Chapitre 12 : L'île de la Tortue (2/3)

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Le chemin de chèvre dont parlait le sous-marinier était vraiment étroit, et le mal des hauteurs reprit Oscar au cours de l'ascension, alors qu'ils cheminaient sur une sente escarpée au-dessus du vide. Le village surplombant la colline était des plus étonnants : les constructions n'avaient pas grand-chose à voir avec des maisons traditionnelles, et l'on voyait que chacun y allait de son originalité, mais l'ensemble était étonnamment cohérent, et l'univers dans lequel ils furent plongés avait l'air d'être sorti tout droit d'un voyage dans le temps. Presque chaque maison avait une roue à vent qui alimentait des mécanismes et des rouages aux utilités différentes : qui à imprimer au soufflet de son four un mouvement perpétuel, qui à pomper l'eau d'un puit, qui à gréer un mât par la seule force de cette hélice poussée par le vent. L'un d'entre eux avait même construit une étonnante machine volante. Tuba les mena dans la maison qui était la plus proche de la falaise, au bout du village.

— Les deux personnes qui habitent ici sont des jumeaux, Tag et Heuer. Ils sont spécialistes des navires. Ce sont leurs ancêtres qui ont compris que l'utilisation de poulies doubles ou triples permettait, en multipliant le nombre d'allers et retours d'un bout entre deux poulies, de diviser d'autant la force nécessaire à soulever une charge. Allons leur rendre visite !

Ils entrèrent dans la petite masure aux murs de chaux et au toit de chaume des jumeaux. Ils s'attendaient à les voir embarqués dans quelque construction extravagante, mais les deux hommes d'une trentaine d'années étaient simplement attablés à boire le thé.

— Tuba ?!? Ça fait des lustres, s'exclama Tag lorsqu'il reconnut le visage de son ami. Qu'est-ce que tu deviens ? La dernière fois que l'on s'est vus, tu me parlais d'un bateau capable de rester immergé pendant des heures.

— Oui, le Nautilus, ma fierté personnelle. Mais bon, on peut dire que ma dernière sortie en mer a mal tourné, et sans le secours de Surcouf et ses amis, c'en était fini du vieux Tuba, répondit-il. As-tu déjà entendu parler du capitaine Surcouf ?

— Évidemment, répondit Heuer. Surcouf, le légendaire corsaire, le fameux héros...

— ... de la bataille de Batabano, conclut le corsaire, visiblement boudeur. Oui, on connaît la chanson. Ravi de faire votre connaissance.

— Je suis Tag, et voici Heuer, répondit le susnommé.

— Nous sommes jumeaux, répondit l'autre.

Bien que jumeaux, les deux frères ne se ressemblaient pas pour un sou. Si Tag était petit et râblé, Heuer était grand et maigrichon. Si le premier avait des yeux marrons et une barbe broussailleuse, le second avait une barbe d'une semaine surmontée d'une moustache à la française qui lui donnait l'air d'un mousquetaire.

— Le capitaine cherche à former un équipage expérimenté, et pour cela, il a besoin des meilleurs. Alors, j'ai tout de suite pensé à vous.

— Ça, c'est sûr, nous nommes les meilleurs, répondirent les jumeaux d'une seule voix.

— Pour quel genre d'équipée formez-vous un équipage ? demanda Tag.

— Et quel sur quel navire naviguerons-nous ? demanda Heuer.

Surcouf fut bien embêté de devoir concéder de nouveau qu'il n'avait pas de navire.

— Eh bien, j'ai été chargé par le Roi de France, Louis, de partir à la recherche du trésor des Bénédictines.

— Le trésor des Bénédictines ? S'émerveilla Heuer. On raconte qu'il est immense.

— Mais, vous avez la carte ? demanda Tag.

— Oui, il a la carte, répondit Azimut.

— Bien, poursuivit Heuer, mais si c'est le roi qui vous demande de trouver ce trésor, comment les répartitions se feront-elles ? Personnellement, je ne compte pas travailler pour la couronne, ni celle de France, ni aucune autre, et encore moins gratuitement.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant