Chapitre 33

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Nous courons entre les branches, la mousse nous faisant glisser et les racines trébucher. Alors que j'avais eu encore une absence, Chimako avait entendu du bruit et avait rangé notre campement pour nous enfuir. Lila faisait le guet et écoutait attentivement pour prévenir Chimako au moindre bruit suspect. Pendant ce temps, l'homme que j'aime avait voulu me réveiller pour que nous partions mais il a eu le malheur de me toucher faisant éclater un cri de tristesse mélangé à de la peur et de la colère qui venait de ce que me faisait ressentir ma vision.
Lila a couru vers Chimako puisque les hommes qui nous traquent m'ont aussi entendue.
Chimako n'avait plus le temps de réfléchir, dans un premier temps il me secoue pour me réveiller mais voyant que je continue d'hurler, il me soulève tout en mettant un tissu dans ma bouche pour que le cri se taise.

C'est pendant sa course folle en silence que je me suis réveillée — enfin. Alors qu'il était posé contre un arbre pour reprendre son souffle, j'ai pris l'initiative de le soulager du poids du sac. Il n'aura qu'à s'occuper de Lila — ma petite sœur.
Nous courons donc, je ne suis pas celle qui guide notre groupe — mon esprit est trop embrouillé — j'assure les arrières de Lila et Chimako. C'est dans ces moments que je regrette de ne plus avoir mon arme à la main. Celle qui épousait à la perfection mon index.

Un autre souvenir me revient :

-     Ne bouge pas. Ne BOUGE pas. Pourquoi as-tu tiré ? POURQUOI ?

-     Ils sont mauvais.

-      C'était mon seul ami ! Le SEUL !

-      C'est aussi lui qui t'as fait ce coquard ?

Je ne peux en supporter plus. Il a tiré sur lui, j'aurais dû prendre pour lui. De plus, il ose évoquer mes blessures physiques. Je ne réfléchit plus, je l'ai entre les mains, je le tiens en joue. Il ne me lâche pas des yeux. C'est alors, les yeux dans les yeux que je tire, la force du tire me fait reculer de quelques pas. Il est étalé au sol, les yeux révulsés. Je devrais être horrifiée mais je ne ressens rien ; je devrais laisser tomber l'arme au sol mais je trouve sa chaleur rassurante.

Lorsque ma vison se fait moins trouble, j'évite une branche à la dernière minute.
Je pense que je suis malade. Comment je peux penser ce genre de chose ? Peut-être que j'ai tiré sans aucun problème sur ces gardes pour me sauver du baraquement mais ce n'était qu'une question d'autodéfense. J'étais en danger. Pourquoi je me trouve des excuses ? J'ai tiré un point c'est tout. Est-ce que j'ai aimé ? Franchement je ne sais pas. Je l'ai fait sans réfléchir comme une deuxième nature. Est-ce plus grave ?
Plus je passe de temps loin de tout ce que j'ai connu avant plus je retrouve des bribes de mon passé. J'ai l'impression que retrouver la mémoire n'est pas si bon. En revivant les moments de ma vie que j'avais oublié, j'ai l'impression de découvrir une autre personne.
Je ne peux pas plus décortiquer la chose puisque j'atterris contre le dos de Chimako. Celui-ci se tourne et me prend par la main.

-    On les a semé, regarde comme c'est beau.

Je regarde devant moi. Le soleil au loin qui se lève — nous avons couru toute la nuit ? — au loin je vois quelque chose briller. J'avance entraînant les deux personnes derrière moi. Plus j'avance plus je me trouve face à quelque chose d'abstrait. Chimako me tire vers le sol et nous nous cachons derrière un buisson.

-    Tu n'as pas entendu ni vu le camion qui arrive ? Me chuchote-t-il.

Je secoue la tête négativement. J'essaye d'observer mais Chimako me garde la tête baissée, il a raison nous pourrions être vu et je ne le veux pas — surtout pour Lila et lui — mais je n'arrive pas à assouvir ma curiosité je veux voir ce qu'il se passe. Puis je l'entends :

Jusqu'où résister ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant