Chapitre 21 (2/3): Le cap de Bonne Espérance

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— Bien. Montez dans vos chambres, maintenant, et laissez-vous faire. Ce soir, c'est moi qui paye pour vous, mais je peux être certain que dès que nous descendrons dans un port, d'ici à Djibouti, vous vous ruerez vide votre bourse dans tous les bordels que vous trouverez.

Une fois les garçons disparus, Rasteau prit un ton solennel et s'adressa aux pirates qui l'entouraient.

— Maintenant que les garçons sont partis, passons aux choses sérieuses. Dents-Longues ?

— Oui. Voilà. J'ai longuement discuté avec Rasteau, pendant nos nuits de quart, et nous sommes tombés d'accord sur un point, Surcouf ! La façon dont il gère cet équipage ne nous plaît pas du tout. Et comment ! Il dit être sur la piste du Trésor des Bénédictines, mais il ne nous donne aucune information, et, pour être honnête, j'ai l'impression que lui non plus ne sait pas vraiment où il nous emmène ! Djibouti, non mais franchement, qu'est-ce qu'on peut bien trouver dans ce trou perdu ? Et puis, je n'aime pas l'idée de devoir reverser une partie du trésor que NOUS aurons trouvé à la couronne de France. Si nous avons, tous autant que nous sommes, quitté nos confréries respectives, ce n'est pas pour être redevables à qui que ce soit, et encore moins à un pays qui, depuis des années, nous pourchasse et nous traite comme de la vermine. Non mais vous l'avez vu par vous-même ! Il s'approprie notre argent et réquisitionne cinquante pour cent de nos gains pour subvenir à nos besoins. Cet homme se prend pour qui ? Un banquier ? Je pense que nous devrions avoir le choix, et pouvoir disposer à notre guise de l'argent qui nous appartient, et, s'il faut nous ravitailler, parfait, nous prenons d'assaut un navire marchand, comme nous l'avons toujours fait, toute notre vie. Qu'est-ce que vous en pensez ?

— C'est vrai ! dit Törmund.

— Il a raison ! renchérit Amund.

— Mais... que comptes-tu faire, demanda Singh. Le provoquer en duel ? l'assassiner ?

— D'abord, je veux que vous sondiez les autres membres de l'équipage, reprit Rasteau. Il nous faut savoir qui est de notre côté. Puis, lorsque le moment sera venu, et que Surcouf aura déçu la plupart des pirates qu'il a engagés, Dents-Longues défiera son autorité, et nous prendrons le contrôle du navire. A nous le trésor des Bénédictines, acheva-il en portant un toast.

Le lendemain matin, Mircea retrouva Oscar dans la salle commune de la taverne, attablé avec Singh autour d'une tranche de lard, d'un quignon de pain, et d'un grand verre de lait de chèvre. Le beau garçon brun avait des poches sous ses yeux verts, témoin de la courte nuit qu'il avait passée.

— Joyeux anniversaire, lui dit Singh en se levant, quittant la table pour laisser les deux adolescents en tête à tête. Tiens, régale-toi, ajouta-elle en lui tendant une assiette.

Ils déjeunèrent sans dire un mot, se lançant des regards en biais à intervalles réguliers. Finalement, c'est Oscar qui décida de rompre le silence.

— Alors ? C'était comment ? demanda-il à son ami.

— C'était... bizarre. Et toi ?

— Humide, répondit Oscar. Je n'ai pas vraiment aimé. C'était une fille à peine plus âgée que moi, et l'on sentait dans son regard qu'elle ne prenait aucun plaisir à le faire. Et puis, ça n'a pas duré longtemps. Et toi ?

— Moi non plus, ça n'a pas duré longtemps. Du moins, la première fois.

— La première fois ? demanda Oscar.

— Oui, la première fois. C'était une femme d'une trentaine, quarantaine d'années. Plutôt jolie. Quand elle m'a vu, elle a tout de suite su que c'était ma première, enfin, je veux dire, ma première fois. Elle m'a dit « toi, mon petit, je vais m'occuper de toi, et bien ». Et c'est vrai qu'elle s'est bien occupée de moi. Quand ça s'est terminé, elle m'a demandé si je voulais qu'elle parte ou si je préférais qu'elle reste encore un peu. Nous avons parlé, puis nous avons recommencé. Elle savait vraiment bien s'y prendre, et je lui ai demandé de rester pour une troisième fois.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant