Chapitre 21

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J'entends crier derrière moi. Ce cri vient du côté par lequel mon père est parti. Je me lève laissant ma mère. Mon père a toujours compté pour moi. S'il est aux derniers instants de sa vie, je me dois d'être à ses côtés. Ma mère n'a pas l'air de s'être rendu compte qu'il n'était plus là. Ils ne s'aiment peut-être plus, elle est donc indifférente à sa mort.

J'ai dû mal à y croire, mes parents se sont toujours aimés, lorsqu'il arrivait quelque chose à l'un des deux, l'autre le ressentait aussi. Ils se sont toujours soutenus et étaient fusionnels.

A l'âge de six ou sept ans, j'essayais, par simple jeu, de les monter l'un contre l'autre. C'était, bien sûr, un échec à chaque fois. J'en venais à désespérer puis me dire que j'avais de la chance ; j'aimais mon père, ma mère mais je les aimais encore plus lorsqu'ils étaient ensembles. J'étais contente que mes essaies ne marchent pas, j'aurais été très triste de savoir qu'ils étaient énervés et ne s'aimaient plus. J'aimais par-dessus tout être entre eux deux et profiter de l'amour de chacun.

J'avais discuté un jour dans le jardin avec mon père après que ma mère se soit beaucoup énervée lorsqu'elle avait appris que je le faisais exprès, de les monter l'un contre l'autre. C'était deux jours après la tornade maman, elle était à son travail – celui où elle partait une semaine par mois. Je n'avais que sept ans alors elle m'impressionnait encore plus par ma petite taille. Elle était tellement furieuse qu'elle était devenue rouge de colère, elle ne m'avait pas disputée ni même parlée, elle m'avait envoyée dans ma chambre et je ne l'avais pas revue. Nous n'avions pas mangé ensemble, elle n'était pas non plus embrassée avant de partir. J'avais alors eu du mal à dormir. Elle avait réussi à me punir sans crier et sortir de ses gondes, malgré la fine paroi qui menaçait de craquer.

Je me souviens de la discussion avec mon père comme si c'était hier, il m'avait appris que les couples d'avant se séparaient parce qu'ils ne s'entendaient plus. Lorsque les deux grandes personnes prenaient cette décision, c'était parce que ça n'allait plus du tout. Les enfants – s'ils en avaient – étaient obligés de vivre dans deux maisons, une avec leur mère et l'autre avec leur père. Certaines fois, même, les parents refaisaient leur vie respectivement avec une autre personne. Alors cette personne était pour l'enfant soit sa belle-mère, soit son beau-père. Mon père m'a expliquée que ce n'était pas facile de vivre de cette façon, les enfants pouvaient avoir envie d'être avec leur mère quand ils étaient chez leur père et vice versa. Il a alors terminé en me disant que je n'aimerais pas vivre de cette façon, que ce serai beaucoup trop dur pour une petite fille comme moi. Il avait raison, il a toujours raison. J'aime et j'ai toujours aimé mes deux parents ensemble et non séparément.

J'aimais lorsque mon père se posait sur les marches derrière la baie vitrée puis attendait que je le remarque et que je vienne m'assoir à ses côtés. Dans ces moments, il me faisait une leçon de vie ou alors il m'apprenait quelque chose de l'ancienne époque, celle où le gouvernement n'était pas aussi tyrannique. En général, la leçon de vie se faisait ressentir par le biais d'un évènement se déroulant dans le passé.

Le fait que les adultes se séparaient dans l'ancienne temps m'avait marquée – encore aujourd'hui je m'en souviens, donc c'est pour dire. J'avais toujours eu des questions à ce sujet que je n'osais pas poser. Ce n'est qu'à treize ans que j'ai trouvé le courage de le faire. Je grandissais et me posais des questions sur ma vie d'adulte. Trouverai-je un mari comme mon père ? Aurai-je une maison comme la mienne ? Tout un tas de question sans réponse.

C'était alors à mon tour de me poser sur les marches devant la baie vitrée. Ma mère était partie la veille, je me levais alors tôt lorsqu'elle n'était pas là ; faute de ne pas réussir à dormir. Je m'étais fait faire un chocolat chaud, il faisait frai alors je réchauffais mes mains contre la tasse brulante. Jusqu'à l'arrivé de mon père, je n'ai fait que réfléchir à ce sujet, retournant les questions dans tous le sens et en ajoutant lorsque cela se présentait. Je commençais à perdre espoir quand il pointa le bout de son nez, je n'ai toujours pas compris comment il faisait pour rester sûrement des heures sur les marches sans broncher. Il se posa à ma gauche, en le voyant faire cela, j'ai compris que ces marches, il les avait apprivoisées. Il les connaissait par cœur. Il n'avait pas l'air surpris lorsque s'assit, et encore moins lorsque je lui posai ma première question. Je n'étais pas non plus surprise, mon père a toujours su me comprendre et il avait comme un sixième sens pour sentir mes sentiments.

Jusqu'où résister ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant