Chapitre 22 (3/3): La fuite de Mossel Bay

34 2 0
                                    


De son poste d'observation, caché dans les bois surplombant les falaises à l'Ouest de la ville, Phaïstos regarda la silhouette du Surprise s'éloigner à l'Est, tandis que le soleil jetait sur la frégate ses rayons orangés. Revenant sur ses pas, il emprunta le sentier qui l'avait conduit jusque-là, et retrouva ses compagnons de route, assis en cercle en train de jouer aux dés. Surcouf, resté à l'écart de la petite troupe, s'avança vers le Bonefray.

— Ça y est ? Ils sont partis ?

Le pirate muet acquiesça.

— Parfait. Zélia ne devrait plus tarder. Dans un ou deux jours, au maximum, nous devrions remonter sur le pont du Renard, camarades ! adressa-il à la cantonade.

— Il était temps, grogna Andy. Je commence à en avoir assez de piétiner sur la terre ferme. Je n'arrive pas à fermer l'œil de la nuit, sans le doux bruissement du clapot sur la coque. Le roulis me manque, tout comme le ragout de Rasteau.

— Moi aussi, renchérit Singh. Le Renard me manque. Ce n'est pas le plus fier vaisseau sur lequel j'ai navigué, mais il a une sorte de caractère, d'âme, qui me touche. Chaque poutre, chaque vergue, chaque poulie semble avoir été imprégnée de l'histoire de ce petit cotre, et l'ensemble forme une sorte d'harmonie rassurante.

— Oui, enfin, quelque harmonie que ce soit, elle a été rapidement brisée par les boulets de Calloway, répondit Andy. Il s'en est fallu de peu que notre mât ne finisse dans les eaux glacées de la Baie de la Table, sans le secours de Törmund et d'Amund. Je me demande bien comment ils ont pu faire pour réparer le mât brisé.

— Je ne doute pas que Tag et Heuer aient redoublé d'ingéniosité pour rendre au mât du Renard de sa superbe, répondit Surcouf.

— Et ils auront trouvé un moyen de lui apporter quelques améliorations, à n'en pas douter, ajouta Singh. Capitaine, vous avez fait le bon choix, de garder ces deux-là.

— J'espère bien, répondit Surcouf, pensif. Allez, prenez du repos, maintenant. Je vais prendre le premier tour de garde. Si Zélia a eu vent du départ de Calloway et que l'équipage a eu le temps de réparer le Renard, ils devraient arriver dans la journée de demain.

En effet, le lendemain, en fin d'après-midi, un petit navire aux voiles familières fit son apparition à la pointe Ouest de Mossel Bay. Le Renard abattit ses voiles une à une avant de s'amarrer au petit quai de la ville portuaire. Les cinq compagnons qui avaient fait le trajet à cheval se précipitèrent vers le navire afin de découvrir ce qu'il était advenu du reste de l'équipage, Surcouf en tête, pressé de découvrir ce que la pleine lune avait révélé à Azimut sur le secret de la carte des Bénédictines. Il traversa à grandes enjambées la passerelle à peine installée par Hippolyte et Mériadec et fonça vers sa cabine pour y retrouver la navigatrice. Il la trouva, comme à son habitude, penchée sur ses cartes, marmonnant d'étranges formules en manipulant ses instruments de navigation.

— Alors ? demanda Surcouf ? La carte ! qu'est-ce qu'elle a révélé ?

— Pardon ? demanda-elle du même ton éthéré qui lui était habituel.

— La carte, répéta Surcouf. La carte des bénédictines ! La pleine lune, le message !

— Ah. Oui... la carte... Et bien non. Pas de message.

— Comment ça ?

— C'est-à-dire que... l'orage était si fort, on n'y voyait rien, et la lune était cachée par les nuages, alors... la carte est restée muette.

— Sacrebleu, jura Surcouf. Qu'allons-nous faire ? Comment vais-je arriver à tenir mon équipage si je n'ai pas de but à leur opposer ? Arriverons-nous à Djibouti avant la prochaine pleine lune ?

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant