Quelques minutes plus tard, Tom tambourina à la porte.
— John, ouvrez-vite, il y a quelqu'un pour vous, c'est urgent !
— Plus tard, Tom, répondit Essex, le souffle court, je suis occupé et j'ai d'autres chats à fouetter.
Une voix grave se fit entendre derrière le jeune garçon.
— Ça suffit, petit, laisse-moi entrer.
BANG. L'aubergiste ouvrit la porte de la chambre d'un grand coup de pied et tomba nez à nez avec John et sa femme, nus, dans une position des plus compromettantes.
Il se rua sur les deux amants, saisit un tabouret, et les menaça. Son visage était rouge de colère et ses tempes battaient dangereusement.
— Salaud, je vais t'étriper, dit-il à l'adresse de John. C'est comme ça que tu me remercies de mon hospitalité ? Et toi, ajouta-il à l'adresse de sa femme, je devrais te faire fouetter, trainée !
John se releva, bien que nu, et fit face à son dangereux adversaire. Il prit sa rapière posée sur la table de nuit et dégaina. L'aubergiste, furieux, lui lança le tabouret à la figure, mais John l'évita d'un agile pas de côté.
— Voyons, monsieur. Arrêtons-nous là, vous n'allez pas vous attaquer à un noble, tout de même !
— Un noble, t'en foutrai, moi.
Il se jeta sur Essex, qui n'eut d'autre choix que d'occire l'importun en le transperçant de sa lame. Les mains de l'aubergiste s'arrêtèrent à deux doigts du visage de John, et sa carcasse s'effondra sur le parquet de la chambre.
— Malheureux ! qu'avez-vous fait ? se lamenta Caterina en voyant le corps de son mari gisant sur le sol.
— Habillons-nous en vitesse, il nous faut partir d'ici au plus vite. Les cris de ce porc auront tôt fait d'ameuter tout le quartier, et je ne compte pas finir mes jours au bout d'une corde.
Les trois fuyards empaquetèrent leurs affaires prestement et descendirent par l'escalier de service alors qu'au dehors, la foule des badauds s'attroupait déjà vers l'auberge afin de comprendre l'origine de ces cris. Caterina conduisit Hardy et Tom à travers le dédale des rues de la cité florentine jusqu'à la porte située au Nord de la ville.
— Halte là, les arrêta un garde alors qu'ils passaient devant lui. Où allez-vous comme cela ?
— Nous quittons la ville, répondit Caterina en italien. Ces messieurs sont en mission pour la reine de France et je suis leur guide.
— Impossible, Signora. Vous n'êtes pas au courant du couvre-feu ? Personne ne sort de la ville en pleine nuit. Vous feriez mieux de vous trouver une auberge, si vous ne souhaitez pas passer la nuit au poste.
— Écoutez, le coupa Essex. Vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Je suis un Lord Anglais en mission. J'étais ce matin même au palais du duc Léopold. Sachez que si mes commanditaires apprenaient qu'un simple soldat a entravé la route du comte d'Essex, il vous en coûterait, soyez-en certain.
— Que vous soyez Comte ou Roi m'importe peu, monsieur, et les règles sont les mêmes. Mes ordres sont clairs : personne n'entre ni ne sort de la ville avant le lever du soleil.
John commença à s'impatienter.
— Bon, très bien. Combien vous faut-il ? cent ? deux cents lires ? Tenez, prenez cette bourse, elle contient quatre cent cinquante lires. Faites-en ce que vous voulez, elle est à vous.
Alors que l'appât du gain allait finalement avoir raison du soldat, un cavalier fit brusquement irruption par l'une des rues principales.
— STOP ! Fermez les portes, hurla-il à l'adresse des soldats. Personne ne doit quitter la ville, ordre du capitaine de la police. Un aubergiste a été tué et sa femme portée disparue. Les suspects sont deux Anglais de passage à Florence.
Le soldat regarda successivement Caterina, Essex, puis la bourse qu'il avait dans les mains, comprenant ce qui était en train de se passer. Il mit la main à sa ceinture pour sortir son pistolet mais John se jeta sur lui en hurlant :
— Tom, fuis, cache-toi, et envoie une lettre à Elizabeth. Raconte-lui ce qui m'est arrivé. Elle seule pourra nous sortir de ce mauvais pas.
Le blondinet s'enfuit et disparut dans les ruelles sombres de la ville, tandis que les soldats étaient occupés à maîtriser Essex et à arrêter Caterina. Il courut jusqu'à avoir le souffle court et se cacha finalement dans un parc désert. Épuisé mais effrayé, il peina à trouver le sommeil.
Le lendemain matin, Tom fut réveillé par une sensation humide sur le visage. Un chien errant le regardait, la truffe posée sur sa joue et le gratifia d'une léchouille amicale. Tom caressa l'animal et se releva, puis se mit en quête d'un relai de poste. Il dût faire quelques détours pour éviter les patrouilles de soldats qui le cherchaient probablement, et en trouva finalement un. Il acheta du papier, une plume et un encrier, et écrivit à la Reine de France.
Ma Reine,
John Hardy a besoin de votre aide. Notre enquête nous a menés à travers toute l'Europe jusqu'à Florence, où John a appris que Louis se serait marié avec Éléonore. Nous n'avons pas trouvé de trace de la jeune femme jusqu'à présent. Cependant, un fâcheux incident est arrivé à mon oncle, et il a été fait prisonnier. Il risque fort d'être jugé coupable de meurtre et pendu, si vous n'intercédez pas rapidement en sa faveur. Je vous en prie, ma Reine, nous avons absolument besoin de votre aide.
Tom Kent.
Une fois la lettre confiée au courrier, Tom alla faire un tour du côté du poste de police. Il s'approcha discrètement des officiers présents pour glaner de précieuses informations sur la situation de son oncle.
— Tu ne connais pas la nouvelle ? lança un homme à son équipier. Cette nuit, les gardes ont arrêté un noblion Anglais qui tentait de quitter la ville avec sa maîtresse. On raconte qu'au même moment, le corps d'un aubergiste a été retrouvé mort dans le quartier de Santa Maria Novella. Et devine-quoi ! Cet aubergiste, c'est le mari de la femme qui tentait de fuir !
— Tu veux dire que le salaud se sera tapé la femme de son hôte et aurait été pris en flagrant délit par le mari cocu ? Ces gens-là n'ont aucunes manières... sous prétexte de leur noblesse, ils se croient tout permis.
— Oh, ne t'inquiète pas, celui-là va tomber. Ils tiennent de solides preuves contre lui. L'enquête est encore secrète, mais il dansera bientôt au bout d'une corde, je peux te le garantir.
Horrifié par ces nouvelles, Tom repartit en courant vers les faubourgs sombres de la cité toscane. Il devait trouver une cachette sûre en attendant qu'Elizabeth ne délivre John du triste sort qui l'attendait.
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Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission Royale
Historical Fiction[TERMINEE] [Wattys 2021 WINNER] Un énorme merci à @Alonebuttogether pour son travail sur la couverture, n'hésitez pas à aller voir ce qu'elle fait! En 1785, le capitaine Surcouf, corsaire connu pour ses exploits militaires, fait la rencontre d'Osca...