. Elise dévore des yeux l'homme de la pièce avec cet air soucieux. Et moi, je suis enfermée dans mon esprit, j'espère que le silence va durer longtemps. Je n'ai pas envie de parler surtout en connaissant Chimako qui va vouloir me présenter mon frère. Lorsque ma mère m'a écrit la lettre, elle ne connaissait pas encore le sexe du bébé alors j'ai posé des hypothèses et j'en suis arrivée à la conclusion que c'est un garçon. Je ne connais pas la source de cette intuition mais c'est comme une évidence.

- Célia, il flaut qu'on parle, m'annonce-t-il gravement. Sérieusement.

Je le regarde droit dans les yeux m'éclipsant du cocon qu'est mon cerveau.

- Je ne parlerais pas devant elles.

Il lève les yeux au ciel puis se tourne vers Elise :

- Elise tlu pourrais nous laisser, s'il tle plaît.

Elle se lève et tend la main à la petite mais cette dernière a le regard rivé sur moi. La jeune femme se baisse pour la prendre dans ces bras mais est stoppée par Chimako.

- Je la garde avec moi. Je m'en occuperais bien, assure-t-il.

Elise s'en va la tête basse. La petite n'a bougé d'un cil durant ce petit désagrément. Je ne comprends pas pourquoi elle me fixe de cette façon.

Chimako m'appelle et je me tourne vers lui. C'est à ce moment-là que je me rends compte que je fixai aussi la fillette.

- Pourquoi tl'es partie en courant sans même m'en parler ! m'accuse-t-il.

- J'ai lu la lettre que ma mère m'a donné avant de... tu sais quoi !

- Ça ne tl'excuse pas plus qu'avant.

- Elle disait que j'avais un petit frère...

- Un petlit frère ? Tlu es sûre ? contre-t-il d'un ton ravageur.

- Bien sûr je sais ce que j'ai lu quand même ! criais-je.

- De ce que je sais, tla mère n'a pas un fils mais une autre fille.

- Ah bon ? J'avais pourtant le sentiment que c'était un garçon, elle ne l'avait pas dit clairement.

Je me sens tout à coup bête. J'étais convaincue que c'était un garçon, j'ai même crié sur Chimako alors que j'étais en tort. J'ai l'impression d'avoir les symptômes d'une bipolaire ! Je suis normalement maitre de moi-même, je contrôle ce que je dis. Je suis confuse d'être aussi désagréable Je pense que les derniers évènements étaient de trop, je n'ai déjà pas eu le temps de me remettre de mon mois et demi d'absence, ni du baiser entre Thomas et Annabelle et encore moins le fait qu'il me manque près de trois ans de ma vie. Je crois qu'il mérite des excuses, déjà pour mon intervention dans son esprit puis pour être partie sur un coup de tête et finalement pour mon ton désagréable.

- Chimako...

Il relève la tête vers moi. La petite fille est blottie contre lui et il lui caresse la tête.

- Je suis désolée... Je ne sais pas vraiment où j'en suis. Je crois que retrouver mes parents ne s'est pas passé comme je l'avais prévu et j'ai eu beaucoup trop d'informations à assimiler en si peu de temps. Je manque aussi de sommeil, je n'ai toujours pas dormi depuis les deux jours que nous sommes ici.

- Demain matlin, ça fera tlrois jours que nous sommes ici, Célia. Il faudrait que tlu tle reposes si tlu veux parltir.

Ce que j'aime avec lui, c'est qu'il ne rebondit pas sur ce que je peine à dire. Il m'écoute et reste à l'affût mais ne me questionne pas plus que ce que je lui dis.

- J'étouffe ici. Je veux partir, je marque une pause pour faire comprendre la gravité de mes paroles. Maintenant.

- Laisse-moi tle présenter quelqu'un avant, s'il tle plaît.

Je le regarde et lui intime de continuer. Il regarde la jeune fille puis pose de nouveau son regard sur moi.

- Elle s'appelle Lila.

- Chimako !! Il y a le feu dans l'entrée R !!!

Elise est entrée en furie dans la tente, sa respiration est haletante. Ses cheveux sont en bataille et ses joues sont rosies par l'effort qu'elle vient de faire. Elle ne fait pas attention à moi, j'ai l'impression d'être la plante verte de la pièce. Je ne la porte déjà pas dans mon cœur mais ce n'est pas une raison pour elle de se rabaisser en faisant semblant que je n'existe pas ! Je me décide alors à prendre les devants. Je pense à ma mère et lui adresse un message silencieux ; « c'est pour toi maman, je ne dirigerai pas cette communauté mais je ne la laisserai pas brûler. Je te dois bien ça. » Je me lève d'un bon et lui fais face :

- Tu penses que regarder amoureusement Chimako va aider ses pauvres gens ?! Occupe-toi de réunir de la nourriture, vous partez d'ici c'est trop dangereux.

Je me tourne ensuite vers Chimako une fois qu'elle est partie malgré un regard noir envers moi. Il ne me fit strictement rien, la vie des gens sont menacées, je n'ai pas le temps avec une gamine. Je me surprends moi-même, je ne pensais pas avoir autant d'autorité. Je suis assez fière de moi !

- Chimako, tu as des muscles, va aider les personnes en difficultés. Dirige tout le monde, et toi aussi, le prévenais-je, je te veux vivant dans moins d'une heure sur le versant de la colline donnant sur la forêt.

Il acquiesce de la tête et me demande :

- Tu fais quoi tloi ?

- Je vais sur le versant avec Lila et je dirigerai les personnes qui seront dehors.

Il acquiesce de nouveau. Il regarde la fillette et me dit :

- Prends soin d'elle.

Cette phrase sonne comme un écho dans ma tête. Elle fait monter des larmes que je chasse en secouant la tête. C'est cette même phrase qu'elle a prononcé avant de... voilà. Heureusement après avoir dit cette phrase, Chimako était parti sans se retourner. Il doit aider ses pauvres gens. Le côté positif est qu'il n'y a plus autant de personnes alors l'évacuation devrait se faire sans encombre.

Je prends la petite fille par la main puis m'accroupie à sa hauteur :

- Tu vas me suivre, d'accord ? On va sortir.

Je peux voir ses yeux bleu ciel, une lueur familière brille à l'intérieur. Un cri étouffé retentit de nouveau dans mes oreilles, je fronce les sourcils puis ferme mon esprit. Le cri s'éteint aussi vite qu'il est apparu. Cette petite fille a l'air spéciale, je me pencherai sur son cas plus tard.

Je me relève et serre plus fort sa petite main. Je m'arme de courage, souffle un bon coup puis par en courant.


Jusqu'où résister ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant