Chapitre 17

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- Tlu as quel âge ?

Chimako brise le silence par cette question simple mais qui a l'air de le mettre mal à l'aise. Ça fait maintenant dix minutes que nous marchons dans les rues de cette ville mais aucun de nous deux n'a osé prendre la parole.

- J'ai dix-sept ans et toi ?

- Tu palrais beaucoup plus vieille ! Je t'aurlais donné le même âge qlue moi : vingt ans.

- C'est que mon visage porte à confusion ! Je pense que les épreuves que j'ai enduré ces derniers mois m'ont beaucoup vieillie...

- Je suis désolé Célia, ça n'a pas dû être facile...

- Tu n'as pas à l'être, tu n'es pas responsable de mon malheur mais j'apprécie ta compassion.

Un autre silence s'installe. A voir comment Chimako se déhanche, il doit être mal à l'aise croyant que c'est sa faute. Je n'ai pas envie de relancer la conversation, je suis bien dans ce silence. J'ai l'impression que rien ne peut m'arriver tant qu'il est présent, c'est un peu comme mon ange gardien. Ces derniers temps, je crois avoir passé plus de temps sans parler que dans le bruit ; ça doit être pour ça que je ne supporte pas la foule et tous ces bruits parasites.

- Tu serais prêtle à en parler ? Peut-êtlre que ça tle libèrelrait ? ose-t-il après plusieurs minutes.

- Je ne sais pas... Je n'en ai jamais parlé, les gens qui étaient avec moi savaient ce qui se passait dans cette enceinte mais ils n'ont jamais su ce qu'il m'arrivait lorsque j'étais seule.

- Tu étlais où ?

- Dans un bâtiment derrière la forêt, ils sont une centaine là-bas et j'ai réussi à me sauver, je marque une pause, dois-je lui en dire plus ? Je n'ai réussi que grâce à la minorité du personnel. D'après Lukas, c'était depuis que j'étais arrivée.

Il ne rajoute rien et nous continuons notre chemin. Face à nous, une grande avenue se déploie. Je m'arrête, c'est beaucoup trop dangereux de marcher au milieu des gens, ces personnes « normales ». Il remarque que je ne le suis plus et se retourne pour me sourire doucement.

- On vla se fondre dans la masse, il ne va rien nous arrivler, ne t'inquiètles pas. Pour rejoindre les autlres, il n'y a qu'un passage.

Tout en parlant, il s'était rapproché, chaque seconde il faisait un pas, puis il me prit la main. J'étais pétrifiée de peur mais je le suivis quand même. Je sais que je peux lui faire confiance.

Durant notre progression, j'avais les mains libres et je ne savais quoi en faire. Les gens nous regardaient de travers, Chimako n'avait pas l'air gêné soit parce qu'il ne faisait pas attention ou peut-être que les vieillards ne regardaient que moi. J'aurais préféré avoir mon arme avec moi mais pendant ma course folle pour fuir à mes assaillants, j'avais perdu toute notion du temps et toute mon attention était sur le paysage dangereux alors je crois que mes tendons se sont débarrassés d'elle contre mon gré. Je ne sais pas quand je retrouverais une arme et je ne pense pas qu'on m'en donnera une facilement vu le massacre que je ferais avec. Je me suis fait une autre promesse – que j'espère tenir – celle de ne plus me servir d'une arme à feu pour tirer sur des gens sauf si ma vie en dépend ce qui était déjà le cas la dernière fois. Mes parents ne voudraient pas que je vive avec d'autres morts sur la conscience comme les dirigeants de ce gouvernement.

Nous nous mêlons à la foule, ma respiration se fait difficile. Ma vue se brouille, heureusement, le bruit strident ne siffle pas. Je compte dans ma tête, pas plus de cinq minutes. Je ne dois pas dépasser le temps. Je serre fort la main de ce garçon et il dirige son regard vers moi. Il murmure que c'est bientôt fini. Je le crois. Nous bifurquons un peu sur la gauche entre le mur et la foule. A un mètre de nous, une trappe est au sol. Chimako se dirige vers cette dernière et la soulève, il me fait signe d'entrer. Je ne perds pas une minute et saute dans le trou jusqu'à atterrir dans les égouts. Mes pieds rebondissent dans la flaque, mouillant le bas de mon pantalon. Chimako saute à son tour et arrive à mes côtés m'éclaboussant à son tour. Je le regarde indignée et il me sourit avec malice en se moquant de moi. Je n'avais pas fait attention à son visage mais il est plutôt beau garçon. Un sourire franc, des yeux rieurs mais lorsqu'ils se posent sur toi, on n'y voit beaucoup de respect. Je pense que les femmes que j'ai rencontré dans la boutique sont celles qui l'ont élevé ; il doit alors avoir du respect pour ces femmes et donc pour chaque femme qu'il rencontre. Ce n'est pas souvent que l'on croise quelqu'un comme lui. Dans ce monde totalement détruit et tyrannique, les gens se créent une carapace qui fait qu'ils ne sont plus ouverts ni même respectueux. Tu te sens rapidement seul et tu dois à ton tour te créer cette carapace. Ce symptôme est pire qu'un virus contagieux où aucun remède ne fonctionne, il se propage à vitesse grand V et il n'y a aucun retour en arrière.

Dans les égouts où nous avons atterri avec toute notre grâce, une odeur nauséabonde prend de plus en plus d'ampleur à mesure que nous nous enfonçons dans ce nouveau dédale. Je ne parle pas de la boue remplie de mixture, plus louche les unes que les autres par leur composition, qui fait office de ruisseau dans ces égouts. Des carcasses de rats traînent sur les côtés du liquide alors je ne sais pas où marcher. J'exerce donc des petits pas dans différentes directions pour éviter tous ces déchets, ce qui fait sourire la personne m'accompagnant qui marche à son aise comme s'il avait l'habitude.

- Tu es déjà venu ici ?

- Des milliers de flois ! On s'y fait ne t'inquiètle pas.

- J'espère... Tu venais y faire quoi ?

- Je suis né ici... C'est souvlent ici que se déroule les accouchements et je suis chargé d'emmener les personnes comme toi. Les femmes avec qui je vlis non plus la florce de flaire ce chemin et sont souvent abordées, c'est alors à l'homme de le flaire, m'explique-t-il avec une pointe de fierté.

- Je ne suis pas la seule avec qui tu as fait ce trajet ? demandais-je légèrement déçue.

Je n'ai pas voulu faire apparaître la déception dans ma voix mais je n'ai pu la retenir. Maintenant, il s'est arrêté et me regarde avec intensité. Je me sens mal, je crois que mes joues ont pris la couleur des tâches de sang souillant les murs. Je tourne la tête et continue mon chemin avec un pas soutenu l'obligeant à passer outre de ma remarque et de me suivre. Il reste en arrière sûrement cogite-t-il sur mon intervention. Je ne peux pas me tromper sur le chemin à suivre et heureusement, j'aurais été mal de devoir lui faire face. Cet unique chemin mène à une sorte de hall où des dizaines de baraquements sont à la suite. Ils sont souvent fabriqués grâce à des cartons ou de vieux tissus ainsi que de plaques de métal. L'odeur nauséabonde prend sa source ici et attaque durement mes narines me provoquant des nausées. Je pars en courant dans un coin où je déverse seulement de la bille ; je n'ai toujours pas plus mangé. Quelqu'un me prend les cheveux pour me permettre de ne pas les avoir devant le visage et cet évènement me rappelle un mauvais souvenir alors je me redresse rapidement et émets un mouvement de bras pour éloigner cette personne. Alors que je m'apprête à me défendre d'une manière assez brusque, je reconnais Chimako. Je me précipite vers lui en bredouillant des excuses.

- Ne t'inquiètle pas, Célia. Je ne voulais pas tl'effrlayer.

Il se tient la joue, j'ai dû le frapper assez fort parce qu'il a une marque rouge.

- Non, c'est moi, m'excusais-je une énième fois, la dernière fois que quelqu'un a fait ça, ça ne sait pas très bien fini.

Il pose son regard qui me traverse de long en large à chaque fois avec un sourcil levé m'incitant à continuer. Je toussote et déglutie avant de prendre la parole.

- Un homme d'une quarantaine d'années a voulu que je le remercie après m'avoir tenue les cheveux alors que je déversais mon estomac mais je lui ai tenu tête.

Il comprend tout de suite les sous-entendus dans ma phrase et me regarde avec compassion et surprise.

- Tu es surpris ?

- Assez, tlu tl'en es sortlie indemne, c'est rare !

- Je suis une sur-femme, tu sais ! m'exclamais en riant.

- Ça ne m'étlonne pas, continue-t-il en riant.

Je commence à vraiment m'éprendre pour ce jeune homme avec les yeux légèrement plissés accompagnés de rides de sourire d'une couleur noisette dont on se détache difficilement. Ses cheveux marrons assez longs lui entoure parfaitement le visage d'une teinte café au lait.

- On doit y aller, Célia, commence-t-il, tlu es prêtle ?

Je réponds par un hochement de tête positif et nous reprenons notre parcours. J'espère que je ne ferais pas mauvaise impression aux chefs et qu'ils voudront me renseigner.



Jusqu'où résister ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant