Je me lève et fais face à ce groupe d'hommes. Je ralentis ma respiration, je suis plus productive lorsque rien ne vient troubler mon attention. J'entends mon cœur battre, il est solide avec le nombre de fois où j'ai cru le perdre. Je m'enfonce en moi-même tout en avançant face à la menace. Ma rage se consume depuis un moment, je pense qu'elle était déjà présente lorsqu'ils ont commencé à me torturer. Je retrouve peu à peu des bribes de souvenirs et le sentiment le plus fort est souvent la colère mélangée à de la peur. Les deux ne font pas bon ménage chez une adolescente prête à en découdre. Ils sont à peine à un mètre de moi. Ils ne m'ont pas reconnue, au fond de moi je sais que sinon ils n'auraient pas hésité à tirer comme maintenant. Je tends la main et touche le premier, lui fais oublier tous souvenirs de sa vie et lui fais perdre connaissance ; tout ça en à peine dix secondes. J'enchaîne avec le suivant. Je finis par en désarmer deux à la fois. Je me prends une balle dans le genou mais ma détermination ne flanche pas. C'est lorsqu'il en reste qu'un face à moi que la douleur se fait plus forte et me fait sortir de ma transe. Je m'étale au sol, suivi par un mal de crâne indescriptible. Des larmes chaudes coulent sur mes joues lorsque l'homme qui restait pointe le canon sur mon front. C'est aujourd'hui que je vais mourir. Il ne fait jour que depuis une petite heure et le soleil cogne déjà. Il abandonnera mon corps ici-même et me laissera être mangée par les bêtes sous une chaleur étouffante qui décomposera ma charogne. Je suis prête à partir, depuis le temps que j'attends ça. Il va mettre fin à la douleur, je n'aurai pas peur chaque jour que cette puce en moi me grille le cerveau. Chacun de mes mouvements ne me rappelleront pas les cicatrices qui recouvrent mon corps puisqu'ils ne bougeront plus. J'ouvre les yeux, mon visage est tordu par la douleur mais je ne flanche pas et le regarde droit dans les yeux. Je voudrais le remercier de mettre fin à mes souffrances mais aucun son ne sort. Je vois dans ses yeux une faille, je voudrais en profiter et m'en sortir mais est-ce que cela en vaut la peine ? N'est-il pas plus simple de se laisser exécuter ? Je calme ma respiration. Je veux mourir dans la sérénité.
Je reçois un coup de crosse sur la tempe et rencontre le sol dans un bruit sourd. Mon esprit se déconnecte. Je le sens qui veut se réfugier dans le néant, cette terre noire et sombre. Dans un dernier effort, je l'en empêche, si l'homme ne m'a pas tuée, je ne dois pas mourir.Quand j'ouvre les yeux, je suis dans une cellule. Les murs sont blancs, le plafond est blanc, la porte est blanche, les draps sont blancs, tout ce blanc me fait mal aux yeux. Je regarde mes mains, elles ne sont pas blanches — ça me rassure. Je m'assoie au bord du matelas, le sol est blanc. Le mur en face de moi se transforme, il devient transparent. Un visage familier m'observe de l'autre côté. Je cours et me fracasse contre la vitre bien trop rigide — comme dans mon souvenir — il me regarde avec une mine attristée.
- Michael ! Sors-moi de là ! Je ne peux pas revenir ici. Ils ne peuvent pas m'enfermer.
Il est surpris. Surpris que je prononce son nom. Surpris que je me souvienne de lui. Surpris. Je me laisse glisser contre la vitre et m'assoie au sol. Je sanglote.
- S'il te plaît...
- Le fait que tu te rappelles prouve que je peux encore moins le faire.
J'ai l'impression de revoir cette adolescente apeurée que j'étais, celle qui craignait leur action. J'ai maintenant 20 ans. Je suis une jeune adulte. J'ai vécu trop de choses depuis, ils ne me font plus peur. Me retrouver là anéanti tous mes efforts pour m'endurcir et me prouver que je ne suis plus la jeune enfant. Je ne pense plus correctement, j'ai peur. La peur obscurcit notre champs de vision et aujourd'hui ne fait pas exception à la règle. Je tremble. Ma conscience me fait croire que je tremble de peur mais mon inconscient tremble de colère, de haine. Une haine qui ne demande qu'à exploser. Je pensais que tuer tous ces Attrapeurs me libérerait du poids qui m'encombre. Cependant c'est le contraire, j'ai ouvert les vannes et je n'arrive pas à les refermer.
Je sèche mes larmes d'un geste rageur après avoir réfléchi et rassemblé mes efforts pour trouver la force de continuer. Pendant ce temps, Michael m'avait parlé mais je ne l'écoutais pas. Maintenant il n'est plus assis sur la banquette qui fait face à la vitre. Je me plante devant la porte et tambourine à cette dernière. Un homme — le même qu'auparavant — avec des gants et une combinaison m'ouvre, son compagnon est en retrait avec son arme braquée sur moi. En une fraction de seconde, j'entre dans l'esprit du complice en retrait. Lorsque je ne touche pas la personne, je puise plus dans mes forces et prends un peu plus de temps. Mais ça vaut la peine, je dois sortir. L'homme me faisant face n'a pas le temps de se rendre compte de quoi que ce soit avant que je pose ma main sur son avant-bras. Il sourit vainqueur croyant que je suis la même fille fragile mais s'il n'est pas mort c'est seulement parce que je l'ai décidé. Je le fais s'oublier dans la foulée avant de partir en courant. Je ne sais pas où je vais mais je fais confiance à mon instinct, il m'a toujours plus ou moins guidée. Je parcours les couloirs qui se ressemblent tous. J'ai peur, mes pieds s'emmêlent et je trébuche plus d'une fois. J'ai le souffle court et un point de côté. J'ai les muscles de mon cou contractés, les mains qui serrent et desserrent l'air. Mes pieds martèlent le sol malgré mes efforts pour faire le moins de bruit possible.
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Jusqu'où résister ?
Ficção CientíficaDans un monde où les Hommes ont le contrôle sur la génétique. Dans un monde où Ils supervisent les naissances pour ne créer que des personnes similaires avec le même physique et des pensées réduites, respectant les règles strictes de la société qu'I...