Chapitre 29 (1/2): Florence

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— Cela fera vingt lires par nuit, annonça la femme au comptoir de l'auberge que Tom et John avaient choisie pour la nuit. Bienvenue à Florence.

— Merci, c'est un plaisir pour moi, qui n'ai jamais eu la chance de venir en Italie, répondit Essex en souriant à la charmante hôtesse. Tom, monte avec nos bagages, je vais essayer d'en savoir un peu plus sur notre hôte, ajouta-il avec un clin d'œil.

Bien que l'hiver soit toujours à son acmé, la météo florentine était plutôt clémente, et sa température printanière contrastait avec le froid glacial qu'ils affrontaient depuis plusieurs semaines. La traversée de la Méditerranée avait été une découverte pour Tom, qui n'avait jusqu'alors pas pu apprécier le bonheur d'être seul en mer, entouré par cette immensité bleutée, son unique expérience maritime ayant été la traversée de la Manche, de nuit, lorsqu'il était venu à Paris quelques mois plus tôt. 

A Pise, ils avaient pris un coche qui les avait menés directement aux portes de Florence, et ils s'étaient aussitôt mis en quête d'une chambre pour la nuit, Essex n'ayant malheureusement pas de contacts en Italie. Ils avaient trouvé cette petite auberge discrète, dans une rue bordant la basilique Santa Maria Novella, et avaient été séduits par le charme baroque de sa façade et les prix raisonnables qu'elle pratiquait.

John questionna la femme de l'aubergiste sur les seigneurs qui gouvernaient la ville et sur les rumeurs concernant le passage du prince Louis quinze années auparavant. La jeune femme ne parut pas insensible aux charmes du comte, mais les informations qu'elle lui fournit ne lui furent que de peu de secours. La ville était aux mains des Habsbourg, les mêmes Habsbourg qui régnaient alors sur l'Autriche, la Hongrie et la Savoie. Léopold Ier administrait la Toscane, sous les ordres de son frère Joseph, Empereur à Vienne. La femme de Joseph était issue d'une riche famille italienne, cousine des Médicis déchus et fournissait au Grand-Duché le soutien du peuple florentin. 

L'hôtesse ne connaissait le prince Louis que de nom, n'étant à l'époque de son passage âgée que de trois printemps. Elle conseilla cependant au comte de se rendre au Palais Pitti, la villa historique des Médicis, d'où les Habsbourg règnaient désormais sur la Toscane, pour en apprendre davantage.

Le lendemain, John et Tom suivirent Caterina, c'était son prénom, qui avait accepté de leur servir de guide et d'interprète dans le dédale des rues de Florence. Le passé médiéval de la cité était encore palpable et Tom se plaisait à se prendre pour un chevalier florentin de retour de campagne dans les Pouilles, transformant un simple bâton en épée au manche incrusté de pierres précieuses et adoubant sur son passage chats de gouttière et chiens errants. Quelques mètres derrière lui, Essex devisait avec Caterina, charmant la jeune femme avec son humour anglais typique. Ils franchirent la cour du palais et furent accueillis par la maîtresse des lieux.

— Bonjour, Comte, dit-elle. Je suis ravie de faire la connaissance d'un Lord anglais. Nous avons rarement le loisir de croiser vos semblables, dans cette partie de l'Europe.

Elle avait dit cela dans un anglais approximatif, et Essex lui proposa de poursuivre en Français, maîtrisant lui-même la langue de Molière.

— Et c'est bien malheureux, répondit Hardy, car le peu que nous avons vu de votre ville et de votre campagne nous a ravis, mon neveu et moi-même. Sans compter le charme des florentines, ajouta-il à demi-mot en jetant un regard en biais vers Caterina, ce qui fit sourire la duchesse.

— Bien. J'ai cru comprendre que vous êtes en mission pour la désormais Régente du royaume de France, dit-elle. Mon époux et moi serions ravis d'en apprendre davantage sur les raisons de votre présence ici.

En disant cela, la duchesse les avait guidés à travers couloirs et corridors jusqu'à une immense salle à manger où était dressé un copieux petit-déjeuner. Assis au centre de la table, Léopold savourait avec un appétit vorace une cuisse de dinde dégoulinante de sauce. Il se leva pour accueillir Tom et Hardy qui s'installèrent en face de leur hôte, tandis que la duchesse prenait place à sa gauche. Caterina fut également invitée, et la jeune femme saisit l'occasion de profiter d'un repas comme elle n'en avait jamais goûtés auparavant.

Un été en mer de Jade, Partie 1: Mission RoyaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant