Chapitre 5 (3/3): En route vers Chalais

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Le lendemain matin, comme la veille, il réveilla Oscar puis alla toquer à la porte d'Éléonore. Comme la veille, la jeune femme était assise à son cabinet de toilette, mais, cette fois, elle portait la robe blanche qu'elle avait à la cour.

— Bonjour, dit alors Surcouf, je vois que vous êtes réveillée.

— Bonjour, Surcouf.

Éléonore le regarda dans le miroir.

— Je vous ai entendu jouer, hier. C'était très beau.

Surcouf comprit alors que la robe qu'il avait vu s'évaporer en haut de l'escalier était la chemise de nuit qui traînait encore sur le lit de la jeune femme.

— Merci, répondit-il gêné. Avez-vous besoin d'aide ?

— Oui, s'il vous plaît, pouvez-vous serrer mon corset ?

Le corsaire s'exécuta, tentant de concentrer son regard sur le laçage du vêtement plutôt que sur les épaules délicates qui s'offraient à sa vue. Il sentait le regard pensant d'Éléonore à travers le miroir.

— Vous jouez magnifiquement bien. Où donc avez-vous appris à jouer du piano comme cela ?

— Lorsque j'étais jeune, mon père, qui était un grand mélomane, nous a incités à jouer d'un instrument de musique, dès notre plus jeune âge, à ma sœur et à moi. J'ai adoré le clavecin, au début puis, quand le piano s'est développé, j'ai opté pour cet instrument, préférant sa sonorité et son étendue plus grande, dans les octaves. J'en avais un à bord de mon navire, laRecouvrance. Mais il aura surement coulé avec le vaisseau, malheureusement. Vous aimez la musique ?

— J'adore. Il y a une époque où je parcourais des kilomètres pour aller à des concerts. A Vienne, j'ai eu la chance de rencontrer le jeune Mozart. Un véritable prodige !

Une fois sa robe blanche lacée dans le dos, Surcouf laissa Éléonore à sa toilette et descendit deux de ses trois valises dans la cour, profitant de l'occasion pour estimer où en était la préparation de l'équipage. La diligence était déjà sortie et le cocher était occupé à harnacher les chevaux. Oscar l'aidait tandis que Cebus, comme à son habitude, jouait au cavalier sur le cheval de tête. Encore une fois, le postillon les accompagnait jusqu'au prochain changement d'attelage. Une grosse journée les attendait jusqu'à leur étape nocturne, mais il était encore tôt et ils auraient le temps de pousser jusqu'à Mâcon, si le temps était favorable. Ils se mirent en route et allèrent bon train toute la matinée.

Ils avaient passé Châlons-sur-Saône vers seize heures trente, et il restait encore douze lieues, soit environ quatre heures de route avant Mâcon. La diligence avait pris du retard au relais à Autun, à cause d'un harnais récalcitrant et ils étaient désormais dans la fourchette critique de temps. S'ils allaient jusqu'à Mâcon, ils gagneraient une demi-journée de voyage et dépasseraient Lyon le lendemain, mais, ils risquaient de devoir affronter la nuit au moindre retard, et avec elle les dangers d'une telle route dans l'obscurité. Surcouf préconisa la prudence, mais l'insistance d'Éléonore les conduisit à poursuivre avec des chevaux frais. En effet, les chevaux étaient rapides, et rattrapant leur retard, ils ne doutaient plus d'arriver à l'heure, mais c'était sans compter sur le mauvais état de la chaussée. A dix-huit heures, peu avant d'atteindre Tournus, au détour d'un virage à l'aveugle, la diligence croisa un troupeau de vaches qui traversait la route pour se rendre à l'étable. Le cocher fit une violente embardée pour éviter la collision avec les bovins, ce qui propulsa la diligence sur un énorme rocher qui bordait la route. Crac ! La roue arrière gauche s'envola dans un bruit de bois brisé, et la voiture se coucha sur le côté. Les chevaux s'arrêtèrent en hennissant et tous les passagers, heureusement sains et saufs, descendirent pour apprécier les dégâts. La roue arrachée tournait sur elle-même au centre de la route, et l'essieu qu'elle avait quitté était bien abimé d'avoir frotté sur le sol.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant