Chapitre 18

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Chimako part en direction d'un homme pour lui demander si les chefs sont disponibles, je suis restée à l'écart. Il est toujours en train de parler quand j'entends derrière moi une voix familière, je me retourne et reconnais les garçons que j'avais croisé à la lisière du bois. Le plus petit pleure en se balançant d'avant en arrière comme pour se calmer, et le grand est en panique et bouge dans tous les sens. Je vais à leur rencontre :

- Salut tu as besoin d'aide ?

- Non, non...

Le plus vieux des frères est dévasté, ça se voit sur son visage et je suis peinée de le voir de cette façon. Mue par je ne sais quelle force, je décide d'agir ; leurs paroles me reviennent à l'esprit, je ne peux les laisser. Si je peux aider quelqu'un parmi toutes ces personnes ayant besoin de quelqu'un il faut que je le fasse.

- Je vous ai vu tôt ce matin -

Un cri déchirant venant de derrière moi me coupe, j'ai l'impression d'être transpercée par cette douleur. J'essaye de trouver la source de ce cri mais je ne vois personne. Je me retourne vers le garçon, j'ai réussi à avoir son attention, il me regarde, empli de questionnements.

- Tu nous as vu ? dit-il septique.

- Je venais de la forêt et je suis tombée sur vous, toi et ton frère.

- Tu as entendu ce qu'on avait dit ?

- Oui...

J'ai honte de dire ça, dire que j'écoute les conversations des gens surtout qu'ils parlaient de leur père malade.

Il me prend la main et m'emmène dans une des petites cabanes faites en carton ou en taule. Il a une seule pièce et au fond de celle-ci repose un vieil homme les mains jointes avec les yeux fermés. Je comprends qu'il est décédé. Il me regarde puis prend la parole :

- Lorsqu'on est rentré après avoir coupé du bois, il était en train de succomber...

- Il est parti à cause ... de quoi ?

J'espère ne pas le froisser, j'ai juste de la peine parce que je sais très bien ce que c'est de perdre un parent et de se dire qu'on ne le verra plus.

- Les uniformes noirs ont mis des bombes de gaz à chaque sortie ou entrée de ces tunnels. Mon frère et moi n'étions pas là lorsque c'est arrivé mais beaucoup de personnes ont été touchées et beaucoup d'entre elles sont déjà mortes..., il marque une pause, sa voix est lourde quand il reprend. Ils commencent par perdre la tête, ils ne savent plus où se trouve certaines choses pour après ne plus nous reconnaître. Ensuite ils s'arrachent les cheveux, les ongles, hurlent à te transpercer le cœur puis manquent d'air et quittent ce monde.

Toutes ces dire ont été prononcés en murmurant, avec douleur à chaque mot exprimant les stades de ce qu'a traversé leur père. L'homme qui a hurlé me coupant lorsque je voulais parler avec le garçon, est donc à un stade avancé... J'ai mal pour ce jeune homme qui ne doit avoir que seize ans, je le prends dans mes bras pour le réconforter. Il passe ses bras autour de ma taille et je sens des larmes coulées sur mon épaule, ponctuées par des sanglots plus douloureux. Il se détache de moi et me regarde comme s'il voulait me demander quelque chose.

- Tu as des enfants ?

Des enfants alors que j'ai dix-sept ans ? Mais il est tombé sur la tête ! Je le regarde sans comprendre. En voyant ma confusion, il s'empresse d'ajouter :

- Tu es plutôt douée pour remonter le moral et tu as comme un instinct maternel.

- Non ! Je n'ai que dix-sept ans, voyons !

Jusqu'où résister ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant